Mas negro que la noche
Autres titres: Plus noir que la nuit / Blacker than the night
Real: Carlos Enrique Taboada
Année: 1975
Origine: Mexique
Genre: Horreur
Durée: 102mn
Acteurs: Claudia Islas, Alicia Palacio, Helena Rojo, Susana Dosamantes, Lucia Mendez, Pedro Armandariz Jr, Julian Pastor, Tamara Garina, Enrique Ponton...
Résumé: Au décès de sa vieille tante la jeune Ofelia hérite de sa maison à la seule et unique condition qu'elle s'occupe de Bequer, le chat noir que la vieille femme considérait comme un membre de sa famille. Ofelia s'installe dans la demeure avec trois amies. Elles sont accueillie par la gouvernante, une femme austère dévouée à la défunte qui accepte mal la venue de ses quatre délurées. Elle veillera à ce que les volontés de la tante soient respectées. Très vite d'étranges phénomènes se produisent dans la demeure...
Cinéaste phare du cinéma mexicain des années 60 Carlos Enrique Taboada réalise en 1975 un de ses derniers films, Mas negro que la noche, un film d'horreur dans lequel il tente comme il l'avait auparavant fait avec Hasta el viento tiene miedo une sorte d'analyse de la femme moderne, libérée, la femme des années 70 débarrassée de ses carcans qui soudainement va se retrouver immergée dans un contexte droit sorti d'une autre époque.
Susanna, une vieille femme qui vit seule dans son immense maison avec pour seuls compagnons sa très fidèle et dévouée gouvernante Sofia, et Bequer son chat noir adoré
qu'elle considère comme un membre de la famille, décède d'une crise cardiaque. C'est sa jeune nièce Ofelia qui hérite de la maison mais à une seule condition: qu'elle prenne grand soin de Bequer. La jeune fille accepte. Elle invite trois amies à venir habiter avec elle, Aurora, Pilar et Marta. Dés leur arrivée la maison leur semble étrange, un sentiment accru par la présence de la vielle servante, personne sinistre bien décidée à veiller sur le respect des dernières volontés de la tante et surtout sur le bien-être du chat noir. Réticente à leur venue Sofia doit s'habituer à la manière moderne de vivre de ces quatre filles venues de la ville. Très vite elles s'approprient les lieux, délaissent Bequer tandis que Ofelia joue les
maitresses de maison en tentant d'imiter sa tante. Très rapidement des voix, des murmures, d'énigmatiques bruits se font entendre la nuit, des ombres hantent les couloirs, terrifiant Aurora. Un soir Bequer est trouvé mort au grand dam de Sofia qui ne peut accepter que l'animal soit décédé. Dés lors d'horribles phénomènes vont se produire dans la maison laissant supposer que le fantôme de la vieille femme soit revenu se venger d'autant plus que certains objets déposés dans la tombe de la défunte sont retrouvés éparpillés dans la maison. La peur s'installe doucement parmi les quatre résidentes qui une à une vont être assassinées par quelque chose d'apparemment horrible. Seule Ofelia survivra à la
vengeance d'outre tombe de sa tante revenue d'entre les morts pour punir celles qui ont tué Bequer car elles soupçonnaient l'animal d'avoir égorgé le canari de Aurora.
Le chat et plus encore le chat noir a toujours été pour les superstitieux annonciateur de mort ou de malheur. L'animal fut au coeur de bien de récits macabres au cours des siècles. En faire le principal élément d'un legs était donc en soi une excellente idée mais les attentes du spectateur face à ce film au titre alléchant vont malheureusement assez vite s'évanouir. Si on est bel et bien dans le domaine des maisons hantées, de la vengeance par de la mort, si le chat dont le pelage est plus noir que la nuit est bel et bien au centre de l'intrigue, si tous les
ingrédients du film d'horreur classique sont présents Taboada les délaisse un peu trop au profit d'une étude sur la jeunesse féminine de ce milieu de décennie même si elle reste assez légère. Il confronte deux générations, celle des anciens représentée par la vieille tante, sa gouvernante austère et la maison elle même emplie d'objets du passé, et celle d'aujourd'hui que personnalisent les cinq amies. C'est le conflit entre la rigidité, le respect des générations, des valeurs d'hier, et de l'insouciance, la superficialité, l'irrespect, l'émancipation d'aujourd'hui, deux mondes, deux époques qui vont se croiser dans cette maison sous le regard du paisible chat dont la survie dépend justement de ces quatre
gourgandines désinhibées pour qui il représente un fardeau, une entrave à leur liberté. Le tuer c'est se libérer mais c'est surtout ébranler le courroux de sa défunte propriétaire, bien décidée à punir cette jeunesse indigne et irrespectueuse. Point de félin noir maudit cette fois donc.
Après une séquence pré générique plutôt alléchante (la mort de la tante et l'omniprésence du chat) suivie d'une ouverture de mauvaise augure qui frise la comédie l'arrivée à la maison aurait pu faire virer le film vers l'horreur pure. Taboada préfère visiblement mettre en parallèle ces deux univers à travers une multitude de symboles qui rappelle la femme, le temps jadis
et de longues scènes trop bavardes, souvent ennuyeuses qu'il agrémente de passages superflus comme par exemple les histoires d'amour de Pilar. Si elles peuvent se justifier par l'idée d'une jeunesse féminine émancipée en passe de vouloir se passer de présence masculine elles n'apportent rien au récit en lui même qu'elles alourdissent et rendent d'autant plus ennuyeux que la mise en scène, sans surprise, est d'une regrettable platitude.
C'est peut être le plus gros défaut de Mas negro que la noche, son absence totale d'atmosphère. Taboada se montre incapable d'instaurer le moindre suspens, de créer la moindre atmosphère d'angoisse ou de peur, un comble pour ce type de film.
C'est pour dire que les bruits et les voix qui résonnent dans la nuit, les ombres qui se projettent sur les murs n'ont que bien peu d'impact. Difficile de dire en ce sens qu'il pourrait s'agir d'un film d'atmosphère horrifique et non point d'un véritable film d'horreur! Les apparitions de la vieille tante ne sont guère effrayantes. Quant au final il se révèle sans surprise voire décevant tant il manque de saveur, cette once de folie. Tout ça pour ça a t-on simplement envie de dire. Et ce ne sont pas les meurtres qui rehausseront le niveau d'angoisse puisque tous sont filmés hors champ ou simplement suggérés.
Qui dit film traitant de la féminité dit érotisme. Si la pellicule s'enrobe d'un léger parfum
érotique à travers les tenues des protagonistes, plus exactement leurs petites tenues, leurs attitudes, leur sensualité, leur légèreté on reste là encore au stade de la suggestion. Reste les actrices elles mêmes notamment la grâce juvénile de Susanna Dosamantes et Lucia Mendez mais on ne sera guère hanté par l'ingrate Helena Rojo dont le look avoisine celui de notre tante Monique, cette chère tante Monique qu'on a tous au moins en un exemplaire au sein de notre famille. La blonde et bien en chair Claudia Islas a certes du charme mais à un coté pataud qu'on pourra trouver dérangeant. C'est avant tout l'inquiétante présence de la vétérane Alicia Palacios dans les robes austères de Sofia qu'on retiendra, gouvernante énigmatique, mystique qui semble dissimuler mille secrets.
Malgré ses intéressantes inspirations, du film gothique à l'italienne, à Psychose en passant également par le thriller transalpin et quelques classiques tels que La maison du diable, malgré les bonnes intentions du cinéaste Mas negro que la noche ne parvient pas à se hisser au dessus du niveau d'une banale petite bande d'horreur, un film de genre bien peu effrayant, conventionnel qui génère plus un certain ennui qu'une réelle euphorie. Remis dans son contexte d'alors c'est cependant un exemple de cinéma de genre mexicain non négligeable qui séduira quelques invétérés et devrait procurer de gentils frissons aux plus sensibles.
Taboada renouera avec les fantômes en 1984 avec Veneno para las hadas / Le poison des fées comme il l'avait déjà fait auparavant en 1968 et 1969 avec El libro de piedra / Le livre de pierre et Hasta el viento tienbe miedo.
Signalons qu'un remake très moderne toujours mexicain de Mas negro que la noche / Darker than night verra le jour en 2014 sous la houlette de Henry Bedwell.