Anna quel particolare piacere
Autres titres: L'emprise des sens / Secrets of a call girl / Anna the pleasure, the torment / Anna ese particular placer
Real: Giuliano Carnimeo
Année: 1973
Origine: Italie
Genre: Polar / Drame
Durée: 95mn
Acteurs: Edwige Fenech, Corrado Pani, Richard Conte, Ettore Manni, Laura Bonaparte, John Richardson, Antonio Casale, Carla Calò, Aldo Barberito, Bruno Corazzari, Umberto Raho,Wilma Casagrande, Corrado Gaipa, Ennio Balbo, Tom Felleghy, John Bartha...
Résumé: Anna est caissière. Elle tombe un jour sous le charme de Guido, un dangereux voyou qui appartient à une organisation mafieuse milanaise. Pour lui, elle décide de tout quitter pour le suivre même s'il ne lui a rien caché de ses activités. Anna devient alors sa chose. Un jour elle est témoin d'un crime que commet Guido. Les chefs de Guido exigent qu'elle ne le quitte plus. Il en fait une prostituée mondaine lorsqu'un jour Anna lui annonce qu'elle est enceinte. Il l'oblige à avorter mais Anna réussit à s'enfuir juste à temps. Bien des années ont passé. Anna coule désormais des jours heureux avec son fils lorsque Guido réapparait...
Sympathique artisan de la série B, Giuliano Carnimeo s'est surtout fait connaitre dès la fin des années 60 pour ses westerns avant de s'orienter quasi définitivement vers la sexy comédie et un cinéma populaire ouvertement égrillard. Il s'essaya toutefois avec plus ou moins de bonheur au giallo avec Les rendez-vous de Satan, un thriller de facture plutôt classique avec Edwige Fenech à laquelle Carnimeo fit de nouveau appel pour L'emprise des sens, un polar noir qui très vite vire au pur mélodrame, un mélange souvent brouillon qui risque d'en laisser plus d'un sur sa faim.
La jeune Anna est une petite caissière de province qui un jour tombe sous le charme de Guido, gangster cruel et trafiquant de drogue notoire.Malgré le fait qu'il lui ait avoué qui il était en réalité, elle accepte par amour de tout quitter pour le suivre à Milan. Guido fait ce qu'il veut d'Anna qui reste à ses cotés malgré la violence de leur relation. Un jour elle est témoin d'un meurtre commis de sang froid par Guido. Dés lors, Anna devient une menace pour l'organisation pour laquelle il travaille. Son chef lui ordonne de la surveiller et de la maintenir sous sa coupe. Il l'oblige ainsi à faire passer de la drogue à la frontière puis à se prostituer. Lorsque Anna lui annonce qu'elle est enceinte, il exige qu'elle avorte. Elle refuse, s'enfuit
alors que Guido est arrêté par la police puis condamné à six ans de prison. Les années passent, Anna a refait sa vie et coule des jours heureux avec son fils et le docteur Viotto. C'est alors que Guido réapparait et oblige Anna à tout quitter et reprendre sa vie de prostituée soumise. Anna se rebelle et tente de tuer son bourreau. Avant de mourir il parvient à blesser mortellement la jeune femme.
Voilà un scénario alléchant qui malheureusement est loin de tenir ses promesses. Bien difficile est de savoir en effet quelle direction veut prendre Carnimeo. Tout commençait pourtant sous les meilleurs auspices. L'ouverture du film, rondement menée, laissait
entrevoir un polar noir d'excellente facture lorsque assez rapidement Anna quel particolare piacere s'égare tout azimut. Du polar noir on passe au sexy drame pour mieux se diriger vers le mélodrame pour finalement finir dans le pur lacrima-movie, le roman-photo dans ce qui l'a de plus insupportable, cette mièvrerie qui casse ici définitivement les quelques efforts que Carnimeo aurait pu faire. Le mélange aurait pu fonctionner si Carnimeo avait justement réussi à trouver un équilibre entre tous ces genres ce qui est loin d'être le cas. Les parties s'enchainent, sautent d'un style à un autre pour se perdre dans une overdose de sentimentalité bas de gamme qui énerve plus qu'elle ne touche. L'histoire perd ainsi une
bonne partie de sa force mais également de sa crédibilité, peu aidé par les nombreuses ellipses qui truffent l'intrigue. L'emprise des sens est un véritable parcours de saut à la haie. Les années se comptent en minutes, on passe d'une scène à une autre sans aucune réelle transition, tout va très vite et c'est au spectateur de comprendre qu'il vient de changer de séquence ou d'unité de temps. Et ce n'est pas la prestation d'Edwige Fenech qui risque de donner à l'ensemble un semblant d'épaisseur. Très à l'aise dans la sexy comédie qui en fera quelques années plus tard une star de l'érotisme populaire ou à moindre frais dans ses rôles de bourgeoise en détresse dans les quelques gialli qu'elle tourna, elle s'avère une
piètre actrice dans le registre dramatique. Très peu convaincante dans la peau d'une petite caissière de province puis en prostituée mondaine et enfin en mère de famille respectable, elle traverse le film de manière stoïque, mono expressive, elle ne donne aucun relief à son personnage qui finalement ressemble à celui d'un banal roman-photo, à l'image même du film.
Difficile également de s'accrocher à ses personnages voire de comprendre leurs choix, leurs émotions, tant il manque de psychologie. Le fameux syndrome de Stockholm, cet amour violent, cette relation aveugle, très particulière, qui lie la victime à son bourreau, est d'une telle
superficialité que le film devient vite une sorte de caricature romanesque faite pour faire pleurer à chaudes larmes les plus sensibles. Il ne manque que les violons heureusement remplacés par une agréable partition musicale signée Luciano Michelini qui bien malheureusement n'évite pas de temps à autre notamment lors du long et larmoyant final un flot d'envolées sirupeuses.
Privé de crédibilité, noyée sous une tonne de sentimentalité bon marché, Anna quel particolare se laisse cependant visionner comme on s'accroche à un roman de gare pour passer le temps. On lui trouvera tout de même quelques qualités. Hormis une mise en
scène correcte et la présence d'Edwige qui offre à ses admirateurs une seule et unique scène de nu dorsal, on appréciera l'interprétation sans faille d'un Corrado Pani toujours aussi séducteur qui trouve là son rôle le plus brutal, un impitoyable malfrat sans coeur ni état d'âme, froid, qui passe son temps à insulter, gifler et frapper Edwige, enceinte ou non. De quoi flatter nos bas instincts misogynes et surtout pimenter un film qui manque sincèrement de piquant comme le pimentent également les quelques scènes de bagarres viriles plutôt efficaces et quelques séquences de pure violence telle le brasier dans lequel brûle tout un groupe de voyous. La présence de Richard Conte en boss mafieux apporte un petit coté
sinistre contrairement à Richard Richardson qui interprète un gentil docteur tout en guimauve et pâte d'amande! On évitera de mentionner le petit Paolo Lena, l'insupportable fils d'Anna.
L'emprise des sens s'il ne tient quasiment aucune des promesses qu'on en attendait se laisse toutefois regarder comme un pur divertissement familial, une sorte de drame social mafieux sur fond de roman-photo plutôt efficace dans sa première partie. Les amoureux d'Edwige seront heureux, les coeurs tendres y trouveront leur plaisir. Les amateurs de polars virils seront quant à eux déçus face à ce mélange des genres raté qui ressemble plus à une jolie soupe minestrone qu'à une splendide pièce du boucher bien saignante. Mieux vaut dans ce cas se tourner vers les polars et autres mélodrames napolitains de Brescia.