El principe
Autres titres: The prince
Real: Sebastian Munoz
Année: 2019
Origine: Chili
Genre: Drame
Durée: 98mn
Acteurs: Juan carlos Maldonado, Sebastian Ayala, Alfredo Casto, Lucas Balmaceda, Gaston Pauls, Cesare Serra, José Antonio Raffo, Nicolas Zarate, Jaime Leiva, Andres Pozo, Andres Sanchez, Carlos Corales, Claudio Rodriguez, Paola Volpato, Catalina Martin...
Résumé: Dans le Chili des années 70 Jaime, un jeune homosexuel de 20 ans, tue un soir son meilleur ami ne supportant plus de ne pas pouvoir lui avouer ses sentiments. Le voir aguicher un autre homme a fait jaillir toute la haine et la frustration qu'il a jusque là accumulé. Condamné il est emprisonné. Dés son arrivée en cellule Jaime surnommé le Prince doit se plier aux lois de la prison. Il devient le petit mignon de l'Etalon, un sexagénaire qui règne en maitre en ces lieux. Il le viole. Jaime comprend alors qu'il doit obéir, se soumettre. Taciturne, il observe cette vie carcérale et petit à petit prend de l'assurance. Dans ce vase clos où l'homosexualité est partout il peut enfin vivre sa sexualité sans avoir à se cacher et apprendre à s'accepter. Lorsqu'il s'éprend du jeune amant du rival de l'Etalon les choses vont se durcir. Une guerre sournoise éclate entre les deux rivaux...
Directeur artistique sur une grande partie du nouveau cinéma chilien Sebastian Munoz signe avec El principe son premier film, une première oeuvre fracassante, envoutante, qui prouve toute la richesse, la profondeur et la force du cinéma gay sud américain. Mais est-ce surprenant? Qu'il soit chilien, argentin ou encore mexicain nous a t-il seulement un jour déçu?
Dans le Chili des années 70 Jaime, un jeune garçon de 20 ans, solitaire et narcissique, égorge dans un bar le Gitan, son meilleur ami dont il était follement amoureux. Drame passionnel du à une jalousie maladive Jaime ne supportait plus de voir celui pour qui son
coeur battait jouer les hétérosexuels dans un pays qui refusait alors l'homosexualité. Le voir un soir aguicher en état d'ébriété un homme bien plus âgé l'a conduit à commettre l'irréparable. Condamné il est envoyé en prison. Il partage sa cellule avec quatre autres détenus dont l'Etalon, un sexagénaire qui règne en maitre sur la prison. Dés son arrivée l'Etalon en fait son nouveau petit protégé au désespoir de son ancien mignon surnommé l'Abandonné. Comprenant qu'il sera désormais son protecteur Jaime le laisse le violer dés la première nuit. Surnommé El principe (le Prince) Jaime découvre les lois de l'univers carcéral masculin, les jeux de pouvoir, de domination-soumission, mais aussi le respect et surtout
l'homosexualité qui y règne en maitre. Peu bavard, Jaime observe, joue de sa plastique parfaite mais nait surtout entre lui et l'Etalon une relation amicale faite de tendresse et d'affection. Avec lui il découvre l'amour au masculin, il peut vivre son homosexualité qu'il a toujours du cacher voire nier. Au fil du temps Jaime gagne en assurance mais la brutalité du milieu carcéral, le sadisme des gardiens, le ramène souvent à la dure réalité. Au milieu des jalousies et des alliances Jaime s'éprend d'un garçon de son âge, Rucio, le mignon d'un vieux dandy pervers surnommé l'Argentin, le rival de l'Etalon. Ce dernier voit d'un mauvais oeil cette relation et demande à Jaime de ne plus jamais le revoir. Les relations se dégradent
entre les deux gros protecteurs qui finissent par s'entretuer. L'Argentin meurt. L'Etalon décédera quelque temps plus tard à l'infirmerie. Jaime est désormais seul mais il a suffisamment appris, gagné en maturité et en dureté pour aujourd'hui prendre la place de l'Etalon et devenir celui qu'on va respecter, celui qui dictera sa loi. A l'arrivée d'un nouveau prisonnier Jaime s'impose. Il jette Rucio devenu depuis la mort de l'Argentin son petit protégé. L'arrivant sera son nouveau boy, son nouvel amant.
Tiré d'un des romans les moins connus de Mario Cruz El principe est un film captivant à l'homo-érotisme foudroyant qui en plus de décrire l'univers carcéral chilien est aussi une
peinture métaphorique d'un pays où dans les années 70 l'homosexualité ne pouvait pas être vécue au grand jour, où les homosexuels devaient souvent vivre dans le déni. Si le contexte politique n'est jamais clairement évoqué il reste cependant en filigrane. La prison, ses abus, sa cruauté, le pouvoir qui y règne sont le reflet du Chili de ces années d'oppression. L'évocation du gouvernement en place est quant à lui signifié par les retransmissions radio de l'élection de Salvador Allende. Jaime n'est jamais que le portrait d'une jeunesse condamnée au silence, à vivre sa sexualité cacher d'où ce personnage sombre, peu bavard, qui vit intérieurement ses désirs mais qui peu à peu va prendre de l'assurance, va s'imposer
grâce à cet univers excessivement charnel où l'homosexualité n'est ni tabou ni interdite mais tout simplement monnaie courante entre les détenus.
Plus qu'une description de la vie dans les geôles chiliennes El principe est avant tout un sublime et troublant conte homosexuel qui dés les premières images alterne, mélange violence et onirisme, cruauté et homo-érotisme à fleur de peau. D'entrée Munoz déshabille son jeune et bel héros qui se retrouve en slip au milieu de sa cellule. Sous les regards concupiscents son corps juvénile devient le centre d'intérêt de ses codétenus. Il n'y a pas que le corps du beau Jaime qui est sujet à fantasmes. Une bonne partie du film est à elle seule
un long fantasme sur fond de jeux virils ardents guidés par les désirs avoués de domination-soumission dans ce vase clos chargé d'une tension sexuelle palpable, souvent brutale où à tout instant les dominants peuvent se retrouver dominés. Le viol publique de l'Etalon par les gardiens à l'aide d'un long manche est un moment d'une intense cruauté où on arriverait presque à ressentir non seulement l'humiliation mais aussi la douleur du pauvre homme. Munoz mélange ainsi de jolis moments de tendresse, d'affection pure et de sadisme sans pour autant en oublier la poésie qui fait la singularité de ce métrage d'une puissance étonnante. La violence n'est pas simplement entre les murs de la prison elle est aussi à
l'extérieur, elle envahit Jaime qui exprime à travers elle ses frustrations, sa souffrance intérieure, sa colère, sa jalousie, sa haine grandissante vis à vis de son ami qu'il ne peut avoir, une violence exprimée y compris dans l'acte hédonique, une séquence de masturbation particulièrement agressive, preuve d'une rage qui le consume et le mènera au meurtre. C'est par le biais de flash-backs réguliers qui s'intègrent parfaitement au film qu'on vit les douloureux évènements qui pousseront Jaime à tuer de sang froid son ami. Ils nous permettent également de mieux cerner la personnalité de ce jeune gay narcissique qui n'hésite pas à s'offrir à contre-coeur les grâces d'une femme qui pourrait être sa mère pour
qu'elle lui paie de beaux vêtements. Pourtant et c'est une des forces de cette pellicule la personnalité de Jaime demeure sans cesse trouble, ambigüe. Jaime intrigue, captive, fascine comme il peut parfois faire peur dans cet univers clos où lentement il s'émancipe, s'affirme, fait l'apprentissage de sa propre sexualité, apprend à dominer et à trouver sa place en gagnant le respect des prisonniers.
Ce qui frappe d'emblée c'est l'homo-érotisme incandescent dans lequel le film baigne de la première à la dernière image. Dans un contexte merveilleusement charnel, torride El principe respire la testostérone tant juvénile que délicieusement virile nimbée d'une sensualité
masculine à fleur de peau qui enflammera les sens du spectateur notamment lors des scènes de douche, belles, envoutantes, lascives. Ces moments intenses feront d'autant plus monter notre désir (et pas que lui) que Munoz les filme le plus souvent de façon explicite mais toujours poétisée sans avoir peur de montrer ses acteurs en érection ou semi-érection.
L'interprétation est simplement parfaite menée de main de maitre par le jeune et sombre Juan Carlos Maldonado, acteur chilien ayant essentiellement travaillé pour la télévision qui émoustillera nos sens, secondé par le vétéran Alfredo Casto, grand comédien de théâtre à la base régulièrement récompensé dans son pays, époustouflant dans le rôle très osé de
l'Etalon, un homme de prime abord détestable qui doucement attire la sympathie, le respect, Gaston Pauls, excellent en dandy vieillissant pervers et deux valeurs montantes de la jeune génération artistique chilienne très connues dans leur pays, le séduisant Lucas Balmaceda qui de son coté et pour notre plus grand plaisir a les scènes de sexe les plus graphiques (sa semi-érection sous la douche en étourdira plus d'un) et le tout aussi séduisant Sebastian Ayala repéré trois ans plus tôt dans l'excellent et incisif Jesus / Jesus le petit criminel de Fernando Guzzoni et La pasion de Michelangelo.
Bénéficiant d'une mise en scène très professionnelle, quasi sublime, de personnages forts hautement travaillés, El principe est une totale réussite, une pellicule testostéronifère faite de
tableaux, de peintures soignées dégoulinantes d'homo-érotisme tant exaltant qu'exalté d'une étonnante puissance émotionnelle. Ce n'est pas pour rien qu'il reçut le Queer lion au festival de Venise, qu'il fut encensé au festival Chéris/chéries et bien d'autres manifestations. Chef d'oeuvre du film gay sud américain le premier film de Sebastian Munoz en plus de témoigner de son talent est en passe de devenir très rapidement un incontournable du genre.