L'anticristo
Autres titres: L'antéchrist / The Antechrist
Real: Alberto De Martino
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Horreur
Durée: 112mn
Acteurs: Carla Gravina, Arthur Kennedy, Mel Ferrer, Umberto Orsini, Remo Girone, Anita Strindberg, George Coulouri, Alida Valli, Lea Lander, Mario Scaccia, Ernesto Colli, Bruno Tocci, John Francis Lane...
Résumé: Ippolita est paralysée depuis de nombreuses années suite à un accident de voiture dans lequel sa mère a trouvé la mort. Rongée par la culpabilité, frustrée sexuellement, elle a au fil du temps développé une névrose qui a accru sa foi en Dieu. Lors d'une procession religieuse, elle espère un miracle afin de pouvoir remarcher. Il n'en est rien et petit à petit son état s'aggrave. L'intervention d'un psychologue lui fait découvrir qu'elle serait la réincarnation d'une sorcière morte sous l'inquisition. Dés lors, Ippolita semble être possédée et se transforme inconsciemment en meurtrière. Les faits étranges s'accumulent jusqu'au jour où un exorcisme semble être l'unique moyen de guérir la jeune femme...
Spécialiste du cinéma italien tourné à l'américaine, Alberto De Martino s'infiltra en 1974 dans le prolifique filon du film dit de possession ouvert par William Friedkin l'année précédente. Chronologiquement parlant, De Martino est le deuxième metteur en scène à avoir suivi les traces de Friedkin juste après Ovidio Assonitis et son Chi sei? / Le démon aux tripes.
L'anticristo dont le scénario est né à New York après que le réalisateur ait vu L'exorciste demeure certainement et malgré ses défauts un des meilleurs sous Exorciste transalpins qui ait vu le jour. Le plus étrange est l'impression qu'a laissé jadis le film dans la mémoire des cinéphiles lors de sa première vision, celle d'une oeuvre effrayante aux images marquantes propre aux cauchemars alors que bien des années plus tard même si elles ont gardé une certaine puissance elles feront surtout sourire comme si le temps avait accentué les défauts du film.
Mais avant toute chose L'antéchrist est surtout une histoire de frustrations sexuelles, celles d'une jeune femme en fauteuil roulant suite à un accident de la route, qui lentement se transforment en possession diabolique. De cette insatisfaction sexuelle naissent alors des phobies démoniaques dans l'esprit névrosé de l'héroïne. De Martino tente d'analyser de façon intelligente le phénomène de possession à travers le personnage de Ippolita, qui serait également la réincarnation d'une sorcière brûlée sous l'inquisition. Il met progressivement en place les différents éléments de l'intrigue en y incluant des séquences vérité particulièrement fortes. C'est peut être là outre cette volonté d'analyse psychologique, une des grandes forces du film avec la beauté et la richesse de ses décors.
L'ouverture, la longue procession religieuse où les pénitents en transe expient leurs péchés et invoquent la statue diaphane de la Madonne des Sept douleurs, est en ce sens un véritable tour de force qui plonge le spectateur dans une frénésie, une dévotion religieuse étonnante qu'on retrouvera régulièrement tout au long du métrage.
Tourné entièrement à Rome et ses abords, on admirera le décor des habitations et de leurs intérieurs, l'utilisation de lieux aussi prestigieux que la basilique de Tivoli, les catacombes de San Castillo et le Colosseo où Ippolita vaincra ses démons lors de l'exorcisme, magnifiquement mis en valeur par une superbe photographie qu'on doit à Joe D'Amato.
De Martino parvient à très vite créer une atmosphère de peur insidieuse voire claustrophobe (la découverte de l'étroit couloir qui mène à la chambre de la possession à l'esprit baroque d'où s'échappent cris et lamentations).
De Martino se focalise avec intelligence sur la névrose de sa jeune héroïne, son sentiment de culpabilité, qui détruit inéluctablement sa relation avec son père et son frère qui deviendra l'objet non seulement de ses pulsions incestueuses mais également de ses instincts les plus pervers alors qu'on découvre par l'intermédiaire de nombreux flashes-back d'une part son lourd passé, d'autre part sa vie intérieure, synonyme de condamnation du passé sur le présent, un passé aujourd'hui nuisible à sa vie présente.
C'est certainement là l'aspect le plus intéressant et travaillé du film qui dispense un érotisme assez audacieux notamment lors de la séquence très bleutée du sabbat durant lequel les nus abondent avant de se clore sur l'inoubliable plan où Ippolita lèche l'anus d'une chèvre. Si l'effet reste suggéré, l'imaginaire prend alors le dessus.
On n'oubliera pas de saluer la superbe partition musicale tout en violon et piano signée Ennio Morricone et interprétée par Bruno Nicolai.
Tout hypnotique et réussi soit il dans sa description d'une pathos et la mise en place d'une tension palpable aussi effrayante que sacrée L'antéchrist n'évite pourtant par instant le ridicule. Les effets spéciaux restent précaires et paraissaient déjà vieillots à l'époque, les apparitions de Ippolita dans la peau de la sorcière ne sont guère crédibles et peuvent faire sourire. On pourra reprocher au film son scénario pas toujours vraisemblable à l'image même de certains personnages dont celui joué par Mario Scaccia à la limite de la parodie.
Quant aux scènes de possession et d'exorcisme, elles ne font que reprendre les éléments de base que Carla Gravina applique consciencieusement: insultes, blasphèmes, obscénités, écume aux lèvres et scènes de vomi verdâtre, grimaces et visage tordu...
L'interprétation est à la hauteur avec en tête Carla Gravina, cheveux courts, dont ce fut la seule incursion dans le monde de l'horreur, Mel Ferrer, Arthur Kennedy, Umberto Orsini, Alida Valli, la toujours raffinéeAnita Strindberg et un tout jeune Remo Girone, imposé par le producteur contre l'avis de De Martino, dont c'était là le premier film en Italie.
Nonobstant ses faiblesses, L'antéchrist reste un des meilleurs films de possession démoniaque italiens, un des succédanés les plus réussis de L'exorciste qu'on prend aujourd'hui encore beaucoup de plaisir à voir, fort représentatif du cinéma de genre d'alors. L'année suivante De Martino tournera l'excellent Holocaust 2000 plus proche cette fois de The omen.