The hippie revolt
Autres titres: Somethng's happening: the hippie revolt / The world of acid
Real: Edgar Beatty
Année: 1968
Origine: USA
Genre: Mondo
Durée: 75mn
Acteurs:
Résumé: Le réalisateur propose un voyage de 75minutes au coeur de cette fin d'année 60 afin de mieux nous faire découvrir la jeunesse hippie, un monde en pleine révolution, en pleins changements, un univers fait d'utopies, de rêves, une ère où soufflait un vent de liberté totale sur laquelle planait l'ombre menaçante de la guerre du Vietnam. Il nous propose un documentaire clair et précis sur la Flower power generation bercé par les notes psychédéliques des grands rassemblements pacifistes, des festivals et les communautés noyées dans des nuages de fumée apaisantes et autres vapeurs acides...
Lancé au début des années 60 essentiellement par Monde cane de Gualtiero Jacopetti, le mondo, sous genre du cinéma d'exploitation particulièrement controversé, s'est vite décliné en plusieurs branches dont le teen mondo et l'acid mondo qui toujours sous la forme de pseudo documentaires tentaient de mieux nous présenter pour le premier la jeunesse de cette fin d'années 60, de nous introduire dans le monde des trips sous acides, l'univers hippie, sa marginalité, son mode de vie pour le second. The hippie revolt trouve sa place dans cette catégorie puisqu'il nous propose de totalement nous plonger dans le monde
fleuri de l'été 1967, des hippies de la côte ouest américaine. Proposé par un illustre inconnu dont ce fut le seul et unique incursion dans le 7ème art, Edgar Beatty, The hippie revolt diffère quelque peu du traditionnel mondo puisque cette fois il n'y a point de narrateur qui tout au long du métrage débite sur un ton aussi solennel que condescendant une flopée de propos souvent aberrants et tendancieux. Seuls quelques interviews de jeunes hippies, points de vues et autres brefs résumés de la vie d'alors servent d'illustration auditives aux images tournées par le réalisateur. Aucun trucage, aucune mise en scène, la caméra de Beatty filme cette nouvelle jeunesse de façon objective en s'immergeant dans les quartiers
et autres lieux où elle se rassemble.
La fin des années 60 fut notamment pour l'Amérique un véritable tournant dans son histoire et sa culture qui divisa le pays en deux. Il vit naitre de nouvelles modes, des nouvelles formes musicales, de nouveaux courants de pensées et formes d'expression à travers essentiellement la publicité et les médias. Ce fut aussi l'arrivée d'une extrême liberté des sens et du corps, l'ère de la libération sexuelle, l'amour libre, l'usage des drogues dites douces, la marijuana en tête, et des acides dont le LSD, le fameux triptyque sex drug and rock'n'roll, le mouvement Flower Power et ses communautés. Mais ce fut aussi le spectre
noir du Vietnam et des ligues de plus en plus nombreuses contre la guerre. Nous sommes en été 1967, Beatty traine ses sandales au coeur de San Francisco, berceau du mouvement hippie, afin de recueillir les témoignages, les points de vue et autres idéologies des principaux concernés: les hippies, racontés, vus, dépeints par eux mêmes, tel quel, sans détour ni fioriture. Ils sont les seuls acteurs du film au sens premier du terme.
Si jusqu'alors le mouvement hippie avait été le plus souvent caricaturé au cinéma par un bad boy chevelu de bien mauvaise compagnie, l'acid mondo et plus spécialement le documentaire de Beatty va le montrer sous son vrai jour, celui d'un courant souvent
fascinant qui fut assez bref composé d'une jeunesse souvent incomprise alors en pleine révolution, une grande fête psychédélique et ses nombreuses répercussions qui devaient sensibiliser l'opinion publique contre la guerre et trouva son apogée au festival de Woodstock en aout 1969. Beatty a tenté ici de capter cet enthousiasme propre au mouvement, cette grande célébration de la vie qui assez rapidement se transformera en une forme de parodie, celle du jeune chevelu végétarien, fumeur de "H" vivant nu dans la nature.
C'est donc à Haight-Ashbury, un quartier de San Francisco, à Strawberry field, une petite communauté rurale, au Golden Gate park, sur Hippie Hill et sur Sunset strip à Los Angeles que Beatty promène sa caméra au coeur même de la vie hippie. capture l'essence même du mouvement en découpant l'ensemble en plusieurs segments qui n'en forment qu'un au final, un peu comme une dissertation découpée en différents paragraphes sous les
commentaires de jeunes plus ou moins lucides selon qu'ils sont sous l'emprise de drogue ou pas. On danse beaucoup dans les parcs, lieux premiers des grands rassemblements, on célèbre la vie, le corps, au son d'airs de guitare, de mélodies jazzy, funk ou plus psychédéliques mais aussi de l'indispensable cithare pour mieux méditer. Les rues sont envahies par une horde de cheveux longs. Voilà l'instant idéal pour parler de drogue, cette libération des sens, mais aussi des moyens pour ne pas se faire arrêter pour détention de produits illicites. On assiste à des séances de body painting, une façon non seulement de jouer avec son corps mais aussi une façon de s'évader, de s'exploser la tête comme le ferait
une drogue nous explique une jeune fille. Tout aussi ludiques sont les mariages pratiqués dans un parc par un officier chevelu qui enchaine les unions comme on enfile des perles. On visite un refuge dans Haight réservé aux jeunes fugueurs afin qu'ils ne deviennent pas dépendants aux drogues avant d'assister à une étrange remise de diplôme, celui du meilleur consommateur d'acides lors de ces parties où on testait les effets du LSD. On part également en club pour des soirées très spéciales particulièrement lumineuses.
Plus fascinants sont tous les passages concernant les prises de stupéfiants. Lors d'une escale à Strawberry field, les résidents de ce village 100% hippie et autonome nous parlent
des trips sous acides et autres stupéfiants tels le DMT, la belladonne, la méthadrine et la cocaïne, leur première fois, leur addiction, des bienfaits des acides, puissant désinhibants, et l'ouverture spirituelle qu'ils apportent, de ce que serait le monde sans eux, ils parlent du retour à la nature, de la pureté, de sexe également comme une communion entre deux personnes ou plus... tout en fumant et faisant tourner des joints, sous le regard des chiens et des chèvres, au son d'une guitare ou d'une flute. On philosophe, on divague, on déblatère plus ou moins clairement.
Pour beaucoup prendre de la drogue n'est pas pire que de pire de l'alcool ou prendre des
tranquillisants. Certains ont ainsi rencontré Dieu ou l'ont approché. Dieu n'est pas mort clament t-ils! Il serait le plus grand consommateur d'acides, un véritable junkie qui expérimente sans cesse de nouvelles sensations, de nouveaux produits. La drogue est surtout un moyen d'atteindre ses propres idéaux, de combattre ses freins, de se libérer tant spirituellement que physiquement, atteindre ces nouveaux horizons qu'on s'est fixé, croire en une utopie tout en se rebellant contre les institutions en oubliant les limites. On se sociabilise, on partage, on s'aime en communauté, on recherche la paix intérieure comme celle extérieure et ainsi naissent les vagues pacifistes en réponse à la guerre du Vietnam.
C'est sur ce lourd chapitre que le film se clôturera. On organise un rallye anti-Vetnam, on chante, on danse, on se rassemble sous l'égide des pancartes contre la guerre et des drapeaux ornés d'une feuille de cannabis. "Les bombes et les fusils ne changeront pas les choses. Nous changerons les choses avec des ours en peluche et des brownies au chocolat". Cette phrase d'une jeune manifestante résume à elle seule l'idéologie hippie, son coté bon enfant, aujourd'hui totalement insensé mais si attendrissant.
The hippie revolt est une superbe plongée dans le San Francisco de 1967 faite d'images souvent rares et surtout stupéfiantes qui nous font découvrir un univers fascinant, à la fois
terriblement beau et glauque, les deux faces d'un mouvement qui aujourd'hui continue d'émerveiller, de surprendre. C'était une époque de liberté totale, exaltante, où la fraicheur, une certaine candeur, se mêlait à la folie à travers des personnages parfois inquiétants, illuminés, ravagés par les abus de drogues dures et autres hallucinogènes. Si The hippie revolt reflète assez bien cela, on pourra tout de même lui reprocher son coté répétitif, défaut majeur de ce documentaire multicolore qui multiplie un peu trop les séquences de danse et autres festivités musicales qui au bout d'un moment pourront lasser.
Visuellement superbe, certaines scènes telle la soirée en club avec son light show
psychédélique, hypnotique, véritable peinture de lumières flashy, sont tout simplement du grand art à la limite du surréalisme, The hippie revolt est un intéressant témoignage d'une époque à jamais révolue, plein de cheveux longs, de chemises à fleurs, de lunettes rondes et de barbes qui en fera rêver encore aujourd'hui plus d'un. La fin des années 60 n'a aujourd'hui rien perdu de sa magie, de son pouvoir de fascination, de son atmosphère si particulière de folie douce aromatisée patchouli comme le prouve une fois de plus cet agréable acid mondo qui se paie de luxe de faire apparaitre au générique quelques noms
incontournables de cette époque tels Muhammed Ali et le général Heschey Bar surnommé le général le plus cool du Pentagone pour sa tolérance. Certes sommaire dans son discours, The hippie revolt aura surtout comme principal effet de transposer le spectateur dans un monde éthéré baignant dans un doux nuage de fumée pourpre et de vapeurs acides, une époque ensoleillée aujourd'hui amèrement regrettée par tout ceux qui comme nous ici vénérons ces temps où les cheveux caressaient les épaules alors que les corps se caressaient au milieu des fleurs, celle où la beauté masculine était à son apogée. De Woodstock à l'ile de Wight en passant par Altamont, cet amour indéfectible se poursuit à travers ces images. Les amoureux de l'ère hippie acquiesceront.