Smoke and flesh
Autres titres:
Real: Joseph Mangine
Année: 1968
Origine: USA
Genre: Drugsploitation / Acid movie
Durée: 68mn
Acteurs: Richard Howell, Ed Sansone, Lee Parker, Joel Bently, Bo Barten, Ann Brandt, Charlotte Winters, Janet Banzet, Alex Mann, Natara, Victoria Hastor...
Résumé: Un motocycliste apporte de l'herbe à fumer à une party organisée dans un appartement où se retrouve une bande d'amis. La drogue aidant les esprits se libèrent, on joue et on fait l'amour lorsque trois individus indésirables font irruption pour semer le trouble. Ce sont l'herbe et les acides qui apaiseront l'atmosphère...
Producteur d'une bonne trentaine de films le plus souvent d'exploitation, tout style confondus, parmi lesquels La nuit des vers géants, Mother's day, Buveurs de sang, L'incroyable alligator... Joseph Mangine a durant sa carrière réalisé en tout et pour tout deux films, un petit film de science-fiction au milieu des années 80 Neon maniacs, et ce Smoke and flesh, un acid movie en noir en blanc sorti en 1968.
Un motocycliste dissimulé sous son casque et un passe-montagne, Turk, achète de la drogue à un de ses clients. Il traverse la ville et rejoint son ami Babe chez lui. Babe prépare
une petite soirée "sex and drug" à son domicile. Les invités arrivent ainsi que Sue sa petite amie. La fête peut commencer. Babe prépare un énorme joint que les invités vont tout à tour fumer à travers un énorme rouleau de papier toilette. Sous l'effet de la drogue et de l'alcool les esprits comme les corps se désinhibent. On danse gentiment, les couples se forment et se laissent aller tandis qu'une partie de "strip-voiturettes électriques" est organisée au salon. Tout irait pour le mieux si trois bikers qui après une partie de billard ont suivi une des jeunes invitées ne venaient pas s'incruster à la soirée. Afin de s'en débarrasser Babe dilue du LSD dans une bouteille de vin qu'il offre à l'un des intrus pendant qu'un de ses compagnons
abuse d'une jeune fille dans le grenier. Les effets de l'acide ne tardent à se faire sentir. L'homme délire dans son coin. Enfin tranquilles les invités peuvent continuer à s'amuser surtout Babe qui va pouvoir s'occuper de sa petite amie sous l'oeil des poissons de son aquarium.
Le premier mot qui vient à l'esprit à la fin du visionnage de Smoke and flesh est "curieux" comme ce sentiment mitigé qu'on pourra éprouver, partagé entre la déception, l'interrogation et un certain intérêt. Contrairement à d'autres acid movies celui de Mangine peut paraitre bien sage. Point de débordement, aucune scène choc pas même sur le plan sexuel et
aucune véritable intrigue, juste quelques points souvent étranges, un soupçon d'audace bon enfant et quelques scènes bizarres pour retenir l'attention. En fait Mangine semble surtout vouloir faire un film vérité comme pourraient le démontrer la longue scène d'ouverture et celle qui clôt la pellicule. Smoke and flesh débute par une longue séquence filmée par une caméra fixée sur la moto d'un mystérieux motocycliste dont le visage est caché sous un passe-montagne et son casque. Il nous promène à travers la ville au son d'une musique rock très "groovy", traverse des immeubles, se rend chez un client pour lui acheter de l'herbe puis repart sur sa moto, fin prêt pour un nouveau tour de ville et surtout la traversée du
Lincoln tunnel avant d'arriver à destination chez Babe. Le final avec son défilé d'images du quotidien (l'ouverture des magasins, les gens allant au travail, la ville qui s'anime...) reprend simplement l'idée de cette ouverture en bien moins long confirme ainsi les intentions du cinéaste: mettre en parallèle le quotidien d'une certaine jeunesse de cette fin de décennie. Le jour la vie telle que nous la connaissons tous, normale, banale, presque aussi ennuyante que cette longue balade en moto, la nuit cette routine cède la place à l'interdit avant qu'à l'aube tout redevienne comme avant.
Et l'interdit est illustré durant toute la partie centrale du film, une débauche de sexe et de
drogue pour s'amuser, se libérer l'esprit et les sens, franchir les tabous grâce aux drogues diverses, le tout sur fond de musique rock psychédélique jouée sur l'électrophone du salon de ce petit appartement. C'est peut être là que la déception commence à poindre le bout de son nez. Mangine ne semble guère intéressé par le fait de filmer du sexe encore moins les délires de ses protagonistes sous l'influence de la drogue. Il reste durant tout le métrage d'une déconcertante sagesse. Smoke and flesh ressemble au final à une bande vieillotte droite sortie du début des années 60, un peu comme les tout premiers sex mondo américains si hilarants et inoffensifs. Pudique Mangine filme une poitrine dénudée, un nu
dorsal, quelques ébats plus suggérés que montrés avec ça et là quelques touches d'audace pour pointer du doigt quelques gentilles déviances qui amuseront beaucoup.
Là réside l'intérêt de Smoke and flesh, ses bizarreries si innocemment filmées. On débute par ce joint fumé à travers un énorme rouleau de papier toilette qui tourne de main en main. Puis il y a ce couple dont le plaisir est la glace beurre de cacahuètes et la crème chantilly, l'occasion de nous offrir une scène de food sex interraciale, une femme de couleur recouverte de Chantilly se fait lécher sensuellement le corps. Nous avons aussi cette version inédite du strip-poker devenu ici ce que nous appellerons le strip-voiturettes. Un couple joue
avec un circuit électrique de voiturettes. Celui qui perd la course doit ôter un vêtement. La femme perdra et finira nue. Il y a surtout le couple de vieux mariés à qui nous devons le coté "sleazy" le coté déviant. L'époux quelque peu difforme à tête de Roswell, les veines crâniennes proéminente, le regard lubrique est impuissant depuis des années. Ce qui l'excite et excite son épouse bien plus jeune est d'offrir celle ci à des hommes, de les regarder faire l'amour, la bave aux lèvres, et de les photographier afin d'alimenter ce qu'il appelle son album de famille. Un des invités fera l'affaire. Ce sont très certainement les passages les plus intéressants, les plus fascinants de cette petite pellicule qui se terminera
d'une manière originale, Babe et sa fiancée filmés entrain de faire l'amour (très sagement) à travers la vitre de l'aquarium sous le regard torve des poissons. Chacun interprétera l'image comme il l'entend.
L'arrivée des trois bikers n'apporte rien au récit. On aurait pu penser que Smoke and flesh allait se muer en rape and revenge. Que nenni. Ils ne servent à rien si ce n'est pour offrir un petit viol suggéré totalement incompréhensif et une prise d'acide qui débouche sur quelques hallucinations, plus précisément des images en négatif bien peu angoissantes. A vrai dire toute cette partie du film reste assez nébuleuse, invraisemblable pour éviter de dire tout
simplement idiote. Pourquoi ce viol qui étrangement ne traumatise personne? Pourquoi ne faire boire du vin qu'à un seul des bikers? Pourquoi ses amis ne réagissent pas à ce qui lui arrive? Que font ils d'ailleurs? En quoi ce stratagème ramènera t-il la tranquillité? On a bien du mal à suivre Mangine et l'intérêt du film s'en trouve donc amoindri.
Les acteurs, tous inconnus, ne brillent guère par leur talent mais ont surtout un second point commun: leur laideur, ainsi que le fait qu'ils aient quasiment tous dépassé l'âge de leur personnage. Pas de jeunes hippies cette fois mais un groupe de jeunes trentenaires bien sous tout rapport, issus d'une certaine petite bourgeoisie semble t-il, qui pour la plupart se
dégarnissent déjà doucement. Le seul à retenir l'attention, mais comment ne pas le remarquer, est le vieil époux moustachu à tête de Roswell dont les veines du crâne donnent l'impression qu'elles vont exploser à tout instant. S'il fallait rapprocher d'un autre freak du cinéma ce serait peut être Aldo Valletti, l'inoubliable Président de Salo et les 120 journées de Sodome, pour son coté vicieux et ses mimiques faciales.
Parmi les invités le passionné de sexploitation américaine reconnaitra Marie Brent aka Janet Banzet, une des égéries des époux Findlay qui mourra tristement trois ans plus tard et le très musclé Alex Mann, un récurrent du genre.
Ecrit réalisé, produit, photographié par Mangine lui même qui s'est donc occupé quasiment de tout Smoke and flesh n'est ni plus ni moins qu'une curiosité, une étrangeté bien inoffensive de l'acid movie plus drôle que dérangeante accompagnée d'une Bande originale aux tonalités psychédélique malheureusement un peu répétitive. Cette nouvelle excursion à petit budget dans le monde des drogues de cette fin d'années 60 et son impact sur les perversions sexuelles n'apporte rien de neuf au genre mais elle demeure un agréable divertissement qui au bout du compte donne pour une fois une image positive de l'usage de l'herbe et autres substances dites illégales. Elles détendent, désinhibent et apaisent les esprits échauffés tout en développant la libido.