I figli so' pezzi 'e core
Autres titres:
Real: Alfonso Brescia
Année: 1981
Origine: Italie
Genre: Lacrima-movie
Durée: 98mn
Acteurs: Mario Merola, Anna Maria Ackermann, Michele Esposito, Carlo Giuffrè, Gianni Ciardo, Michela Miti, Ivan Rassimov, Ernst Thole, Clara Colosimo, Elena Sedlak, Pamela Paris, Rosalia Maggio, Michele Esposito, Anna Walter, Roberto Caporali, Rino Marcelli, Tommaso Bianco, Rate Furlan, Gianfilippo Carcano, Gloriana, Bruno Alias, Rossana Canghiari, Franca Scagnetti...
Résumé: Chanteur des rues Tommasso va être pour la première père. Malheureusement sa femme accouche d'un bébé mort-né. Incapable de lui annoncer il accepte d'acheter un nouveau-né dont les parents viennent de mourir sans rien dire à son épouse. Le soir même il peut lui présenter le bébé. Les années passent, l'enfant grandit. La femme de Tommasso décède. Il se retrouve seul avec son fils. C'est alors que le vrai père de l'enfant réapparait alors qu'il était supposé mort. Il compte récupérer son fils...
Enième collaboration entre l'acteur-chanteur Mario Merola et le réalisateur Alfonso Brescia, une collaboration débutée en 1978 avec Serenata Napoli calibro 9, I flgli so' pezzi 'e core est un pur exemple de lacrima-movie, un exercice auquel le duo aimait s'adonner entre deux polars napolitains lorsqu'il ne mélangeait pas tout simplement les deux genres (Tua vita per mia figlio notamment). Si faire rire exige beaucoup de talent la comédie est tout un art, faire pleurer est tout aussi difficile et délicat. I figli so' pezzi 'e core en est un... triste exemple. En voulant faire verser des torrents de larmes à son public le tandem réussit certes à les faire
pleurer mais... de rire! Et bien involontairement car l'objectif on le devine était au départ tout autre.
Chanteur de rues le jovial Tommasso Maffettone apprend qu'il va être père. Malheureusement sa femme Matilde met au monde un bébé mort-né. Ignorant le décès de son enfant la jeune maman désire le voir. Incapable de lui annoncer non seulement la nouvelle mais également qu'elle ne pourra plus jamais avoir d'enfant Tommasso se réfugie dans le mensonge le temps de trouver comment le lui dire. L'infirmière obstétricienne lui propose alors d'acheter un nouveau-né qu'on vient juste de lui apporter. La mère est morte à
l'accouchement et le père serait lui aussi décédé lors d'un tremblement de terre. Le bébé lui couterait 10000 lires, le prix qu'un brocanteur venait justement de lui proposer quelques jours plus tôt pour lui acheter son orgue. Tommasso accepte. L'enfant s'appellera Felicello. Les années passent, l'enfant grandit dans le bonheur au rythme de la vie d'un petit quartier napolitain. C'est alors que le malheur frappe de nouveau Tommasso. Sa femme meurt. Il se retrouve seul avec son fils chéri avec qui il chante dans les rues pour subvenir à leurs besoins. Le sort s'acharne sur lui lorsque le père biologique de Felicello, Lorenzo Baristo, réapparait bien décidé à retrouver son fils et l'emmener avec lui. Il ne tarde pas à connaitre le
nom des parents adoptifs. Il se présente chez Tommasso et lui propose d'acheter son fils. Désespéré Tommasso refuse mais il n'a aucun droit sur l'enfant. Felicello doit repartir avec son vrai père...
A la lecture du scénario il est clair que le film possède tous les éléments du lacrima-movie propre à faire sangloter les plus sensibles, à moindre effet simplement rougir les yeux du spectateur pris par cette histoire dramatique. Malheureusement tout est ici invraisemblable. Si on fait fi des nombreuses ellipses de temps (dix années passent en quelques quinze minutes sans que rien ni personne ne prenne une ride) comment croire une seule seconde
à cette histoire abracadabrante aussi crédible qu'un épisode des Feux de l'amour ou de tout autre soap du même acabit, peu aidé en outre par des dialogues guère convaincants souvent mielleux et surtout si conventionnels.
Difficile vu les circonstances de croire que personne n'ait mis au courant Matilde de la mort de son bébé. Comment imaginer que le même jour un autre bébé du même sexe ait vu le jour et se retrouve orphelin encore plus que l'adoption clandestine se fasse en quelques minutes le soir même au nez et à la barbe de tous. Difficile de croire au comportement de Tommasso aussi invraisemblable que le retour du vrai père qui dix ans plus tard parvient à
retrouver en cinq minutes son fils. Les éléments sont bel et bien là mais rien ne les relie vraiment, ne soutient la structure d'une intrigue gluante. Ils sont seulement mis bout à bout, forment une base d'histoire mais qui privée de logique et de cohérence n'est jamais vraiment crédible. Cela ne serait pas très grave si la mise en scène et surtout l'interprétation étaient à la hauteur. C'est là qu'on voit que toucher la corde sensible du public, émouvoir, faire pleurer est un exercice bien plus périlleux qu'il n'y parait. Des larmes au rire il n'y a souvent qu'un pas.
On a connu Brescia bien plus inspiré et surtout bien plus tonique. Durant la quasi totalité du
métrage il se contente de poser sa caméra et de filmer sans imagination ses acteurs tous plus laids les uns que les autres qui surjouent et en font des tonnes jusqu'à la caricature, Mario Merola en tête qui n'a jamais été aussi mono-expressif. Merola n'a jamais été un grand comédien mais il a toujours su plus ou moins bien incarner le brave père de famille, l'honnête citoyen qui se bat contre vents et marrées pour défendre les siens. Cette fois il donne simplement l'impression de s'autocaricaturer et en devient bien involontairement risible. Là où on devrait verser une larme on ne peut s'empêcher d'exploser de rire tant il est hilarant par instant de voir le visage de Merola mimer la tristesse, l'abattement,
l'accaparement ou la souffrance que Brescia s'acharne à filmer inlassablement en gros plans, un reproche qu'on fera également au reste de la distribution qui sombre facilement dans la mièvrerie et la guimauve à trois francs et six sous.
On atteint une sorte d'apothéose lors de l'interminable final devenu aujourd'hui un moment d'anthologie du lacrima-movie, une conclusion dégoulinante de sucre où stupéfait on se demande s'il faut rire ou justement pleurer à chaudes larmes. Brescia réunit dans la cour tous les habitants de l'immeuble venus assister au départ du malheureux Fisecello tandis que Tommasso entonne des trémolos dans la voix la chanson-titre du film. Tous ont la lèvre
qui tremblote, la goutte au nez, l'oeil mouillé, un tableau bubble-gum peint au sucre candy et vernis au miel de rose mais rien ne fonctionne malgré une pluie de violons et de pianos. On a juste envie de rire devant cette réunion de théâtre où chacun pleure sans pourtant jamais ne coule une seule larme pas même Ivan Rassimov qui se tord la bouche, se mordille les lèvres, grimace tant qu'il peut pour refouler une larmichette tout en tentant de rester le méchant de l'histoire, une première pour l'acteur qui jamais durant sa carrière n'avait été transformé en fontaine de Trévise ou du faire face aux chutes du Niagara.
Ce qui fait le plus défaut au film en fait c'est bel et bien le manque total d'émotion, de
sentiment. Même s'il en fait des tonnes, en ajoute et en rajoute Brescia se montre incapable de créer la moindre atmosphère dramatique, de provoquer le moindre trouble, le moindre émoi chez le spectateur tant il caricature et verse dans le mélo de basse-cour jusqu'à devenir par instant indigeste.
Quant aux parties humoristiques elles détonnent avec le reste du film et ne lui apportent strictement rien hormis de mettre en avant le croustillant Carlo Giuffré et surtout d'offrir la vision toujours aussi agréable de cette Italie du Sud pittoresque, enjouée, pleine de vie et si bavarde. C'est peut être l'aspect le plus intéressant de I flgli so' pezzi e' core, la vie au
quotidien de ce vieux quartier napolitain où tout le monde se connait, crie, se parle de son balcon ou de sa fenêtre, une sorte de famille dont la vie est rythmée par le bonheur et les malheurs de chacun et dont le maitre mot est entraide et solidarité.
Un film avec Mario Merola sans au moins une de ses chansons ne serait plus un film avec Merola. Avis à ceux qui ne supportent pas ses envolées qui sentent bon l'Italie populaire. L'acteur s'en donne cette fois à coeur joie puisqu'il en interprète bien quatre ou cinq, avec la bonhomie et l'enthousiasme qu'on lui connait, au coeur des rues d'une Naples séduite par ses ritournelles. La mauvaise idée fut de faire chanter le petit Michele Esposito, l'interprète
de Felicello, un de pires moments du film tant il chante faux avec son accordéon. Un véritable supplice. Lorsqu'on sait que Michele après quelques rôles au cinéma s'est par la suite essentiellement consacré à la musique (il fut responsable bien des années plus tard d'une partie de la bande originale de Amadeus) espérons qu'il ait travaillé sa voix.
I figli so' pezzi e' core est en Italie considéré depuis très longtemps comme une oeuvre culte, un film qui jouit d'une immense popularité. C'est peut être même un des films de Merola le plus aimé des italiens. Voilà qui peut surprendre. Certes l'Italie a toujours été très attachée à ce comédien-chanteur populaire, certes le pays a toujours eu un très fort penchant
pour ses lacrima-movies aussi sirupeux soient ils, certes ce type de films fait partie intégrante du pays, de sa culture mais est ce une raison pour faire l'aveugle, passer outre l'indigence de la mise en scène, l'interprétation surjouée et l'overdose de scènes lacrymales clichés au possible? On laissera donc au lecteur le soin de juger cette tartine de miel selon son humeur du jour mais on ne saurait que trop le conseiller de le regarder entre amis un soir de détente ne serait ce que pour son comique bien involontaire.