La frustra e il corpo
Autres titres: Le corps et le fouet / The whip and the flesh / What
Real: Mario Bava
Année: 1963
Origine: Italie
Genre: Epouvante
Durée: 91mn
Acteurs: Dalhia Lavi, Christopher Lee, Tony Kendall, Ida Galli, Harriet Herdin, Luciano Pigozzi, Gustavo De Nardo...
Résumé: Quelque part au 19ème siècle dans le nord de l'Europe, la jeune Novenka s'offre au plaisirs de la flagellation avec son frère, le sadique baron Kurt Menliff, à qui il voue un amour incestueux. Lorsque celui ci est retrouvé mort, Novenka affirme que son fantôme hante le château. Le baron aurait été assassiné et son esprit chercherait vengeance. Alors que chaque nuit Novenka continue à être tourmentée et fouettée par le fantôme de son frère, les morts violentes se multiplient au château familial. Tout cela est il le fruit de l'imagination d'une femme déchirée et mentalement malade, est ce une sombre machination pour la rendre folle ou est ce l'incroyable vérité?
Après l'immense succès que connut en 1960 Le masque du démon qui apporta à Mario Bava la reconnaissance du public, le réalisateur continue sur sa lancée. Il réalise trois ans plus tard La frustra e il corpo, nouveau petit chef d'oeuvre du cinéma gothique à l'italienne qui rivalise sans mal avec les meilleures oeuvres de la flamboyante firme anglaise qu'était alors la Hammer films. Coincé entre Les 3 visages de la peur et Six femmes pour l'assassin, Le corps et le fouet dont on doit le scénario à Ernesto Gastaldi a pourtant longtemps été occulté les fantasticophiles d'autant plus que le film fut trés vite oublié lors de sa sortie pour être redécouvert et réestimé bien des années plus tard.
Il n'en demeure pas moins un excellent film, peut être même un des plus beaux de Bava qui signe là une oeuvre sulfureuse pour son époque puisqu'il nous conte les amours incestueuses et sado-masochistes entre un frère et une soeur. Le film connut d'ailleurs de nombreux déboires avec la censure d'alors qui l'amputa de moultes scènes notamment en Amérique, le rendant le plus souvent incompréhensible. L'Italie se contenta pour sa part de l'interdire aux moins de dix-huit ans. Le film fut même considéré comme un des tout premiers si ce n'est le premier film à traiter ouvertement de sado-masochisme à l'écran.
S'il peut paraitre désuet aujourd'hui, il n'en demeure pas moins un des films les plus aboutis de Bava béneficiant en outre d'une magnifique photographie qui confère une aura parfaite à ce conte romantico-macabre d'amour et de spectre. Bava filme avec beaucoup de sensualité et de subtilité ce drame atmosphérique. Le film est lent, trés lent mais cette lenteur sied totalement à cette histoire d'amour vénéneuse qu'on pourrait comparer à une toile d'araignée tant Bava s'amuse parfois maladroitement à tendre les pièges de son scénario.
Film aux rémiscences gothiques, Le corps et le fouet comme souvent chez le réalisateur souffre malheureusement d'incohérences dans son déroulement. Le maître préfère en effet s'attarder sur les lumières à dominante rouge, verte et mauve, la photographie sublime et les magnifiques décors que sur les détails de narration. En ce sens on admirera les mises en valeur de ce château surplombant la mer, ses longs couloirs, ses pièces feutrées à la fois chaudes et tellement glaciales où chaque nuit le vent semble s'engouffrer.
Il en émane par moment un coté onirique parfois irréel renforcé par de superbes travelling dans ces interminables corridors méchamment silencieux déchirés par les lointains claquements du fouet ou les terrifiantes apparitions de Kurt dans la chambre de Nevenka. Ce sentiment d'irréalité provient aussi du fait que Bava nous amène souvent à douter des facultés mentales de Nevenka, torturée, perdue entre ses désirs pervers et contre-nature et l'atroce réalité, trop dure pour être acceptée, la mort de son frère qu'elle fait revivre dans ses cauchemars. Fantasmes d'une femme ravagée par la douleur, effroyable machination ou sidérante vérité, ce n'est que lors des ultimes minutes que Bava abattra ses cartes aprés avoir bien semé le trouble dans l'esprit du spectateur.
Particulièrement osé pour l'époque, Le corps et le fouet met en avant cette relation incestueuse et sado-masochiste dont la violence, même si suggérée, n'a d'égal que la fragilité de la douce Nevenka, déchirée entre l'amour qu'elle porte à son frère et son goût pour la perversion et l'amour qu'elle voue à son mari. Elle tente en vain d'échapper à l'emprise de Kurt mais elle n'en trouve pas la force. Le corps et le fouet n'est jamais plus que l'éternelle représentation de la fine barrière qui parfois sépare l'amour de la haine.
Tout en douceur, Bava parvient non seulement à sublimer ses moments de douleur mais également toute la détresse de la jeune femme jusqu'à parvenir à atteindre un parfait équilibre entre les deux. Cet équilibre on le doit également à une trés belle interprétation, tout en justesse, de'un tout jeune Christopher Lee, austère, et de la superbe israëlienne Dalhia Lavi.
Le corps et le fouet est une oeuvre fantasmatique et esthétisante, un joyau romantico-pervers du cinéma gothique italien des années 60 devenu au fil du temps un des classiques du genre.