L'iguana dalla lingua di fuoco
Autres titres: L'iguane a la langue de feu / The iguana with the tongue of fire
Real: Riccardo Freda
Année: 1971
Origine: Italie / France / Allemagne
Genre: Giallo
Durée: 92mn
Acteurs: Luigi Pistilli, Dagmar Lassander, Anton Diffring, Dominique Boschero, Valentina Cortese, Werner Pochath, Renato Romano, Arthur O'Sullivan, Sergio Doria, Ruth Durley...
Résumé: A Dublin, une jeune femme est agressée chez elle par un mystérieux tueur. Après l'avoir vitriolée, il l'égorge. L'ambassadeur de Suisse en Irlande, Sobieski, découvre son cadavre dans le coffre de sa voiture. L'inspecteur Norton est chargé de mener l'enquête. Après que les premières investigations de la police aient révélé que la jeune fille était une des maitresses de l'ambassadeur, ce dernier demande l'immunité politique. Alors que les meurtres sauvages continuent autour de Sobieski et ses proches, sa propre fille, Helen, s'amourache de Norton et lui propose de le seconder. Elle mène sa propre enquête, tentant de percer au grand jour les secrets de famille qui pourraient conduire à la découverte de l'identité de l'assassin...
Si le nom Riccardo Freda restera surtout associé à celui de Mario Bava et à toute une série de peplum et de films historiques ainsi qu'à quelques fleurons du cinéma d'épouvante gothique (L'effroyable secret du Professeur Hitchcock et sa séquelle, Les vampires, Caltiki, Le château des amants maudits) , le metteur en scène perdit dés la fin des années 60 de cette flamboyance qui fit sa réputation et entama alors un lent déclin qui s'achèvera en 1980 avec le désolant Murder obsession. L'iguana dalla lingua di fuoco fait malheureusement partie de cette période.
Alors que le giallo connait son âge d'or, Freda se laisse aller au genre et signe donc en 1971 ce thriller au titre animalier qui s'inspire visiblement de ceux de Dario Argento. L'inspiration s'arrête ici et force est de constater que cette Iguane à la langue de feu est loin, très loin de tenir ses promesses. A Dublin, une jeune hollandaise est vitriolée puis égorgée par un mystérieux assassin. Son corps est caché est ensuite dans le coffre de la voiture de l'ambassadeur suisse Sobiesky. L'inspecteur Norton est chargé de l'enquête. La victime est identifiée comme étant une des maitresses de l'ambassadeur qui va alors faire jouer son
immunité diplomatique afin de ne pas participer aux investigations. Norton piétine d'autant plus qu'il doit travailler dans la plus grande discrétion alors que les meurtres sauvages continuent autour de l'ambassadeur et ses proches. Rattrapé par son passé, Norton qui autrefois poussa au suicide un de ses suspects, raison pour laquelle il fut relevé de ses fonctions; est de plus en plus rongé par ses vieux démons. Il fait alors la connaissance de Helen, la fille de l'ambassadeur, qui accepte de le seconder. Elle va enquêter sur son père mais également sur les membres de la famille et les proches, tous ayant un comportement des plus étranges.
Le fait que L'iguana dalla lingua di fuoco transpose les codes du giallo sur le sol irlandais est peut être la seule marque d'originalité d'un film qui en manque singulièrement, son seul et véritable intérêt étant ses meurtres particulièrement violents et inédits dans le genre. S'il égorge ses victimes au rasoir, le psychopathe les défigure en effet avant à l'aide d'un jet de vitriol. Voilà qui offre au spectateur quelques scènes d'une exceptionnelle sauvagerie notamment celle qui ouvre le film, totalement inattendue et surprenante. On ne pourra pas en dire autant du reste de ce thriller brodé sur une intrigue vue et revue qui donne l'impression
de manger à tous les râteliers pour mieux nous perdre sur une multitude de fausses pistes grossières et souvent risibles. Ainsi on passe allégrement du thriller politique à la E tanta paura ou Una farfalla con le ali insanguinate à une étude plus psychologique mais totalement ratée, le portrait pseudo analytique souvent absurde de l'inspecteur, avant de se rediriger vers le thriller à la Argento jusqu'au final peu crédible et très vite amené. Quant aux fausses pistes, Freda les accumule de façon grossière mais elles ne trompent personne encore moins l'amateur trop habitué aux différentes ficelles genre. De l'attitude plus que suspecte de tous les domestiques, souvent lourde, aux lunettes noires que la plupart des protagonistes portent, on sourit plus qu'on s'interroge tant le leurre est évident et maladroit.
Freda comme beaucoup d'autres metteurs en scène l'ont fait avant lui et le feront après lui tente à son tour de donner sa propre analyse de la décadence bourgeoise, de ses vices et turpitudes à travers la famille de l'ambassadeur, ses secrets, ses pulsions morbides, ses perversions mais la critique sociale peine et échoue finalement, emporté par le ridicule et l'ennui. Quant au tueur, comparé à un iguane puisqu'il se fond dans la société, référence au mimétisme de l'animal, le feu est quant à lui le vitriol qui ronge les visages, ses motivations
sont là encore freudiennes, psycho-sexuelles et bien peu surprenantes. La seule véritable surprise sera en fait qu'il y avait deux meurtriers mais que le principal est un des personnages les plus en retrait, un peu comme là encore l'iguane qui se fond dans la nuit.
Mis en scène sans grande imagination, L'iguane a la langue de feu vaut surtout et avant tout pour ses quelques moments sanglants mémorables malgré des effets spéciaux plutôt précaires, le meurtre inouï qui ouvre le film que le réalisateur répétera un peu plus tard, l'assassinat de la mère de Norton, la tête fracassée contre l'évier puis le mur et la très belle séquence quasi onirique où, poursuivie par le tueur, Helen court à perdre haleine le long des
berges d'un fleuve avant de s'agripper à bout de bras au pont levis puis de se laisser finalement tombée à l'eau, épuisée. Rien que pur cette seule séquence d'une beauté époustouflante, L'iguana dalla lingua di fuoco mérite qu'on lui consacre quelques instants.
On retiendra également quelques soupçons d'érotisme disséminés ça et là une fois encore souvent mal amenés mais l'ensemble est beaucoup trop terne et convenu pour réellement convaincre et retenir réellement l'attention.
Affublé de dialogues parfois risibles, accompagné d'une partition discrète signée Stelvio Cipriani, L'iguana dalla lingua di fuoco bénéficiait d'une jolie affiche bien en dessous malheureusement de ses réelles capacités. Certes Luigi Pistilli est comme d'accoutumée très investi mais sa prestation est ici vaine et n'arrive pas à combler le vide de l'ensemble. Anton Driffring et Valentina Cortese restent à l'état d'ombres, de simples silhouettes qu'on oublie un peu trop vite. Quant à Dagmar Lassander, très peu mise en valeur cette fois, Freda
parvient à la rendre transparente tandis qu'il oublie l'autrichien Werner Pochath, l'éternel méchant du cinéma transalpin, ici dans un de ses premiers rôles en Italie, qui aurait pu donner ici un zeste d'angoisse à l'ensemble. L'iguane à la langue de feu faute d'originalité et d'inspiration tourne désespérément dans le vide malgré quelques éclats bien trop rares. Voilà un produit dans saveur presque ennuyeux à réserver uniquement aux aficionados et autres collectionneurs du genre.
Est ce pour cela que Freda ne s'est jamais caché pour dire qu'il n'aimait pas ce film?