Lo scugnizzo
Autres titres:
Real: Alfonso Brescia
Année: 1979
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 94mn
Acteurs: Angela Luce, Marco Girondino, Gianni Garko, Rik Battaglia, Gennarino Palumbo, Pippo Valente, Lucio Montanaro, Nunzio Gallo, Renato Caruso, Salvatore Pucinelli, Nino Vingelli, Salvatore Santaniello, Stefano Esposito, Franco Cocciola, Giulio Cocciola, Mario Leveque, Daniela Guzzi...
Résumé: Gennarino, un petit garçon d'une douzaine d'années, survit en accompagnant sa mère adoptive, Angela, dans des spectacles de rue. Ancienne artiste aujourd'hui oubliée, elle a élevé l'enfant seule à la mort de sa mère. Aujourd'hui bien malade, elle ne peut se soigner faute d'argent. Gennarino va tenter d'en gagner un peu en s'associant à Mario, un jeune voyou qui vit de menus larcins. Un soir alors qu'ils cambriolent une voiture, la police les surprend. En s'enfuyant Gennarino tue malencontreusement Mario. Il est arrêté et incarcéré dans une prison pour mineurs. Il parvient à s'en échapper et devra dés lors se débrouiller pour survivre et tenter de faire soigner Angela...
Artisan de la série B italienne Alfonso Brescia a dans sa carrière ouvert une large parenthèse napolitaine durant laquelle il réalisa non seulement toute une flopée de polars dont l'action se situait à Naples mais également quelques dramatiques dont font partie I figli 'so pezzi 'core et Lo scugnizzo. Débarrassé de son acteur fétiche Mario Merola, figure emblématique de cette large parenthèse, Brescia signe cette fois un film bâtard qui mélange les genres avec une certaine hardiesse puis qu'on est à la croisée de la comédie, du lacrima-movie, du mélodrame et du film de contrebande. Cet étonnant amalgame qui pourra déconcerter au prime abord s'avère en fait très vite assez réussi et plutôt intéressant même si certains éléments, en surcharge, sont mal utilisés.
Gennarino a une douzaine d'années. Il vit avec son chien et Angela, sa mère adoptive, une artiste qui autrefois fut une chanteuse à succès mais doit aujourd'hui survivre en chantant dans la rue. Gravement malade, elle n'a pas l'argent pour se faire soigner. Gennarino fait un jour la connaissance du jeune Mario, un adolescent qui avec ses camarades vit de vol à la tire. Gennarino se joint à eux. Un soir alors qu'ils cambriolent une voiture, la police les surprend. Ils s'enfuient mais Gennarino pousse malencontreusement Mario qui tombe dans le vide et se tue. L'enfant est arrêté puis incarcéré dans une prison pour mineurs. Il s'en échappera, se réfugiera chez Angela avant de vivre toute une série d'aventures qui malheureusement connaitront une fin bien dramatique.
Brescia aime Naples et il le prouve une fois de plus avec ce film qui en touchera plus d'un. Loin de la violence mafieuse, il nous offre cette fois une vision de la ville beaucoup plus émouvante, celle de la misère qui se cache derrière ses vieilles maisons fissurées, ces ruelles étroites, ces places où s'entasse toute une population qui survit au son de ritournelles qui fleurent bon l'ail et l'huile d'olive, tout un folklore, une joie de vivre qui dissimule toute la pauvreté d'une région. Et qui d'autre pouvait mieux incarner cette misère, cette émotion qu'un petit garçon d'une douzaine d'années, un jeune orphelin qui vit avec sa mère adoptive. C'est à travers lui que Brescia nous entraine dans cette Naples qui lui tient tant à coeur. Lo scugnizzo regroupe tous les éléments propres au lacrima-movie, ce genre cinématographique essentiellement familial destiné à faire pleurer dans les chaumières. On y retrouve donc l'enfant qui se bat pour survivre dans la rue, le chien fidèle et débrouillard
auquel on s'attache de suite, la mère atteinte d'une grave maladie qu'elle ne peut soigner faute d'argent, cette nostalgie populaire qui fait vibrer les coeurs, l'ensemble noyé dans une mer de bons sentiments. Cela fonctionne parfaitement ici car jamais Lo scugnizzo ne sombre dans la mièvrerie, principal défaut de ce type de cinéma. Bien au contraire, le film s'ancre dans une réalité dramatique souvent surprenante qui en fait une sorte de touchante tranche de vie napolitaine. Brescia aidé au scénario par Ciro Ippolito et surtout Piero Regnoli, grand habitué des comédies aigres-douces, sait jouer sur la corde sensible du spectateur sans jamais en faire des tonnes. Cette finesse dans le ton en est un des atouts principaux. Mais la plus grande qualité du film est sans nul doute son jeune interprète, Marco Girondino, le petit acteur fétiche de Brescia qu'on avait découvert particulièrement émouvant
dans Napoli serenata calibro 9. Souvent très vite irritants voire insupportables de pueriluté doucereuse les enfants-stars des lacrima-movies dont Renato Cestié et Sven Valsecchi en furent les plus célèbres sont la plupart du temps la bête noire du spectateur tant ils forcent le trait sous leur blondeur angélique et leurs tâches de rousseur. Ce qui frappe au prime abord et le rend différent de ses petits confrères, c'est la spontanéité et le naturel dont Marco fait preuve à chacune de ses interprétations. Difficile en effet de résister à sa fraicheur, cette tendresse qui émane de ce petit garçon aux talents d'acteur indéniable. Se reflètent dans ses grands yeux bruns toute la tristesse d'une Italie si populaire mais tellement misérable qui la caractérise. On savourera aussi la prestation toute en finesse de Angela Luce, tout aussi extraordinaire dans le rôle de Angela, cette mère adoptive qui se sait condamnée et se saigne aux quatre veines pour que survive l'enfant.
Derrière son aspect éminemment tragique, Lo scugnizzo développe cependant tout un pan comique à travers notamment le personnage du truculent journaliste qu'incarne Gianni Garko sans cesse en quête de reportages percutants qui donnent ici un coté réaliste au film renforcé par des dialogues en dialecte napolitain. Cela nous vaut entre autres la fameuse scène de l'hôpital durant laquelle Lucio Montanaro se fait bruyamment interviewer et de nombreuses séquences parfois naïves pleines de joie et de bonne humeur devant lesquelles il sera bien difficile de ne pas rire ou simplement sourire. Le comique n'est pourtant qu'un moyen pour dénoncer là encore tout le mal de vivre et l'insalubrité de toute une région du pays. Brescia ose même une touche d'onirisme lorsque Gennarino rêve qu'il est au paradis où il retrouve son ami Mario, joué par Salvatore Santaniello un autre jeune habitué des films du cinéaste, à qui il demande pardon. Petits larcins et maison de correction sont également au rendez-vous, indissociables de Naples, même si Brescia n'effleure cette fois que le sujet emporté dans ce tourbillon de bons sentiments, il nous offre une très belle séquence face à laquelle une fois de plus il sera dur de ne pas verser une petite larme, lorsque Gennarino, enfin libre, fait s'évader tous les chiens du fourgon qui les menait au chenil en criant "Liberté pour tous!"
Plutôt inutiles et mal utilisés ici sont les éléments mafieux qui n'apportent strictement rien à l'histoire si ce n'est de montrer la face de Naples et rappeler au spectateur que Brescia fut le spécialiste du polar contrebandier. Ils alourdissent quelque peu l'ensemble et prouvent surtout que Lo scugnizzo n'est jamais qu'un film d'exploitation familial qui aime brasser les genres afin de satisfaire un très large public sans jamais pour autant gommer cette mélancolie typiquement napolitaine.
Accompagné d'une superbe partition musicale signée Edoardo Alfieri et de quelques vibrants chants italiens, Lo scugnizzo est un inattendu mais intéressant mélange des genres, à la fois drôle et touchant qui saura arracher quelques larmes au plus endurci. Peu importe son coté bancal dû à cette mixité, Lo scugnizzo fonctionne et entrainera le spectateur vers un final particulièrement triste où tout happy end est exclu. Longtemps resté difficile à visionner ce joli lacrima- movie napolitain s'est vu donner une seconde vie grâce à une récente édition DVD italienne à découvrir d'urgence.