Il decamerone nero
Autres titres: Africa erotica / Sensualité africaine / Le décaméron noir
Real: Piero Vivarelli
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Erotique
Durée: 90mn
Acteurs: Beryl Cunningham, Djbril Diop, Line Senghor, Isabelle Diallo, Isseu Niang, Fatou Djame, Jacqueline Scott, Josy McGregor, Serigne N'Diaye, Gonzales, Mamadou Diop, Dauda N'Baye, Youssapha Ba, Omar Seck, Badou Kassé...
Résumé: Une reine aimerait que sa virginité soit réparée avant qu'elle ne choisisse son prétendant après toute une série d'épreuves d'endurance...
Un mari va guérir son épouse de sa nymphomanie en lui faisant croire que certains hommes ont un sexe aussi tranchant qu'une lame de rasoir...
Une prostituée va se venger des trois dignitaires qui ont donné la fouet à son frère. Elle les séduit et les enferme dans un panier en osier...
Un mari prétend être devenu aveugle afin de surprendre sa femme en plein délit d'adultère afin que ses amants soient chassés du village...
Un jeune indigène aime se travestir en femme. Chassé du village, il trouve refuge chez un propriétaire blanc, marié et père de six filles. Elles lui feront toute l'amour après avoir découvert son secret. Lorsque le mari voudra lui faire l'amour, il découvrira à son tour que Simoa est un homme et devra avec horreur se faire sodomiser...
Alors spécialisé dans le film exotico-érotique Piero Vivarelli se mit à son tour au goût du jour en réalisant une décameronnerie originale car non inspirée des contes de Boccace mais des écrits de l'éthnologue allemand Leo Frobenius, spécialiste de l'art africain.
Tourné au Sénégal, Vivarelli a isolé cinq épisodes du livre de Frobenius qui mettent en évidence divers aspects des traditions culturelles africaines. Avec beaucoup de soin, Vivarelli secondé par Ottavio Alessi met en scène cinq histoires dont le dénominateur commun est une certaine pudeur et beaucoup de sérieux. Au risque d'en décevoir certains en allant à l'encontre de la définition même de la polissonnerie décamérotique, la nudité reste cette fois plutôt sage sans pour autant être prude. Cela n'enlève rien ni au charme ni surtout à la salacité de ce Décaméron noir souvent très épicé qui s'éloigne fortement du coté gras et vulgaire des décamérotiques traditionnelles.
Sur le plan de l'audace, on est ici par contre plus proche du Décameron de Pasolini que des habituelles autres décameronneries. A une époque où le mondo africain triomphait sur les écrans cela n'étonnera point. La vision que Vivarelli donne de la sexualité entre gens de couleur trouve non seulement toute sa justification mais aussi toute sa signification.
On pense également à Pasolini en ce qui concerne l'interprétation, spontanée et naturelle des acteurs locaux tous formidables puisqu'il n'y a à l'affiche du film aucun nom connu hormis celui de la black diva Beryl Cunningham, alors épouse du réalisateur.
Après le générique où s'inscrit une citation de Leopold Sedar Senghor "La sensualité des noirs est une sensualité naturelle, cette faculté innée qu'ils ont de choisir et vivre le monde extérieur à travers tous leurs sens" débute le premier épisode, Regina bella, un des plus visuellement réussi. Il met en scène Beryl Cunningham, une reine qui voudrait retrouver sa virginité avant d'épouser un prétendant qu'elle choisira après diverses épreuves d'endurance. Elle fait donc appel aux services d'un artiste aussi fourbe que malicieux. Beryl, altière, y est de toute beauté, irradiant l'écran de sa seule présence, particulièrement bien mise en valeur tant par les costumes qu'elle arbore que par la superbe photographie de Roberto Gerardi.
Le second segment, Guarigione di una pazza per gli uomini, nous entraine dans l'univers d'une femme qu'on va guérir de sa nymphomanie en lui faisant croire que certains hommes ont un sexe qui tranche comme une lame de rasoir. Un malin subterfuge mis en place par son mari achèvera de la convaincre.
Les troisième et quatrième sketch, le plus osé, prennent pour thème l'adultère. Gli amanti puniti met en scène un mari qui pour punir sa femme adultère fait semblant d'être aveugle afin de la surprendre et de bannir ainsi tous ses amants de la tribu.
Vendetta di una prostituta conte l'histoire d'une prostituée qui va se venger des trois dignitaires qui ont condamné à la flagellation son frère. Elle les séduit avant de les enfermer dans un panier en osier où ils seront contraints de faire leurs besoins, devenant ainsi la risée du village. Si on frise ici la scatologie, Vivarelli en désamorce l'aspect scabreux grâce à la légèreté et l'humour dont il fait preuve. Remis dans ce contexte particulier, le sujet plutôt audacieux s'il demeure haut en couleur reste tout à fait honorable et fort drôle. Ces deux sketches chacun à leur façon tentent à démontrer que la salacité et la malice peuvent outre guérir bien des maux être capables de rétablir un certain ordre moral tant religieux que politique souvent désuet.
L'ultime histoire, Che cosa non ha fatto, est celle de Simoa, un jeune indigène qui aime se travestir en femme. Obligé de quitter sa tribu il pénètre chez un propriétaire blanc marié et père de six filles. L'épouse et les six filles après avoir découvert le secret de Simoa lui font fougueusement l'amour. Après s'être refusé au mari, Simoa acceptera de lui faire l'amour à la condition qu'il se plie à tous ses désirs. Découvrant avec horreur que Simoa est un homme, il sera sodomisé sous les railleries des femmes de la tribu. Si Vivarelli caressait la scatologie dans le quatrième sketch, c'est la zoophilie qu'il aborde ici toujours avec humour et légèreté lorsque Simoa est surpris entrain de sodomiser son âne.
Outre l'intelligence du propos et son coté aussi salace que léger, on retiendra du Décameron noir la beauté de ses décors naturels, cette Afrique que Vivarelli connait bien et sait mettre en images accompagnées d'une très jolie partition musicale composée de chants traditionnels et de mélodies interprétées par Beryl Cunningham elle même. Il decamerone nero risque fort d'enchanter les amateurs d'oeuvres exotico-érotiques tout en séduisant à la fois les amateurs de mondo africains. Voilà un joli voyage au coeur de la sensualité et de l'érotisme africain, plein de charme, d'humour et de magie, cette magie qui est l'essence même de l'Afrique.