El monte de las brujas
Autres titres: La montagne des sorcières / The witches mountain
Réal: Raoul Artigot
Année: 1973
Origine: Espagne
Genre: Horreur
Durée: 86mn
Acteurs: Patty Sheppard, Cihangir Gaffari, Ana Farra, Monica Randall, Victor Israel, Luis Barboo, Conchita Linares, Guillermo Bredeston, Soledad Silveyra, Carmen Herrera, Ines Morales, Maria Eugenia Callejas
Résumé: Un journaliste-photographe, Mario, part dans les montagnes pyrénéennes prendre des clichés du Mont des sorcières. Sur son chemin il fait la connaissance d'une jeune femme, Delia, à qui il demande de l'accompagner. Elle accepte. Ils passent la nuit dans une sinistre auberge et très vite d'étranges évènements se produisent. Plus ils approchent du fameux mont plus les choses deviennent inquiétantes...
Si le nom de Raoul Artigot n'est pas très connu voilà qui est tout à fait normal. C'est surtout en tant que directeur de la photographie qu'Artigot s'est fait un nom. Il travailla notamment pour Jess Franco et Amando de Ossorio. Il débute sa carrière au début des années 60 en opérant sur des courts-métrages puis sur des longs métrages dés 1966. Il fait une petite parenthèse en 1973 en décidant cette fois de réaliser son premier film, El monte de las brujas dont il est également scénariste, un curieux petit film d'horreur qui sera suivi de deux autres pellicules, une en 1978, Cabo da vera, un drame carcéral, puis l'ultime en 1984, Bajo en nicotina, un autre drame mais cette fois social.
En rentrant chez elle Carla, une jeune femme, découvre que Gerda, une fillette au style de petite héroïne de conte de fée, vient juste de tuer son chat après avoir planté un poignard dans une perruque. La fillette est à la recherche d'un python nommé Kiki dont elle semble très proche. Elle le trouve caché dans une voiture. Soudain Carla renverse sciemment un bidon d'essence. La maison s'embrase. Mario, un journaliste-photographe rentre chez lui. Une femme l'y attend. Il s'agit de Carla, sa petite amie. Elle veut partir en vacances avec lui, il lui annonce qu'il la quitte. Il part aussitôt en reportage dans un lieu perdu quelque part au coeur des montagnes pyrénéennes appelé Le mont des sorcières afin d'y prendre des
photos. Lors d'un arrêt sur une plage il fait la connaissance d'une femme, Delia. Il lui demande de l'accompagner. Elle accepte. Ils passent la nuit dans une auberge isolée tenue par un étrange homme. Dés leur arrivée d'inquiétantes choses se produisent. Des chants envoutants que seul Mario entend résonnent dans le silence des lieux, Delia disparait puis réapparait mais ne se souvient de rien, d'énigmatiques ombres et silhouettes se profilent, Mario prend des photos de personnages qui au final n'apparaissent pas sur les clichés, un chat se transforme en femme, le couple semble vivre des choses qui n'existent pas. Rêve ou réalité? Plus ils approchent du mont des sorcières plus l'atmosphère devient pesante,
sinistre. Ils décident de quitter ces lieux maudits noyés dans le brouillard mais ils tombent en panne de voiture. Ils dressent alors une tente de fortune pour y passer la nuit. Mais il est trop tard. Des succubes toutes de blanc vêtues les attaquent. Delia est enlevée et offerte en sacrifice à un homme enchainé qu'elle avait vu en rêve auparavant. Elle parvient à fuir et saute d'une falaise avant que Mario, blessé, n'ait pu la rattraper. Il rentre chez lui mais en poussant la porte il voit les succubes qui l'y attendent, Carla à leur tête.
Pour son premier film Artigot signe une oeuvre singulière, étrange, bizarre, une singularité qui frappe dés la séquence pré-générique, incompréhensible, d'autant plus déconcertante
qu'elle ne se rattache pas vraiment au reste du film. Une petite fille blonde à l'apparence déjà adulte vient de tuer un chat dont le cadavre ensanglanté git sur le lit puis elle poignarde une perruque avant de se mettre à la recherche de son python qu'elle retrouve dans le garage. Une femme nommée Carla est témoin de ces évènements. Qui est-elle? Quel rapport entretient-elle avec la fillette? Mystère. Soudain elle s'empare d'un bidon d'essence qu'elle enflamme. La maison s'embrase. Générique! Cette ouverture stupéfiante laisse pantois. Aucune explication n'est apportée. On retrouve simplement Carla dés la fin du générique. Elle attend Mario, un photographe-reporter, chez lui et lui propose quelques jours
de vacances au Brésil. On en déduit qu'elle est sa petite amie. Il refuse. Elle jure de se venger. Mario claque la porte et part en reportage sur le fameux mont des sorcières qui donne au film son titre. Débute alors pour lui un long voyage vers l'étrange au cours duquel il sera accompagné d'une femme rencontrée sur une plage, Delia. Qui est-elle? Pourquoi accepte t-elle de venir avec lui? On ne le saura là encore jamais. Mais durant tout le film Artigot joue sur l'ambiguïté de son personnage. Est-elle ou non liée à toutes ces choses bizarres? A t-elle pour but de piéger Mario? Est-elle au courant de ce qui passe réellement? Le doute plane, son attitude interroge mais au final elle n'est qu'une victime, à moins qu'elle
ne soit devenue victime pour avoir accompagné Mario? La question peut se poser lors du final certes inattendu mais que les plus futés avaient surement pressenti. Le moins qu'on puisse dire est que le scénario de El monte de las brujas est loin d'être clair même s'il tient sur un confetti. Ainsi bon nombre de scènes, de faits resteront non élucidés en fin de bande, ne trouveront point d'explication lors de la révélation finale. Aussi mince soit-elle l'énigme n'est pas très limpide. En fait le scénario se veut complexe. Pour ce faire Artigot a cru bon de multiplier maladroitement les bizarreries pour créer un véritable climat d'angoisse sans penser à toutes les expliquer pas même lors d'une conclusion inattendue mais que les plus
futés auront toutefois senti venir. Voilà qui est regrettable car difficile de ne pas ressentir un petit sentiment de frustration lorsque apparait le mot fin.
Cette maladresse propre à une première oeuvre au départ ambitieuse témoigne également de la difficulté du metteur en scène à faire ses premiers pas derrière une caméra mais en contre-partie il met à profit ses talents de directeur de la photographie pour créer un véritable film atmosphérique, ce qu'est surtout et avant tout El monte de las brujas. La beauté des décors asturiens, les montagnes, la nature sauvage, ces villages perdus au milieu de nulle part noyés dans un mer de brouillard sont particulièrement bien mis en valeur et contribuent
à créer un climat de peur sourde, de mystère insoluble. Ces lieux deviendraient presque un personnage à part entière, une inquiétante entité autour de laquelle tourbillonnent de sinistres figures, le curieux aubergiste, Santa la vieille femme aux breuvages miracle, les silhouettes qui errent dans le village, le géant enchainé dans la grotte sans oublier les délirantes succubes toutes de blanc vêtues qui dansent la nuit dans la forêt, une imagerie folle aux réminiscences polselliennes. A cela s'ajoutent la musique et les chants signés Fernando Garcia Morcillo, envoutants, hypnotiques, qui font écho dans le silence de cette nature menaçante et confèrent au film une dimension aussi onirique qu'effrayante. C'est
dans ce contexte que Artigot enchainent les détails, toutes ces petites choses qui frappent l'oeil, interrogent, interpellent, mettent mal à l'aise jusqu'à se demander si justement on ne rêve pas nous aussi. Un des plus bel exemple est la transformation d'un chat en femme qui soudain attaque Mario. Est-ce bien un matou qui est devenu femme ou une femme était-elle cachée pour mieux surgir et bondir sur le photographe? La scène, surprenante, inattendue, est tournée de façon à laisser planer un doute.
L'interprétation est intéressante. En tête d'affiche on retrouve une des stars du cinéma fantastique espagnol, la toujours séduisante Patty Sheppard. A ses cotés l'azerbaïdjanais à
la moustache superbe Cihangir Gaffari vu dans de nombreuses productions turques puis chez Jess Franco (Les démons) est Mario. L'omniprésent Victor Israel, une des "gueules" incontournables du Bis ibérique, est l'aubergiste. L'immense Monica Randall est Carla. Luis Barboo (le géant) et la vétérane Ana Farra complètent la distribution.
El monte de las brujas est une première oeuvre singulière d'autant plus qu'elle ose mettre en avant le matriarcat dans une société bien machiste (la femme toute puissante sacrifie ici l'homme), un film atmosphérique pas toujours réussi mais parfaitement fonctionnel qui intrigue et finalement captive l'attention grâce à toutes les étrangetés qu'il déploie et
l'ambiance mystérieuse des lieux. Il fait partie de ces curiosités ibériques à redécouvrir aujourd'hui qui font toute la richesse de son cinéma, une pellicule d'autant plus à découvrir qu'elle fut très longtemps invisible dû à des démêlés avec la censure. Produit à la base par une société française El monte de las brujas comme la plupart des films espagnols d'alors fut tourné en double version, une plus déshabillée que l'originale destinée au marché étranger montrant entre autres Patty Sheppard seins nus. Cette version ayant été découverte par les autorités suite à une plainte déposée par les figurantes jouant les succubes furieuses de ne pas avoir été mieux payées pour avoir danser nues de nuit le film
fut saisi et interdit de sortie malgré sa projection au fameux festival de Sitges l'année d'e sa réalisation. Ce n'est que bien des années plus tard que le film rejaillit miraculeusement sous la forme d'une copie vidéo américaine (et plus récemment une sortie numérique) qui lui donna une seconde vie... de quoi apprécier cette petite bande qui avec un plus de maitrise et de savoir-faire aurait pu être un petite perle du fantastique espagnol.