Addio Alexandra
Autres titres: Alexandra, aime ma femme et aimez moi / Love me, love my wife
Réal: Enzo Battaglia
Année: 1969
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 90mn
Acteurs: Pier Angeli, Glenn Saxson, Colette Descombes, Anna Maria Perego, Filippo Perego, Margherita Simoni...
Résumé: Elisabetta, une épouse névrosée, et Stefano son mari traversent une grave crise conjugale et vivent séparés. Pour tenter de recoller les morceaux et sauver leur mariage ils passent quelques temps en Hollande chez la cousine d'Elisabetta, la ravissante Alexandra. Rien ne semble pourtant s'arranger et Stefano n'est pas indifférent au charme d'Alexandra qui de son coté résiste à la tentation. Après avoir découvert l'attirance de son mari pour sa cousine Elisabetta, une nuit d'ivresse, suggère un ménage à trois...
Ex-assistant réalisateur de Francesco Rosi et Pietro Germi, scénariste des Plaisirs dangereux de Duccio Tessari, une coproduction franco-italienne qui lui valut d'être condamné pour obscénité en 1965, Enzo Battaglia met en scène son premier film en 1963, Gli arcangeli, le début d'une carrière restée méconnue qui s'étalera sur sept petite années, soit en tout sept long métrages dont un documentaire. Présenté au festival de Venise Addio Alexandra qu'il réalise en 1969 sera son avant-dernier film.
Elisabetta et Stefano traversent une grave crise conjugale tant et si bien qu'ils ont décidé de
se séparer il y a de cela quelques mois déjà. Pour tenter de recoller les morceaux et sauver leur mariage le couple décide de passer quelques temps à Rotterdam chez la cousine d'Elisabetta, Alexandra, une splendide quadragénaire dont l'époux, un homme d'affaires hollandais, passe sa vie à voyager, laissant cette superbe femme seule. Elle les accueille dans sa superbe villa remplie de photos familiales. Le séjour ne se passe pas sans heurt. Elisabetta et Stefano ne cessent de se disputer parfois violemment. Elisabetta avoue même à sa cousine qu'il lui arrive de la frapper. Alexandra fait de son mieux pour apaiser les choses mais le couple ne parvient plus à se comprendre y compris sur le plan intime.
Alexandra se retrouve au milieu et semble être très attirée par Stefano mais elle s'interdit toute liaison. Commence alors un subtil jeu de séduction, de non dits, une relation qui lentement prend la forme d'un ménage à trois jusqu'au jour où, alors qu'ils sont nus et s'apprêtent à faire l'amour, Elisabetta, ivre, qui a deviné l'intérêt que porte son mari à sa cousine, l'invite à les rejoindre. Elle décline la proposition mais elle finit par céder à la tentation et couche avec Stefano lors d'une promenade en bord de mer dans sa voiture. Cette décision va changer le cours de sa vie. Sachant que son mari a couché avec sa cousine Elisabetta, enfin libérée de ses névroses, lui proposera de faire ménage à trois...
En cette fin d'années 60 commença à apparaitre sur les écrans une nouvelle vague de films qui dés la décennie suivante allait prendre toute son importance, les drames et crises conjugales de couples bourgeois en perdition tentant de sauver leur couple. Parmi ces oeuvres bon nombre d'entre elles pointaient du doigt les ménages à trois, un thème alors de mode. Addio Alexandra fait partie de ces films dont il est un des précurseurs puisque tourné en 1969. Drame qui évite le sensationnalisme Addio Alexandra est un film délicat qui fait la part belle à la psychologie de ses trois principaux protagonistes, un mari par instant brutal qui espère reconquérir sa femme, une épouse paranoïaque et possessive qui rejette
ses névroses sur son homme et une séduisante quadragénaire dont le mari est très souvent absent qui a du mal à réfréner son attirance et ses désirs pour le mari lui même attiré par cette femme qui pourrait lui donner ce que son épouse ne lui donne plus. Dans cette relation triangulaire Elisabetta pourrait de son coté trouver la clé de ses névroses et s'en délivrer.
A partir de cet incipit Enzo Battaglia tisse un récit tout en non dits, tout en suggéré où beaucoup de choses passent par les mots (on soulignera l'intelligence des dialogues, simples mais efficaces), les regards, les expressions faciales. Il ne se passe pas grand
chose durant 90 minutes mais Battaglia grâce à une réalisation efficace parvient sans mal à retenir l'attention du spectateur jusqu'aux dernières minutes même si le final franchement immoral n'a rien de très original mais on peut imaginer le choc qu'il dut jadis engendrer. On devine assez aisément comment cela se terminera mais lentement et intelligemment amené on ne s'ennuie finalement jamais vraiment. Ajoutons au crédit du film une jolie photographie aux tons hivernaux tout en sépia, les paysages tristes d'une Hollande pluvieuse (plus précisément Rotterdam) qui collent parfaitement au coté tourmenté, morbide de l'histoire ainsi qu'une agréable partition musicale signée Piero Piccioni.
Ce qui pourra surprendre et donne aussi un intérêt supplémentaire au film, c'est son aspect étonnamment osé. N'oublions pas que nous sommes en 1969. Hormis le sujet qu'il traite particulièrement scabreux pour l'époque, l'amour à trois, le film se permet quelques audaces sur le plan érotique qui à sa sortie, ont du donner à Dame Censure bien des hauts le coeur. Outre les quelques plans seins nus que nous offrent les deux protagonistes féminines elles osent également de rapides nus frontaux. Impossible de ne pas citer la scène où allongés nus sur le sol Stefano et Elisabetta s'apprêtent à faire l'amour, l'épouse respirant le corps de son mari avant qu'elle n'invite Alexandra à les rejoindre, ni celle où
uniquement vêtue d'une petite culotte Elisabetta joue suggestivement avec une banane avant de la coincer sous l'élastique de son slip. Quant à la si attendue séquence de triolisme, envoutante, sensuelle, magnifique, on pourra applaudir l'audace de Battaglia d'avoir filmé une telle scène en cette fin de décennie encore bien prude.
L'interprétation est excellente menée de main de maitre par un trio d'acteurs parfaits chacun dans leur rôle. La française Colette Descombes est une Elisabetta aussi mutine et perverse que tourmentée. Très expressive Anna Maria Pierangeli, altière, élégante, est une Alexandra tout en retenue qui passe de statut de victime à celui de grande gagnante en découvrant une
toute nouvelle forme d'amour. On gardera en tête l'expression de son visage après qu'elle ait fait l'amour à Stefano. Inoubliable. Ce sera un des tout derniers films que tournera Anna Maria qui se donnera la mort trois ans plus tard par overdose de barbituriques, terrifiée à l'idée de vieillir. Loin des westerns spaghettis et des deux Kriminal qui le rendirent célèbre le hollandais Glenn Saxson, également producteur du film, interprète Stefano ce qui lui donne aussi l'occasion de se déshabiller et jouer les séducteurs.
Peu connu voire aujourd'hui oublié Addio Alexandra est un drame conjugal bourgeois qui ne révolutionne pas le genre mais demeure une agréable pellicule, tout en douceur et
délicatesse pimentée d'un érotisme souvent audacieux limite amoral dans ce qu'il véhicule (même si aujourd'hui cela pourra faire légèrement sourire), à découvrir pour les amateurs de ce style de films (dans sa version non tailladée bien évidemment). C'est en tout cas le film à retenir de la filmographie de son auteur.
Pour l'anecdote Addio Alexandra est discrètement sorti en salles en France trois ans après sa réalisation avec une interdiction aux moins de 18 ans affublé d'un titre pompeux et racoleur, Alexandra aime ma femme et aimez moi, bien moins subtil que le titre original qui renvoie à l'ultime scène du film.