Anonymous
Autres titres:
Real: Todd Verow
Année: 2004
Origine: USA
Genre: Drame
Durée: 82mn
Acteurs: Todd Verow, Dustin Schell, Craig Chester, Shawn Durr, Lee Kohler, Philly, Sophia Lamar, Florian Sachisthal...
Résumé: Todd travaille dans un complexe cinématographique à Manhattan. Il vit avec John depuis quelques années, un homme qu'il avait rencontré par le biais de petites annonces. Ils ont de suite emmenagé ensemble mais ils ne se voient jamais. John travaille de jour, Todd la nuit. John est loin de se douter de la double vie de Todd pour qui le sexe est une véritable drogue. Il multiplie les relations sexuelles via webcam, erre dans les toilettes publiques et quitte de plus en plus souvent son poste pour gueter les toilettes du cinéma. Un jour John surprend Todd. Après l'avoir rossé de coups, violé et humilié, il le jette dehors. Dés lors, Todd va multiplier les rencontres sexuelles éphémères, se perdre et s'égarer dans un univers de sexe débridé jusqu'à tout perdre y compris son travail...
Depuis son magistral coup d'essai en 1992 avec Frisk, l'une des caractéristiques du cinéma de Todd Verow est sa violence, cette brutalité hors norme dans laquelle il baigne. Refusant la facilité, le réalisateur a toujours travaillé à sa manière, avec peu de budget, ce qui bien souvent donne à ses films un coté expérimental surprenant. Anonymous réalisé en 2004, n'échappe pas à cette règle.
Le réalisateur nous plonge cette fois dans l'univers de Todd qu'il se permet lui même d'incarner à l'écran, un trentenaire pour qui le sexe est une drogue. Todd travaille dans un complexe cinématographique, il vit avec John depuis quelques années déjà, un homme plus conservateur et discret mais surtout fidèle. Pourtant Todd a une double vie qu'il ne soupçonne pas. Il a un besoin immodéré de sexe. Todd est un sex addict, il est l'esclave de ses pulsions compulsives qui le poussent à passer son temps sur le net en quête de visio-plans. Par le biais de sa webcam, il a baisé dit il avec la terre entière quand il n'erre pas dans les toilettes publiques à la recherche de plaisirs furtifs. Sa dépendance le mène à déserter de plus en plus son poste pour guetter d'éventuels clients dans les toilettes du complexe jusqu'au jour où par un malencontreux hasard son copain le surprendra et découvrira sa véritable nature. Ce sera pour Todd une lente descente aux enfers dans laquelle il perdra tout y compris son travail.
Anonymous est un film sombre, désespéré presque oppressant qui tente de démontrer jusqu'où l'addiction au sexe peut conduire un homme. S'il tente d'échapper à ce vertigineux tourbillon phallique, cet appel incontrôlable du sexe, il ne peut lutter contre ses démons. C'est une lente auto-destruction que Verow filme sans détour avec une étonnante froideur. Au fil des images, il dessine cette prison de chair dans laquelle son héros s'enferme progressivement tout en y enfermant son spectateur.
Ce qui définit le film c'est sa claustrophobie. La majeure partie d'Anonymous se déroule ldans des espaces confinés, le bureau exigu où Todd travaille enfermé, les cabines des toilettes, les couloirs étroits... qui semblent être à l'image de l'univers étouffant de cet homme anonyme. Et anonyme tout le film l'est. Du nom que Todd le héros s'est donné entre autres pseudos utilisés sur les sites de rencontres, des dédales des rues anonymes où passent des tas d'anonymes à tous les anonymes avec qui Todd se donne en passant par ces univers virtuels que crée une société anonyme, Anonymous dresse le portrait psychologique d'un homme lambda qui semble se chercher en multipliant à l'excès les rencontres sexuelles éphémères tout en oubliant toutes les frustrations dont sa vie est faite, cet ordinaire lui aussi étouffant, cette absence d'originalité, de passion.
D'un autre coté, Anonymous essaie également de montrer jusqu'où un homme peut aller pour satisfaire sa soif de sexe qu'il ne peut réfréner. L'anonymat lui permet alors de vivre cette sexualité débridée puisqu'il permet de se fondre, s'égarer dans la foule, chercher, observer avant de s'abandonner. Il n'est plus qu'une silhouette parmi des centaines d'autres qui pourront lui apporter le temps de quelques minutes un semblant de bonheur qui lentement le poussera vers les abîmes de l'extrême dont la pornographie. A travers des séances photos hardcore pour sites spécialisés dans le fétichisme, ici le costume cravate et les chaussettes noires, Todd trouvera encore d'autres formes de satisfaction.
Outre son atmosphère claustrophobe, oppressante, Anonymous brille par sa violence. Verow ne recule devant aucun effet notamment lorsque John s'acharne sur son copain après avoir découvert sa double nature. Après l'avoir rossé de coups sur le sol froid des toilettes, arraché ses vêtements, sodomisé et uriné sur son corps, il inscrira en guise d'ultime humiliation sur ses fesses au marker noir "Fuck me here". Todd s'empressera d'aller trouver refuge chez une connaissance et lui demandera d'exécuter ce qui est inscrit sur son postérieur, vidé de tout respect de lui même, véritable putain qui trouve dans cette humiliation une nouvelle raison pour être pris. Les scènes de sexe sont souvent aux limites du hardcore, montrées sans concession, brutales mais toujours justifiées.
Au cours des déambulations de Todd, Verow nous promène de clubs glauques en rues sordides, de toilettes publiques en appartements anonymes peuplés de gens étranges, d'anonymes peu recommandables et tout aussi perdus.
Verow joue avec le silence de façon magistrale. Jamais il n'a été aussi important dans un film puisqu'il en fait partie intégrante. Le silence ne fait que renforcer le coté claustrophobe, presque effrayant d'Anonymous tout en symbolisant l'univers dans lequel Todd s'est plongé. Il est entrecoupé de sons étranges, de musiques aux sonorités par instant expérimentales tandis que l'image souvent saccadée, maladive renforce le malaise pour donner à certaines séquences un aspect quasi cauchemardesque.
L'interprétation est osée. Verow n'a pas peur de se montrer à nu dans tous les sens du terme et dans tous les sens tout simplement. Il se met en scène sans honte ni tabou oubliant toute pudeur aux cotés d'une distribution toute aussi intéressante essentiellement composée d'amis du réalisateur.
Outre l'addiction sexuelle compulsive, Anonymous n'est jamais que la peinture de notre société actuelle où l'Homme n'a jamais été aussi seul malgré la multiplication des nouvelles technologies, une solitude destructive que chacun d'entre nous pallie comme il peut ou veut notamment par le sexe. Anonymous est un film qui fait mal à l'image de la filmographie du réalisateur.