El jorobado de la morgue
Autres titres: Le bossu de morgue / Hunchback of the morgue / Rue morgue massacres / Die stunde der grausaman liechen
Réal: Javire Aguirre
Année: 1973
Origine: Espagne
Genre: Horreur
Durée: 82mn
Acteurs: Jacinto Molinas, Rosanna Yanni, Victor Alcasar, Maria Elena Arpon, Manuel De Blas, Antonio Pica, Joaquin Rodriguez Kinito, Adolfo Thous, Kino Pueyo, Angel Menendez, Antonio Mayans, Fernando Sotuela, Susan Taff, Sofia Casares, Alfonso De La Vega...
Résumé: Gotho, être difforme et bossu, est le souffre-douleur de la petite ville où il habite. Il travaille à la morgue locale et prépare les corps pour leur dernier voyage. Il est amoureux de la seule personne qui lui ait apporté un peu d'affection, Elke, une jeune fille malade. Lorsqu'elle meurt, un scientifique fou lui promet de lui rendre la vie s'il lui apporte des cadavres frais. En fait, il se sert du bossu pour mener à bien ses abominables expériences dont le but est de créer un être humain...
Jouissant d'une excellente réputation amplement méritée, Le bossu de la morgue est devenu au fil du temps une oeuvre quasi-culte mais aussi une véritable rareté. Réalisé en 1973 par Javire Aguirre, El jorobado de la morgue fait définitivement partie de ces petits joyaux du cinéma d'horreur ibérique tournés sous l'ère franquiste. Mis en scène en 1973 alors que le genre est à son apogée, Le bossu de la morgue est également un des films les plus célèbres si ce n'est un des plus marquants de la carrière du comédien scénariste Paul Naschy à qui on doit quelques uns des meilleurs films d'horreur d'alors. Il brave une fois de plus bien des tabous dans une histoire à la dramatique et terrifiante et O combien sanglante dans lequel il incarne Gotho, le principal protagoniste, un bossu déviant rejeté par le peuple forcé à commettre d'horribles actes par amour pour sa Belle.
Le bossu de la morgue est en fait un savant croisement entre Quasimodo et Frankenstein, un film hybride qui mélange les genres et les influences. A la fois beau et cruel, il s'en dégage une certaine fascination, une atmosphère macabre particulièrement agréable malgré la violence de certaines scènes assez stupéfiante pour l'époque.
Beau, émouvant, le film l'est à l'image même de son personnage principal, Gotho, un bossu laid et difforme mais tellement humain, un monstre souffre-douleur au grand coeur dans lequel il cache cette beauté intérieure que bien peu ont su voir en lui. Rejeté, humilié, Gotho est un être certes pathétique mais désespérément seul. Sa détresse en fait une créature profondément sympathique malgré les actes horribles qu'il commet. Le jour où celle qui l'aime tant meurt, cette jeune et belle patiente, la seule personne qui ait su lui donner un peu d'affection, sa détresse n'en sera que plus grande. Il est alors prêt à tout pour que sa bien-aimée revienne à la vie. L'hypocrite et impitoyable professeur pour qui Gotho travaille va alors se jouer de lui en abusant de sa crédulité. Le bossu va alors devenir l'instrument de sa folie.
Dés lors, Aguirre ne reculera plus devant rien pour montrer la cruauté de cet homme veule, imageant sa folie par d'étonnantes séquences gore particulièrement sanglantes: décapitations, découpages de membres au couteau ou à la scie, corps dévorés par les rats, bain d'acide bouillonnant rappelant sans aucun mal celui de Blue Holocaust.
Le bossu de la morgue marquera également les esprits pour cette violence exacerbée aussi bien graphique que physique récurrente d'un certain cinéma ibérique de cette époque. Gotho est sans cesse battu, roué de coups quand il ne tue pas lui même aveuglément, deux jeunes patientes se flagellent dans leur chambre... A cette débauche de violence s'ajoute un coté macabre fort bienvenu, glauque, malsain, presque nauséabond provenant essentiellement des décors: un hôpital peu avenant, une morgue terne aux couleurs jaunies, une crypte sombre et suintante dans laquelle Javire Aguirre où s'entassent cadavres momifiés et squelettes. On songe alors fort justement aux univers de Lucio Fulci et Joe D'Amato.
On ne peut s'empêcher aussi de rapprocher Le bossu de la morgue des grands films de la Hammer vers lesquels il lorgne férocement, les grands classiques de l'épouvante gothique britannique des années 60. inéluctablement l'ombre du célèbre baron Frankenstein plane sur le film de Aguirre. Dans sa folie, le professeur a en effet crée un être protoplasmaire à partir de morceaux de cadavres que lui pourvoit Goth. La créature dont on entend les horribles hurlements est retenue enfermée derrière une porte jusqu'au moment où il perdra tout contrôle sur elle lors d'un final dramatique durant lequel on la découvrira enfin, un monstre humanoïde piteux et dégoulinant qui conduira le savant à sa perte. On peut ainsi rapprocher Le bossu de la morgue du Frankenstein et le monstre de l'enfer de Terence Fisher avec lequel le film d'Aguirre offre bon nombre de similitudes.
Réalisé avec grand soin, El jorobado de la morgue bénéficie d'une très belle interprétation de Jacinto Molinas alias Paul Naschy dans le rôle de Gotho, sobre et émouvant, ainsi que des autres acteurs dont la magnifique Rosanna Yanni.
Le bossu de la morgue est une oeuvre forte qui une fois de plus prouve non seulement combien le cinéma espagnol était riche et audacieux mais qu'il avait également beaucoup de
choses à montrer et prouver, ne demandant qu'à s'épanouir et être
enfin reconnu. Gageons qu'il saura captiver et séduire le spectateur.
Le film de Javire Aguirre est sans aucun doute un absolu petit joyau de l'horreur qui aujourd'hui n'a rien perdu de son efficacité.
Sorti jadis sous nos cieux sous une forme honteusement tronquée tant au cinéma qu'en vidéo, la sortie de la très belle édition DVD donnera au spectateur la chance et le plaisir de (re)découvrir enfin ce petit chef d'oeuvre dans son intégralité.