La noche de los asesinos
Autres titres: Sospiri / Suspiri / Night of the assassin / Im Schatten des mörders
Real: Jesus Franco
Année: 1974
Origine: Espagne
Genre: Horreur
Durée: 82mn
Acteurs: Alberto Dalbés, William Berger, Lina Romay, Evelyne Scott, Maribel Hidalgo, Vincente Roca, Yelena Samarina, Antonio Mayans, Luis Barboo, Ricardo Vazquez, Dan Van Husen, Swan Heinze, Jesús Franco, Ángel Menéndez...
Résumé: Lord Marian est assassiné dans le jardin de son manoir une nuit d'orage par un sinistre meurtrier masqué. Comme il l'avait voulu ses deux testaments vont être ouverts. le premier avait été rédigé en cas de mort naturelle, le second s'il venait à être assassiné. C'est donc ce dernier qui est lu. A la surprise générale tous ses biens et sa fortune reviennent à sa fille illégitime. Lorsque son épouse est à son tour tuée l'inspecteur décide de faire lire le premier testament. Cette fois ses biens sont partagés entre les membres de sa famille qui viennent d'ailleurs d'arriver au château. L'inspecteur mène l'enquête persuadé que l'assassin est un de ses membres. Il va d'ailleurs faire d'autres victimes avant que son identité ne soit révélé et ses motivations mises à jour. De terribles secrets familiaux vont ainsi être déterrés...
Chroniquer un film de l'imbuvable Jesus Franco, un des réalisateurs les plus incapables que le cinéma de genre ait jamais connu, est toujours un réel calvaire. Si le pseudo cinéaste privé de tout don artistique est le plus souvent banni de nos pages pour son absence totale de talent et la laideur de son oeuvre portée à échelle intersidérale, restent cependant quelques pellicules qu'il est tentant de visionner d'autant plus si celles ci sont rares. C'est le cas de La noche de los asesinos, un petit thriller gothique inspiré du Chat et du canari de John Willard réalisé en 1974.
Par une nuit d'orage Lord Archibald Marian est enterré vivant dans le jardin de son manoir, quelque part en Louisiane, par un mystérieux meurtrier dissimulé derrière un horrible masque. Installé au château l'inspecteur Bore secondé par le major Brooks de Scotland Yard mène l'enquête alors que le testament de Sir Marian est ouvert. Sont réunis son épouse Cecilia, les deux domestiques, le difforme Rufus et l'inquiétante Deborah, et la fille illégitime du châtelain Rita née de son union coupable avec une servante noire. Le défunt avait rédigé deux testaments, un en cas de mort naturelle, un second en cas de meurtre. C'est ce dernier qui est donc lu. A la surprise générale Sir Marian lègue tout à Rita afin de se faire pardonner
de l'avoir rejetée et maltraitée toute sa vie. Cette nouvelle emplit de haine Cecila et les deux serviteurs pour qui Rita devient persona non grata. Ils refusent l'authenticité du testament En attendant la venue des autres membres de la famille, le baron Tobias et son épouse, Albert Pagan, le mouton noir de la famille cousin de Sir Marian, et sa médium de femme, et le fils illégitime d'Archibald Alfred, fruit de son union avec une artiste de cabaret, l'inspecteur poursuit ses investigations. Le tueur ne peut être qu'une des personnes présentes au château. Plus curieux sont les quatre versets d'une des pages du livre de l'Apocalypse que le châtelain lisait avant sa mort: La terre pour nous enterrer, le vent déchainé pour nous
emporter, l'eau pour nous noyer, le feu pour nous bruler. Il semblerait qu'il ait été tué selon les prédictions du premier verset. Il n'y a plus aucun doute lorsque Cecilia est à son tour tuée, attachée vivante sur un rocher afin que la mer l'asphyxie lentement. Toute la famille étant désormais présente l'inspecteur peut faire ouvrir le second testament de Sir Marian rédigea bien plus tard. Totalement différent du premier celui ci partage la fortune et les biens du défunt entre les différents membres de la famille, des dernières volontés qui une fois encore font bien des jaloux. C'est alors que Albert est troublé par le portrait du vieil homme accroché au salon. Il est en effet persuadé qu'il ne s'agit pas de son vieil oncle. Son visage ne
correspond pas au lointain souvenir qu'il en avait gardé. Non seulement le défunt Sir Marian serait un imposteur mais l'assassin est forcément un des membres de la famille qui court après le précieux héritage et dissimule de terribles secrets de famille. Il va d'ailleurs faire une troisième victime, Deborah, brulée vive. Les trois premiers versets de la page du livre ont ainsi été bel et bien exécutés de sang froid. L'inspecteur Bore finira par découvrir la réelle identité de tueur au masque, le véritable Lord Marian qui depuis le début agissait incognito sous leurs yeux afin de mener à bien une terrible vengeance contre ceux qui autrefois l'ont dépouillé et laissé pour mort.
La noche de los asesinos possède tout du giallo, un genre alors à la mode en Italie que l'Espagne commençait à sérieusement plagier pour le meilleur ou pour le pire. Franco dont ce fut un des rares si ce n'est l'unique essai dans ce style cinématographique spécifique le décline ici tout simplement à la sauce gothique. On y retrouve un énigmatique assassin tout de noir vêtu portant un horrible masque blanc qui rappelle la Mort, un groupe de personne réunies dans un lieu inquiétant tuées une à une par le meurtrier, chacune d'elle étant un coupable potentiel, un inspecteur qui mène l'enquête, des secrets de famille bien dissimulés et à la clé un important héritage. L'intrigue quant à elle se situe dans un sombre manoir isolé
quelque part en Louisiane qui se dresse non loin de la mer. Nuits d'orage, pluie battante, ombres qui se faufilent dans les couloirs, tableaux ancestraux, domestiques taciturnes... les principaux éléments du film d'épouvante gothique sont présents le tout sur fond de mysticisme. Pour mieux attirer son public Franco dit s'être inspiré du Chat noir de Poe mais cet aveu n'est en fait qu'une publicité mensongère puisque le film n'est en rien une adaptation du célèbre roman. S'il y a bel et bien un chat noir au château qui de temps à autre montre le bout de sa queue il ne joue strictement aucun rôle dans l'histoire plus proche du Chat et du canari de Willard. Mais là encore de cette pièce le film n'en a que la lointaine odeur.
Si l'ouverture peut faire illusion l'engouement retombe très vite. La noche de los asesinos est une belle baudruche qui fait effet le temps de quelques scènes, un joli soufflé qui sorti du four retombe quasi aussitôt, un beau navire qui prend l'eau de toutes parts. Bien difficile de croire à cette histoire tarabiscotée d'héritage familial tant les rebondissements sont peu crédibles, parfois grossiers si ce n'est fort drôles car absolument improbables. Faudrait il être bien sot pour croire à l'existence de deux Lord Marian sans que personne ne s'en soit jamais rendu compte d'autant plus que son portrait trône au beau milieu du salon. Comment imaginer que Rita soit le fruit de l'union interdite du très chaud châtelain avec une femme de
couleur puisque Rita est... blanche. Et l'arrivée des autres membres de la famille avec sa cohorte d'enfants illégitimes est tout aussi stupide. Quant au final si chaque énigme trouvera tout de même une explication pas forcément toujours très acceptable la révélation de l'identité du tueur et de ses motivations n'est guère palpitante. Non pas qu'elle soit improbable mais trop mal amenée tout s'effondre.
Hormis son intrigue tirée par les cheveux c 'est un des autres gros défauts du film, sa mise en scène. Mais de la part de Franco est ce étonnant? A t-il un jour su ce le sens du mot réalisation? Ennuyeuse, insignifiante, statique, elle achève de tuer un film bavard, par instant
confus, et si linéaire. Le plus consternant est que Franco ne parvient à aucun moment à instaurer une quelconque atmosphère. Malgré les éléments qu'il possède, malgré un scénario prometteur, des décors on ne peut plus sinistres et la partition angoissante de Carlo Savina le pseudo cinéaste ibérique est incapable de créer la moindre ambiance, d'insuffler le moindre souffle macabre démultipliant ainsi l'effet d'ennui comme il n'a pas été capable de tirer profit du potentiel de cette funeste histoire.
Ca et là il tente de temps en temps de greffer quelques plans qui se voudraient oniriques, fantastiques (les automates, la boite à musique, les apparitions régulières de la tête de
mort), mais là encore l'essai est grotesque car d'une part rien ne les justifie d'autre part dénués de toute aura, une habitude chez lui puisqu'il n'a jamais su mettre en image la moindre petite touche de poésie aussi macabre soit elle. Quant au tueur son masque fait illusion mais est il besoin de dire que ses apparitions manquent cruellement d'impact.
L'interprétation est honnête sans être transcendante. Chacun s'acquitte de sa tâche de manière plus ou moins professionnelle William Berger et la lugubre Yelena Samarina en tête. Il aurait été incroyable que la repoussante Lina Romay ne soit pas au générique. Elle se glisse ici dans la robe de la bâtarde Rita et n'a jamais autant ressemblé à un hybride entre
un poison lune et une morue. Cette insupportable incarnation de l'anti érotisme qui parviendrait à faire retomber l'érection du pire des obsédés sexuels trouve le temps de montrer très furtivement sa poitrine lors d'une scène de flagellation, histoire de satisfaire le désir de ses admirateurs car cela étrangement existe.
Si La noche de los asesinos n'est pas le pire film de son auteur, qu'il se tient dans une certaine moyenne du moins si on se met bien sûr au niveau des capacités de Jesus Franco qui évite ici tout érotisme, le film n'en est pas moins une déception qui génère vite un certain ennui. Bien plus sobre que la majorité de son oeuvre, exempt de tout délire visuel et autre
zoom, La noche de los asesinos est un tout petit thriller ibérique à l'ancienne qui de temps à autre fait illusion mais l'ensemble demeure navrant.
Signalons que la version italienne est quelque peu différente de la version originale espagnole au niveau principalement du montage et de la narration mais cela ne change rien à la non qualité de la pellicule.