Corpo d'amore
Autres titres:
Real: Fabio Carpi
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 98mn
Acteurs: Mimsy Farmer, François Simon, Giovanni Rosselli, Lino Capolicchio, Vittorio Fanfoni, Gianni Pulone, Amleto Fattori, Teresa Josca...
Résumé: Un homme, professeur d'université, et son fils de quinze ans, longtemps séparés, passent leurs vacances quelque part au bord de la mer. Ils s'entendent mal, les rapports sont tendus et ne partagent plus rien. Un jour, ils découvrent une jeune inconnue gisant inconsciente sur la plage. Ils décident de l'emmener chez eux et de la veiller. Elle revient tout doucement à elle mais elle ne parle pas. Lorsqu'elle prononce enfin un mot, ils s'aperçoivent qu'elle s'exprime dans une langue incompréhensible. Très vite, elle va jeter le trouble entre le père et son fils qui, chacun la désirant, vont se jalouser et se haïr. C'est alors qu'un étranger apparait, surgi de nulle part. Ils tombent amoureux l'un de l'autre. Cet amour naissant va mener le père et le fils à commettre l'irréparable...
Plus connu comme scénariste et écrivain, Fabio Carpi a également réalisé quelques films et téléfilms la plupart ayant pour point commun une réflexion souvent très philosophique sur la vie. Passionné par l'oeuvre d'Antonioni sur lequel il a écrit un livre, Carpi a souvent tenté de suivre les traces de son maitre à penser. Premier film du réalisateur, Corpo d'amore en est un preuve cinglante.
Un père, professeur à l'université passionné d'entomologie, revient d'Amérique après des années d'absence. Il retrouve son fils de quinze ans qui porte le même prénom que lui,
Giacomo. Père et fils passent leurs vacances au bord de la mer dans un lieu isolé, désert, loin de tout. Ils n'ont rien à se dire ni même à partager. La rancoeur a envahi le coeur de son fils qui a du mal a renouer le contact. Tout semble les éloigner l'un de l'autre. Un jour ils aperçoivent le corps d'une femme évanouie sur la plage. Ils la ramène chez eux, l'installe dans le lit du fils et la veillent tour à tour. Qui est elle, d'où vient elle? Une chose est sûre, elle va bouleverser leur vie. A son réveil, ils décident qu'elle restera désormais avec eux. La femme ne s'exprime que dans un langage incompréhensible. Il ne sauront donc jamais rien sur cette étrange inconnue hormis qu'ils en sont tous deux fou amoureux. Le père accepte
mal le fait de vieillir et ne plus pouvoir l'intéresser, le fils est peut être trop jeune pour la conquérir. Lentement va naitre une redoutable rivalité entre eux deux qui va encore plus les éloigner. C'est alors qu'un inconnu surgi de la mer apparait à son tour sur la plage. S'il parle la même langue que la jeune femme il s'exprime également dans un parfait français. Ils n'en sauront pourtant pas plus sur ces deux êtres qui semblent amoureux et complices. Leur relation va rapprocher le père et le fils qui de plus en plus jaloux de voir cette femme leur échapper vont nourrir une haine de plus en plus forte contre l'étranger jusqu'au point de le tuer afin que la jeune fille reste à jamais leur possession. Ils renouent le contact, se
redécouvrent, l'amour père-fils renait. Ils finissent par s'apercevoir qu'ils sont en fait l'exact reflet l'un de l'autre.
Surnagent également d'autres thèmes comme l'ambiguïté des rapports humains, la précarité des sentiments et leur diversité, les questions existentielles qui rongent tout être (savoir accepter son âge, y a t-il un âge pour la sexualité) que Carpi tente d'analyser. Mais beaucoup y verront également un film anti féministe, misogyne ne serait ce que dans son titre. En fait la jeune inconnue n'est qu'une poupée de chair avec laquelle jouent le père et le fils, une chose dont il dispose à leur guise, un bien qu'ils possèdent et ne veulent pas voir
leur échapper, une prisonnière, un simple corps avec lequel ils aimeraient vivre leurs fantasmes sans jamais se demander si elle est heureuse ou non. La femme esclave, la femme objet, la femme chose, un sujet qu'on retrouve lors des ultimes minutes du film.
Corpo d'amore est avant tout un film sur l'incompréhension, l'incommunicabilité qui lentement s'est installée entre un père et un fils, deux étrangers qui n'ont plus rien ni à partager ni à se dire ni même un seul point en commun si ce n'est leur prénom, signe qu'il suffirait peut être qu'un élément extérieur vienne briser cette glace afin de raviver les liens puissants de la filiation, faire renaitre la complicité qui autrefois les unissait. La jeune
inconnue échouée sur la plage qui s'exprime dans une langue incompréhensible, d'où impossibilité de tout dialogue, n'est en fait que le miroir de leur vie présente. Elle est également l'élément déclencheur qui permettra au père et au fils de se retrouver après s'être haï et jalousé mais pas à quel prix. Une renaissance passe par la mort et c'est dans le meurtre que les deux êtres vont renouer contact et découvrir qu'ils sont en fait deux parfaits doubles.
Oeuvre profondément psychanalytique, Corpo d'amore se situe entre les univers d'Antonioni (on pense quelque peu à L'avventura) et de Bergman. Malheureusement n'est ni Bergman
ni Antonioni qui veut. Faire réciter de longs dialogues voire monologues à ses interprètes plantés quasi immobiles dans un décor épuré propre au rêve, agrémenté d'une pointe de surréalisme, ne suffit pas à captiver l'attention du spectateur encore moins à le faire pénétrer dans ce monde plutôt hermétique au départ. Bien au contraire, cela risque de l'ennuyer au plus haut point et le faire sombrer dans une profonde léthargie. C'est le cas du film de Carpi qui très vite devient insupportable. Totalement statique, la mise en scène est à l'image des personnages, soporifère. Carpi alterne 1h40 durant longs passages dénués de tout mouvement, longs silences pesants et interminables dialogues et monologues intérieurs
fatigants, répétitifs, récités tant en français qu'en latin de manière monotone, monocorde, sans jamais réussir à instaurer une quelconque atmosphère d'autant plus que les textes frisent souvent le ridicule, guère aidés par une interprétation peu expressive, maladroite et peu convaincante. Voilà qui est bien regrettable puisque la plus grande force du film devait être ses dialogues, sa réflexion. Corpo d'amore tourne finalement dans le vide, un vide qui absorbe le pauvre spectateur embarqué dans ce pensum psychanalytique raté. Et ce n'est pas la supposée explosion de violence finale qui viendra apporter un peu d'énergie. Carpi reste tout en retenue et le meurtre du jeune étranger sombre elle aussi dans un ridicule
déplorable à l'image de la conclusion, abrupte, frustrante. Tout ça pour ça, était ce bien la peine?
La distribution ne relève guère le niveau. Le vétéran François Simon, très actif à la télévision entre deux rôles au cinéma, est vite exaspérant, vide de toute expression. Le jeune Giovanni Rosselli semble être une erreur de casting. Filiforme, une petite paire de lunettes rondes surmontée d'une boule de cheveux frisés, Giovanni, figure anonyme du Bis italien entraperçue dans Oscenita de Polselli et l'imbuvable comédie Ya Ya mon colonel, n'a absolument pas l'étoffe d'un grand comédien. il est incapable de donner la moindre
épaisseur à son personnage, vite irritant, encore moins de crédibilité. Reste la beauté d'une toujours aussi énigmatique Mimsy Farmer, parfaite comme d'accoutumée dans le rôle quasi muet d'une mystérieuse névrosée, et l'apparition trop brève d'un Lino Capolicchio version cheveux longs, qui avec Mimsy apporte un peu de sensualité et surtout de consistance à l'ensemble.
Reste au crédit de Corpo d'amore, rythmé par tout un éventail de musique classique (Bach, Paganini, Les flûtes roumaines de Gheorge Zanfir...) la beauté de ses décors et de son paysage marin, semi-désert, presque magique, baigné dans de superbes couchers de soleil rougeoyants, magnifiquement bien mis en valeur par une photographie
chaude signée Vittorio Storaro, la beauté de Mimsy Farmer, les gros plans sur son corps, son visage, sa détresse, quelques scènes disséminées ça et là et... le maillot de bain du jeune Giovanni Rosselli bien peu habillé. Tout cela n'est malheureusement pas suffisant pour donner au film un quelconque intérêt et tirer son public de la torpeur qui l'envahit. Corpo d'amore échoue dans sa tentative psychanalytique aussi soporifique qu'un numéro de "Chasse et pêche" dont on ne retiendra que la beauté visuelle. Silences, dialogues métaphoriques et statisme ne riment pas forcément avec psychanalyse ou analyse intérieure.