Cinq gars pour Singapour
Autres titres: 5 gars pour Singapour / Singapore Singapore / 5 Marines per Singapore / Five ashore in Singapore / Die falle von Singapur / Pet momaka za Singapour
Real: Bernard Toublanc-Michel
Année: 1967
Origine: France / Italie
Genre: Aventures
Durée: 109mn
Acteurs: Sean Flynn, Marc Michel, Terry Downes, Dennis Berry, Peter Gayford, Marika Green, Bernard Meusnier, Andrea Aureli, Jessy Greek, Trudy Connor, Foun Sen, Ismail Boss, Lin Hong Chin, William Brix...
Résumé: Dix-huit Marines ont mystérieusement disparu sans laisser de traces lors d'une escale à Singapour. L'agent secret Art Smith et quatre autres agents vont se faire passer pour des soldats américains afin de servir d'appâts pour découvrir ce qui est arrivé aux malheureux. Dès leur arrivée à Singapour ils commencent leurs investigations en écumants bars, boites et bordels. Ils se font vite remarquer...
Très peu actif au grand écran Bernard Toublanc-Michel le fut par contre à la télévision tout au long des années 70 et 80. Pour le cinéma il trouva cependant le temps d'adapter en 1966 le roman de Jean Bruce, Cinq gars pour Singapour, un film d'aventures coproduit avec l'Italie qui reste aujourd'hui encore un superbe exemple de série Z à la française.
Dix huit Marines ont disparu sans laisser de trace lors d'une escale à Singapour. Un agent de la CIA, le capitaine Art Smith, est chargé de mener l'enquête et de découvrir ce qu'ils sont devenus. Il est aidé dans sa mission par quatre autres agents qui se font passer pour des
soldats américains, le capitaine Kevin Gray, le sergent Gruber, le lieutenant McIlhemy et le lieutenant Dan. Ils débarquent donc à Singapour et commencent par écumer les bars et les boites de nuit, hauts lieux de plaisir pour des soldats en permission. Leur objectif est de servir d'appâts à leur tour afin de lever le voile sur ces disparitions inexpliquées. Leurs pérégrinations les conduisent au Paradise, un bordel tenu par Mme Tchin-Saw. Ils y provoquent une bagarre, font la connaissance de Ten-Sin, le patron de la boite qui les droguent et les enferment dans un camion. Ils parviennent à s'échapper, apprennent l'assassinat de Tchin-Saw. Toutes ces aventures les mènent sur la piste de Ta-Chouen qui
semble être à la tête d'une organisation responsable des disparitions. Alors que deux de ses agents ont trouvé la mort dans cette périlleuse enquête Smith découvre les corps des Marines disparus à bord d'un cargo. Ils ont été tous congelés par Ta-Chouen, un savant fou qui fait des expériences sur le cerveau. Ces corps congelés sont ses cobayes qu'il peut aussi revendre à différents gouvernements. Grâce à l'aide inattendue de la séduisante Monica, Smith va déjouer les plans du scientifique fou et le mettre hors d'état de nuire. Par chance tous les Marines congelés vont pouvoir être réveillés et ramenés à la vie. Ils ne conserveront aucun souvenir de cette horrible aventure.
A la base Cinq gars pour Singapour était une aventure du célèbre OSS 117. Malheureusement les droits de OSS étant bloqués Toublanc-Michel dut rebaptiser l'espion mondialement réputé qui devint ainsi Art Smith. Les aventures de nos cinq agents pouvaient donc commencer. Ceux qui s'attendaient à une petite bande d'espionnage pleine de rebondissements, truffées de gadgets à la James Bond, un euro-spy palpitant sur fond de décors asiatiques vont être déçus. Toublanc-Michel signe en fait une comédie à la limite de la parodie, une joyeuse série Z certes tournée à Singapour mais d'une incroyable ringardise qui par instant semble totalement improvisée. L'agent Art Smith et ses hommes sont plus
proches d'une bande de joyeux potes en cavale, des Pieds Nickelés, de Gaston Lagaffe voire de OSS117 version Jean Dujardin que de James Bond et ses émules. Le film est en fait inénarrable. A peine débarqués à Singapour nos vaillants agents, très décontractés (ils ne portent quasiment jamais de chaussettes dans leurs mocassins), on pourrait dire benêts ou nigauds, lourdauds ajouteraient certains, sont propulsés dans des caisses de bière, font une course-poursuite en pousse-pousse, se cachent dans un cinéma où ils ne passent pas inaperçus avant de finir dans le bordel de luxe de la Madame Claude du coin, une bourgeoise européenne exubérante qui a le look de notre chère tante Gertrude. Ils dansent
des slows idiots en bisoutant des javanaises choucroutées avant d'être drogués, héritent d'un bébé, sont congelés par un savant fou sosie du Professeur Choron. Tout est improbable, rien n'est vraiment sérieux. Toutes ces mésaventures truffées de gags simplistes sont idiotes à l'image même de l'enquête menée par ces trublions qui récitent des dialogues à se tordre de rire.
Beaucoup de bagarres la plupart chorégraphiées et surtout très amusantes (les hommes tombent à terre ou se projettent contre un mur avant même d'être touchés, les filles tapent avec leurs petits poings et leurs chaussures à talons). Quant à nos faux Marines on ne peut
rêver plus macho, un machisme à faire défaillir toutes les féministes du coin qui risquent de bien s'étrangler. Voilà des hommes qui ne pensent pas à faire la cour mais qui passent plutôt leur temps à insulter tout ce qui porte jupons. On traite la gent féminine, de "boudins", de "mocheture", de "salope", de "saleté", on envoie promener ces dames sur les roses, on les gifle. Un régal de misogynie à la limite de la jouissance. Il y aura cependant un revers et cette chère Monica, l'agent double Monica, va remettre les choses à leur place lors d'une croustillante séquence. Nos agents vont en prendre pour leur grade. Il ne manque plus que la bonne fessée des familles devant toutes les putains du bordel! Qu'on se rassure. Le film
se terminera tout de même sur un baiser langoureux au milieu des vagues et des sifflets.
L'interprétation est hallucinante d'amateurisme. A croire parfois que les acteurs sont en totale roue libre. En tête d'affiche, Sean Flynn, le fils d'Errol Flynn, qui avait déjà trainé son mètre quatre vingt-dix en Malaisie pour Le temple de l'éléphant blanc de Lenzi. S'il s'en sortait assez bien sans pour autant donner au personnage de Sandokan beaucoup de crédibilité il est ici plus ridicule qu'autre chose. Mais le scénario et la mise en scène de Toublanc-Michel ne durent guère l'aider. Il prouve malheureusement que sa réputation de mauvais acteur n'était pas feinte. Boudé par les metteurs en scène le pauvre Sean abandonnera le métier en
1968 pour se reconvertir dans le journalisme-reporter. Il est déclaré officiellement mort le 6 avril 1970, très probablement capturé et exécuté par les Viet Congs lors d'un reportage au Cambodge. Son corps et celui de son photographe ne seront jamais retrouvés. Autour de lui une kyrielle de comédiens balourds, peu expressifs, ingrats dont la plupart firent carrière à la télévision: Marc Michel, Bernard Meusnier, Terry Downes, Dennis Berry. L'atout charme, la OSS 117 girl, et représentée par la suédoise Marika Green et son zeste d'érotisme, dont on se demande la réelle fonction dans le film si ce n'est dans les ultimes minutes.
Véritable petite perle du Z français Cinq gars pour Singapour, outre la vision de la Singapour de cette fin d'années 60 qu'elle offre, est une petite pépite d'hilarité, une bêtise qu'on ne peut s'empêcher d'aimer pour son ridicule et son amateurisme assumé, l'hilarité qu'elle provoque, ses situations improbables. En un mot c'est un petit plaisir coupable pour soirée festive agrémenté de plus d'une chanson-thème obsédante, "Somewhere in Singapore", qu'on aura bien du mal à se sortir de la tête.