Edipeon
Autres titres: Edipeon, il sapore della pelle
Réal: Lorenzo Artale
Année: 1970
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 99mn
Acteurs: Christian Hay, Nana Aslanoglu, Roberto Lande, Massimo Serato, Magali Noël, Hélène Chanel, Marcello Tamborra, Luigi D'Acri, Tony D'Ambra, Lori Ser, Alfredo Tatulli, Lino Coletta, Mirella Pamphili, Luca Sportelli, Marina Marinelli, Antonio Musco, Matilde Antonelli, Giusi Sardo, Elvira Battino, Rosanna Fontanelli, Pino Sansotta, Umberto Iannetta, Paolo Sceusan, Antonio Pagano...
Résumé: Depuis l'enfance Gianni est amoureux de sa mère. Devenu adulte Gianni n'a jamais pu avoir de relations normales avec une femme hormis avec Lola, une prostituée de luxe qui accepte son complexe d'Oedipe et sur laquelle il arrive à projeter l'image de sa mère. Malheureusement Lola met fin à cette relation après que Gianni ait voulu lui faire l'amour dans le lit maternel. Désespéré Gianni fait une tentative de suicide. Son frère Paolo exige de Lola qu'elle revienne auprès de Gianni et l'épouse. Elle finit par accepter mais tout se dégrade très vite. Lola réalise qu'elle est amoureuse de Paolo. La situation devient rapidement critique...
Le sicilien Lorenzo Artale fait partie de ces metteurs en scène aujourd'hui totalement oubliés à l'image même de leurs oeuvres qui le plus souvent ont disparu dans les méandres du temps. Artale n'a pas eu une très longue carrière. Il ne réalisa que quatre films entre 1964 et 1972, quatre drames bien ancrés dans l'ère de leur temps qui démontraient l'amour qu'avait Artale pour un certain cinéma malgré l'absence de moyens. Malgré leurs défauts, leur maladresse, leur coté souvent amateur, ils témoignaient d'une certaine ambition, possédaient un style qui parfois se rapprochaient du néoréalisme. Six
ans après Quei pochi giorni d'estate Artale réalise son second long métrage, Edipeon, un titre qui à lui seul le résume parfaitement.
Gianni souffre du complexe d'Oedipe depuis déjà de nombreuses années. Depuis l'enfance il est amoureux de sa mère Giusi qui n'a jamais vraiment tenté ni de changer les choses ni de le faire soigner. Aujourd'hui encore elle est restée très proche de lui et ne repousse jamais ses élans de tendresse. La situation inquiète son beau-père Lamberto. Cet amour interdit a brisé la relation qu'avait Gianni avec son frère Paolo qui le déteste pour l'avoir privé
d'amour maternel. Ce complexe d'Oedipe empêche Gianni d'avoir des relations sérieuses avec les filles. Il est impuissant et cherche à travers ses petites amies l'image de sa mère. Il n'y a que pour Lola, une prostituée de luxe, qu'il ressent de l'amour car elle lui rappelle sa mère. Il aimerait construire avec elle une véritable relation d'autant plus qu'elle est la seule qui l'accepte tel qu'il est. Un jour alors qu'ils s'apprêtent à faire enfin l'amour Lola réalise qu'ils sont dans le lit de sa mère. Lola, humiliée, refuse de le revoir. Effondré il commet une tentative de suicide. Touché par son geste désespéré Paolo décide d'aller parler à Lola et oblige la jeune femme à épouser Gianni. Ce sacrifice est la seule solution pour qu'il soit
enfin heureux. Elle finit par accepter et abandonne la prostitution. Mais la situation est difficile. Non seulement elle ne ressent rien pour Gianni mais elle est très attirée par Paolo. Ayant de plus en plus de mal à cacher son attirance pour son frère Lola finit par craquer. Elle avoue ses sentiments à Paolo qui la repousse sèchement. Entre temps Giusi a surpris Lola entrain de faire des avances à Paolo. Les relations familiales se dégradent de plus en plus. Paolo décide de quitter le domaine au désespoir de sa mère. Lola avoue à Gianni qu'elle ne l'aimera jamais et qu'elle le quitte. Gianni tente de la retenir mais il est trop tard. Le garçon perd la raison. C'est dans un bain de sang que se terminera cette folle histoire d'amour interdit.
Traiter du complexe d'Oedipe était une idée en or d'autant plus que le scénario était assez épicé surtout pour son époque. Comme son titre l'indique Edipeon est l'histoire d'un jeune homme d'une vingtaine d'années qui depuis l'enfance est amoureux d'une mère qui n'a jamais rien fait pour mettre un terme à une situation scabreuse qu'elle semblait même apprécier quitte à voir sa famille exploser. Gianni de retour au domaine familial, on a donc au coeur de l'intrigue un garçon impuissant obnubilé par sa mère à qui il rêve de faire l'amour ce qui l'empêche d'avoir des relations amoureuses normales avec les filles, un frère haineux qui n'a jamais pardonné à Gianni le fait d'être rejeté, d'être le mal aimé, une
prostituée contrainte d'épouser Gianni mais amoureuse de son frère, une mère malheureuse et un beau-père incapable d'arranger les choses. Voilà un noeud familial complexe qui aurait pu donner un film particulièrement intéressant et savoureusement sulfureux. Il faut malheureusement reconnaitre que Artale est loin, très loin d'être à la hauteur de ses ambitions et s'avère incapable de mener à bien un tel sujet. Force est de très vite constater que Artale ne parvient à aucun moment non seulement à instaurer l'atmosphère morbide qu'une telle histoire dégageait mais également à rendre incisif un récit aussi trouble que glauque. Maladroite, la mise en scène d'une désolante platitude
donne au film un coté roman-photo pour adultes bien trop lisse pour pouvoir fonctionner. C'est donc détaché qu'on suit les turpitudes de ce garçon incestueux. Difficile d'être captivé par le récit, de ressentir la moindre émotion pour Gianni et son entourage pris dans les méandres d'un drame scabreux, d'autant plus dur que les personnages manquent sérieusement d'épaisseur, ne sont que de simples esquisses. C'est là un des autre défaut majeur du film, son manque total de psychologie. C'aurait du être une des principales composantes du film afin de donner du relief aux protagonistes mais également d'intensifier l'aspect dramatique de l'intrigue jusqu'à son dénouement, ici prévisible malgré un petit
rebondissement qui ne change malheureusement pas la donne. Ce drame oedipien ne pouvait trouver d'autre issue, une conclusion tragique, inéluctable, mais peu surprenante qu'on aurait aimé là encore plus intense.
Ce n'est pas l'interprétation qui changera la donne. Etait-ce une bonne idée de donner au français Christian Hay, le petit protégé de Marcel Carné, le rôle de Gianni? Certes Christian possède la beauté d'un Delon jeune mais son jeu est d'une extrême fadeur, sa palette d'émotions se résumant à faire la moue. Tombé follement amoureux de lui deux ans auparavant Carné lui avait offert le rôle principal masculin des Jeunes loups avant de le
désavouer publiquement, n'ayant aucune honte à crier haut et fort que Christian était le plus mauvais acteur qu'il avait jamais connu, ce dernier préférant sortir toutes les nuits plutôt que de se concentrer sur son métier. Christian souffrit beaucoup de ces critiques qui empêchèrent par la suite sa carrière de décoller. Peut-être Carné avait-il raison vu sa prestation ici. Le générique Roberto Lande (Paolo) lui fait facilement de l'ombre. N'aurait-il pas été plus judiciable d'inverser les rôles?
A leurs cotés on retrouve deux grands noms du cinéma, Magali Noël (la mère) et Massimo Serrato (le beau-père). Malgré leur talent ils ne parviennent pas à donner un tant soit peu de
consistance à l'ensemble et restent trop en retrait. Joliment mise en valeur Aiche Nana (Lola), également scénariste du film, tire cependant son épingle du jeu en offrant une interprétation convaincante qui relève un peu le niveau. Quant à Hélène Chanel elle est tout simplement magnifique. Elle illumine l'écran de sa beauté solaire.
Malgré tout Edipeon se laisse gentiment visionner. Tout n'est pas à jeter, loin de là. Malgré les maladresses de Artale (l'amateurisme diraient certains) le sujet est intéressant, les idées sont présentes. Quelques scènes dispersées ça et là ont un coté parfois étrange, curieux (la scène préhistorique dans la grotte), voire onirique. Artale se laisse également
aller par instant à quelques effets de style non désagréables, tente une recherche visuelle souvent très artistique. Esthétiquement parlant le film est en ce sens très beau tant au niveau des décors que des costumes (sans parler de la beauté des comédiens), de quoi donc flatter l'oeil. L'oreille sera quant à elle flattée par la jolie partition musicale de Stelvio Cipriani, fortement estampillée années 70. On n'oubliera pas cette pointe d'érotisme raffinée, élégante, quelque fois osée pour l'époque même si Artale reste sage, suggérant plus qu'il ne montre. Il faut donc reconnaitre à Edipeon ses qualités tant artistiques que visuelles ce qui en fait une curiosité incestueuse somme toute non déplaisante.
Comme les trois autres films du metteur en scène Edipeon fait partie de ces oeuvres aujourd'hui rarissimes, devenues quasi invisibles au fil du temps. Ce sont donc de véritables pièces de collection que tout amateur de ce type de pellicules prendra plaisir à posséder. Cette rareté est son ultime atout, un atout non négligeable.