Maléfices porno
Autres titres:
Real: Eric De Winter
Année: 1977
Origine: France
Genre: X
Durée: 58mn
Acteurs: Laurence Jarry, Gilbert Servien, Manu Pluton, Christine Chanoine, Evelyne Biancchi, John Oury, Véronique Aubert, Stéphanie Green...
Résumé: Un mari impuissant rêve qu'il séquestre avec son épouse des femmes qu'ils torturent sexuellement puis tuent ensuite.. C'est la seule façon pour lui d'éprouver du plaisir et atteindre l'orgasme...
Avant toute chose il est intéressant de retracer l'histoire de ce film qui donna bien des nausées à Dame censure, un scandale qui fit la renommée de ce X jugé autrefois dangereux pour la santé mentale du spectateur. Au départ Maléfices porno fut un film de commande destiné aux salles crasseuses de la 42ème rue à New York. Les productions AMT derrière lesquelles se cache Anne Marie Tensi demandèrent donc au réalisateur Eric DeWinter de tourner un film particulièrement poisseux, profondément sadomasochiste, qu'il se dépêcha d'écrire, un scénario qui mêlait avec une certaine grandiloquence sexe, gore, sang et mort.
C'est alors que la productrice changea d'avis et décida d'exploiter le film en France. Ce revirement changea la donne puisqu'à cette époque la seule idée de pouvoir sortir un tel film en salles dans notre prude Hexagone où le cinéma pornographique connaissait ses premiers gros balbutiements était impensable. De Winter dut couper bon nombre de scènes tout en gardant une certaine linéarité scénaristique puis il dut obtenir un visa de censure qui lui fut refusé. Profondément choqué, au bord de la nausée, le comité de censure déclara Maléfices porno comme une offense à la dignité humaine, un danger pour la santé psychique du pauvre spectateur entrainé dans un tourbillon sordide de folie sexuelle
macabre empreinte de surcroit de racisme profond. Le film après deux ans d'interdiction fut finalement classé X et sorti discrètement en 1978 dans quelques salles parisiennes avant une ressortie tout aussi confidentielle en 1983 puis disparut totalement. Quarante plus tard, peut on dire que Maléfices porno méritait une telle classification auréolée d'un tout aussi phénoménal scandale? La réponse est à nos yeux évidente: non!
L'intrigue est simple. Un homme et sa femme se déchirent car le mari est impuissant. La nuit il rêve qu'il forme avec sa femme un couple de tortionnaires. Ils entrainent leurs victimes dans une caverne et leur font subir les pires sévices avant de les tuer, seule façon pour
l'homme de pouvoir prendre du plaisir et jouir. A son réveil, il finira par tuer sa femme en la plongeant dans un bain d'acide sulfurique, la considérant comme responsable de son impuissance et de ses pulsions meurtrières. Le film se compose donc de deux segments principaux, deux rêves pris en sandwich entre une introduction sans grand intérêt et la conclusion, l'assassinat de l'épouse plongée dans le fameux bain d'acide sur lequel Maléfices porno se terminera de manière abrupte sans aucun générique de fin.
Oeuvre ouvertement underground, le film de De Winter est en quelque sorte un précurseur. Rarement en France avait on produit de tels X qui, décomplexée, mélangeait déviances sexuelles et sadomasochisme extrême (urophilie, godage, flagellations...), sévices
corporels (corps marqués au fer rouge), humiliations et morts violentes (les victimes sont toutes occises après avoir été torturées, la palme de la mort la plus brutale revenant à la jeune fille coupée en deux à la scie circulaire), ce type de hardcore crasseux, mélangeant sexe et violence, sang et sperme, mort et jouissance étant réservé jusqu'alors à l'industrie américaine avec notamment les oeuvres de Damiano, Zebedy Colt, Weston et autres De Renzy. Tourné dans une caverne située à l'ouest de Paris qui servait autrefois de champignonnière, Maléfices porno a perdu de sa redoutable flamboyance, de son aura de souffre et fera plutôt rire s'il n'ennuie pas faute à l'inégalité des segments. On passera sous
silence l'introduction, la présentation des personnages et de l'impuissance du mari dont le sexe reste désespérément mou, un prélude anodin qui ressemble à n'importe quel porno français d'alors, pour s'attarder sur les deux rêves de l'homme.
Le premier est certainement le plus intéressant. Deux filles sont retenues prisonnières dans la caverne. Enchainées, elles sont flagellées, fessées, cravachées puis marquées au fer rouge par l'homme déguisé en une sorte de Dracula d'opérette, une atmosphère qui n'est pas sans rappeler un certain cinéma gothique appuyée en outre par le maquillage noir d'une des victimes. La plupart des sévices sexuels qu'elles vont endurer sont avant tout des
introductions sans ménagement d'objets dans le vagin et l'anus pour mieux être prises et sodomisées dans la douleur. Ce premier segment se clôturera par la mise à mort d'une des jeunes filles, tranchée à la scie circulaire. Point d'effets gore, une nouvelle qui attristera bon nombre de spectateurs alléchés, juste une belle éclaboussure de sang rouge écarlate qui macule l'objectif de la caméra laissant deviner l'atroce fin de la malheureuse. Gageons que la scène ait été lourdement mutilée par les coupes imposées. Avec ce premier rêve, De Winter crée un léger malaise et parvient à retranscrire l'ambiance suffocante assez particulière des donjons, haut lieu des parties sadomasochistes, mâtinée d'un nuage
d'épouvante gothique plutôt agréable. Extase et souffrance se marient de manière plutôt judicieuse, les scènes de sexe, crues, sont filmées sans détour. On songe par instant au futur Orgies en cuir noir pour la froideur de l'ensemble. Seul bémol est cet humour agaçant qui vient casser par moments ce climat étrange, sordide, ne serait ce que les facéties et grimaces du mari, sorte de trublion lubrique qui sous sa cape de vampire fait trop souvent penser à un clown de cirque... certes très spécial... un cirque de l'horreur!
C'est bien malheureusement ce point qui définit le second rêve qui fera plus rire qu'il ne choquera ou mettra mal à l'aise. C'est autour cette fois d'une blonde gourgandine à la
perruque volée au Crazy horse et d'un homme de couleur aux muscles herculéens d'être les jouets du couple maudit. On oublie ici cette atmosphère suffocante si délectable qui faisait l'intérêt du premier récit. Place ici au ridicule et à l'hilarité ou comment doit on interpréter ce nouveau sketch? Doit on le prendre au sérieux? L'imagination semble avoir fait quelque peu défaut à De Winter qui oblige sa prisonnière à uriner sur l'homme du haut d'un bloc de pierre, une douche dorée gâchée par cet incessant humour et les pitreries de l'époux qui se lave avec la pisse chaude. Ceci n'est rien à comparer des gesticulations hystériques de l'Hercule noir, menotté à une roche. Durant toute sa prestation, il émet des grognements
simiesques vite insupportables, grimace, bave, tente vainement d'attraper l'épouse qui l'excite en le masturbant. La censure y vit jadis de graves connotations racistes. L'homme noir est traité en animal, agit comme un animal, est réduit à l'état animal et se vengera une fois détaché en animal (il sodomisera sauvagement l'homme après lui avoir arraché son slip). Plus qu'un voile de racisme, c'est surtout un grand moment d'hilarité tant cela ne semble pas sérieux et donne l'impression d'être une parodie de sketch comique pour adultes avertis. Quoiqu'il en soit l'aura sulfureuse de ce second rêve qui se finira par l'éventration de la fille et la transformation du pénis du mastodonte noir en pelote d'épingles
est aujourd'hui un peu trop inoffensive pour faire vraiment effet. Entre une mise en scène trop ludique, cet insupportable Hercule noir et l'humour récréatif, potache, de l'époux, la consternation est de mise et gâche la joie relative ressentie lors de la première histoire.
Quant à la conclusion, on restera quelque peu sur notre faim. On est loin, très loin, des bains d'acide d'un Blue holocaust. Le corps de la femme est simplement plongé dans une baignoire remplie de liquide brunâtre. Quelques bulles et un beau point d'interrogation: comment son mari peut il plonger ses mains dans la baignoire sans être attaqué par l'acide? Peu importe la réponse, ce n'est qu'un détail de plus qui dessert l'intrigue.
Au final Maléfices porno est certes un porno qui assume son coté sulfureux, crasse, un X gentiment redoutable pour une oeuvre française sortie à une époque où le genre n'avait pas encore connu une telle audace. le cocktail sexe, violence, mort étant alors essentiellement réservé aux productions américaines. En ce sens, Maléfices porno est un joli témoignage, un produit underground à la français qui aujourd'hui ne risque plus guère de choquer le spectateur habitué à bien pire. Amoindri par cet humour décalé et le ridicule de certaines scènes, le film s'il fait effet n'égale ni les productions américaines ni les films français du même acabit, gay ou hétérosexuels, qui sortiront sur nos écrans quelques petites années plus tard, Orgies en cuir noir en tête. Maléfices porno demeure simplement un agréable X qui ravira l'amateur de sadomasochisme de base, de déviances sexuelles sordides, celui qui aime conjuguer sans fin ni faille plaisirs charnels et violence... comme nous tous ici au Maniaco.