Ceremonia sangrienta
Autres titres: Cérémonie sanglante / Le vergine cavalcano la morte / The legend of blood castle / Blood castle / The female butcher
Real: Jorge Grau
Année: 1973
Origine: Espagne / Italie
Genre: Horreur
Durée: 89mn
Acteurs: Lucia Bosè, Espartaco Santoni, Ewa Aulin, Silvano Tranquilli, Ana Farra, Lola Gaos, Enrique Vivó, María Vico, Ángel Menéndez, Adolfo Thous, Raquel Ortuño, Ghika, Franca Rey, Loretta Tovar...
Résumé: La marquise Erzebeth Bathory, cousine de la comtesse Bathory surnommée la comtesse sanglante, ne supporte plus que son mari Karl s'intéresse plus à ses faucons qu'à elle. Obsédée par sa beauté, terrorisée par le temps qui marque son visage elle découvre un jour que du sang de vierge lui redonne son aspect d'antan. Aidée par sa fidèle servante Erzebeth décide dans un premier temps de se procurer du sang d'animal. Inefficace elle doit alors trouver du sang humain. Profitant de la vague de terreur qui s'abat sur la région suite à des actes de vampirisme elle envoute son mari et le fait passer pour mort. Sous le contrôle absolu de son épouse Karl va alors assassiner les pucelles et lui rapporter leur cadavre afin qu'elle puisse prendre des bains de sang...
Nom incontournable du cinéma espagnol on doit à Jorge Grau parmi une filmographie assez éclectique un des petits fleurons du cinéma fantastique et d'horreur Non si deve profanare il sonno dei morti / Le massacre des morts vivants, un de ses films les plus connus, sa réponse à La nuit des morts vivants de Romero. Avec Ceremonia sangrienta, réalisé juste avant Le massacre des morts vivants Grau aborde cette fois l'horreur gothique en reprenant à sa manière la fameuse légende de la comtesse hongroise Elisabeth Bathory qui pour conserver l'éclat de sa jeunesse se baignait dans le sang de jeunes vierges.
Quelque part en Europe centrale au temps de l'inquisition le peuple tremble. Dans les campagnes des cas de vampirisme ont été découverts. Superstitions et rites les plus fous sont monnaie courante telle l'épreuve du cheval. Un jeune homme encore vierge, totalement nu monte un cheval. Si l'animal trouve une tombe le corps qu'elle contient est selon les croyances celui d'un vampire. Le cadavre est alors transpercé d'un pieu et enfermé dans un cercueil en verre avant d'être décapité puis brulé avant que ses cendres ne soit dispersé dans l'eau. La marquise Erzebeth Bathory, descendante de la comtesse Bathory, ne supporte plus que Karl, son mari, la délaisse au profit de ses faucons et de ses parties de chasse. Le
temps passe, sa jeunesse s'enfuit, sa peau perd de son éclat. Elle découvre un jour que le sang d'une vierge peut temporairement restaurer cette jeunesse qui l'obsède et lui redonner sa beauté d'antan. Si elle commence par du sang d'animal elle réalise vite que seul le sang humain possède cette vertu miraculeuse. Aidée par sa fidèle servante, une vieille femme qui maitrise la magie noire, elle met au point un plan diabolique: assassiner son mari pour ensuite lui redonner vie et ainsi non seulement le reconquérir mais aussi l'avoir sous son contrôle absolu. Transformé en vampire il tuera pour elle de jeunes vierges dont elle utilisera le sang pour prendre des bains de jouvence. Après plusieurs crimes Karl est aperçu par les
paysans apeurés par cette nouvelle vague de meurtres sanglants. Informée l'Inquisition exige la capture du marquis afin qu'il soit détruit, jugé puis brulé. Erzebeth le tuera après l'avoir découvert dans les bras d'une jeune paysanne. Désormais seule Erzebeth décide de se dénoncer auprès des Inquisiteurs. Elle est condamnée à être emmurée vivante avec sa servante dans son château jusqu'à ce que la mort les emporte.
Plus qu'une nouvelle adaptation de la vie de celle qui fut surnommée la comtesse sanglante le film de Grau est avant tout une sorte de pot-pourri où se mêlent divers thèmes plus ou moins exploités. Superstitions, magie noire, médaillon maudit, croyances populaires,
vampirisme, zombis, inquisition sont ici au menu avec pour toile de fond les folles exactions de la Bathory ou plutôt de sa descendante la marquise du même nom joliment prénommée Erzebeth. C'est peut être là où le bât blesse. Le mélange ne fonctionne pas vraiment et donne tout simplement une impression de décousu, un peu comme si Grau ne savait pas réellement quel sujet privilégier. Privé d'originalité le récit s'égare, s'éparpille avec d'un coté l'histoire de la marquise, de l'autre un foutras d'éléments fantastiques qui engendre une seconde histoire, les échappées amoureuses du marquis volage et quelques mignonnes paysannes, les deux parties n'étant pas très bien assemblées, d'où le sentiment de deux
films dans un seul. La narration en pâtit donc et bon nombre d'interrogations tenaillent l'esprit du spectateur dont une des principales est la nature même de Karl. Véritable vampire ou simple séducteur hypnotique bien difficile d'entrevoir sa personnalité d'autant plus qu'il finira zombifié par sa cruelle épouse par quelque sort jeté par la servante, un zombi vampire faut-il préciser puisque cela est suffisamment rare pour ne pas le mentionner. Grau semble tout simplement ne pas savoir pour quels terrains opter, quelle histoire choisir et n'a de cesse de faire des va-et vient pour s'arrêter définitivement lors de l'ultime bobine sur la Bathory.
Ceremonia sangrienta n'est cependant pas un film raté loin de là. Si on fait fi de cette
constante indécision et des trous scénaristiques le film de Grau est une jolie oeuvre d'épouvante gothique qui tire son inspiration des classiques du genre italiens notamment Bava. En ce sens c'est une réussite qui a tout pour séduire l'amateur. Outre le fait d'avoir réuni les principaux éléments indispensables à ce type de cinéma, Grau parvient à créer une agréable atmosphère même si on l'aurait aimé un peu plus morbide mais également à recréer un environnement d'époque tout à fait crédible. Sans être particulièrement sanglant Ceremonia sangrienta possède quelques très belles séquences horrifiques notamment dans sa seconde moitié (les victimes exsangues, les bains de sang de la marquise ont une
aura tout à fait fascinante) agrémentées de quelques pointes gore (la tête du marquis tranchée puis jetée dans les flammes) et d'un soupçon de cruauté en totale adéquation avec son époque. Il fallait en effet oser jeter une petite fille entre les mains de la marquise qui n'hésitera pas à tester l'effet de son sang sur sa peau. Peut on trouver plus innocent qu'une fillette? Grau ou la nouvelle définition de la pucelle.
Toujours au crédit du film son interprétation, avec en tête Lucia Bosé dans le rôle de la Bathory, austère, haineuse, obsédée par son apparence qu'on aurait peut être aimée un peu plus maléfique. La marquise n'est jamais que l'incarnation de la cruauté humaine, une
enfant qui malgré le temps qui passe n'a jamais réussi à devenir adulte. Pathétique, malheureuse, elle est confrontée à une autre forme de cruauté, celle d'une Eglise toute puissante et hypocrite dissimulée derrière sa pseudo dévotion. Il aurait été intéressant de mettre plus en avant ces deux formes de sadisme et de mieux développer la personnalité de la marquise dont la fin restera un des grands moments du film. Point de happy end cette fois, Grau choisit un final froid, macabre, cruel qui ramène aux grands films d'épouvante gothique et au cauchemar que fut la vie de cette femme. Aux cotés de Lucia Bosé on saluera la prestation de l'espagnol Espartaco Santoni (Lisa et le Diable, Les amants du diable) et de
Ana Farra dans la peau de la servante démoniaque. On appréciera la présence de Ewa Aulin dont ce sera l'ultime apparition au cinéma avant qu'elle n'abandonne définitivement sa carrière au profit sa vie privée.
Accompagné d'une belle partition musicale signée Carlo Savina, Ceremonia sangrienta, entièrement tourné au château de Castilnovo en Espagne, n'est certes pas la meilleure version de la Bathory mais il demeure malgré ses faiblesses et ses hésitations de choix un bon petit film d'horreur gothique, divertissant, par moment fascinant, par moment prenant. C'est en tout cas un bel exemple de cinéma d'épouvante gothique ibérique qui tentait de rivaliser avec celui de ses confrères italiens.