Le piacevoli notti
Autres titres: Les nuits facétieuses
Real: Armando Crispino / Luciano Lucignani
Année: 1966
Origine: Italie
Genre: Décamerotique
Durée: 113mn
Acteurs: Ugo Tognazzi, Gina Lollobrigida, Vittorio Gassman, Magda Konopka, Adolfo Celi, Daniele Vargas, Gigi Ballista, Hélène Chanel, Quinto Parmeggiani, Gigi Proietti, Sandro Dori, Ernesto Colli, Spela Rozin, Evi Rigano, Paolo Bonacelli, Carmen Scarpitta, Ida Galli, Maria Grazia Buccella, Filipo Celzo, Glauco Onorato...
Résumé: Une jeune femme est retenue prisonnière dans sa chambre par son mari jaloux. Il ignore que grâce à un passage secret son amant peut la rejoindre. Il ignore aussi qu'un autre homme la convoite et s'apprête à lui tendre un piège. Le fourbe sera lui même pris au piège par un faux pape qui profite de la tricherie pour pousser une épouse à poursuivre les rêves érotiques qu'elle fait régulièrement et dont certains soldats profitent. C'est ensuite un peintre qui sera l'objet d'une farce salace qui se retournera non seulement contre lui mais aussi ceux qui en sont les auteurs...
Quelques années avant la réalisation du Décameron de Pasolini tiré des écrits coquins de Boccace qui très vite allait donner naissance à une sous branche de la comédie érotique à l'italienne, la décamérotique, quatre films essentiels peuvent être considérés comme les précurseurs de ce filon éphémère qui entre 1972 et 1973 fit les beaux jours du cinéma coquin transalpin. Il s'agit de L'arcidiavolo / Belfagor le magnifique de Ettore Scola, L'armée Brancaleone de Mario Monicelli, Una vergine e il principio / Une vierge pour le prince de Pasquale Festa-Campanile et ces Piacevoli notti mis en scène à deux mains par Luciano Lucignani et Armando Crispino.
Inspiré non pas de Boccace mais des 75 nouvelles écrites par Giovanni Francesco Straparola au quatorzième siècle qui forment Les nuits facétieuses le film de Crispino-Lucignani se présente sous le schéma traditionnel des futures décamérotiques, à savoir une suite de sketches, au nombre de trois ici, judicieusement reliés entre eux par un fil conducteur.
Le premier segment narre les aventures de la jeune et jolie Fiametta retenue prisonnière dans la chambre à coucher par son vieux noble de mari, un homme d'une extrême jalousie. La belle Fiametta a cependant un amant qui vient lui rendre visite la nuit grâce à un passage
secret. Il ignore encore qu'elle est l'objet des convoitises d'un coquin Ugoccione Di Tornaquinci qui va réussir à éloigner son mari de sa résidence afin de s'introduire dans sa chambre et la courtiser. Il n'avait cependant pas prévu d'y rencontrer son amant. Les deux hommes se battent, l'amant tue Ugoccione ou du moins pense l'avoir tué mais ce n'est qu'un autre leurre. La tricherie découverte c'est Ugoccione qui tue cette fois pour de vrai l'amant au moment même où le mari de Fiametta est de retour. Grâce à un habile stratagème Ugoccione parvient à s'échapper. Sur le chemin il croise sa Sainteté Giulio III à qui il se confesse. Le Pape le condamne alors à faite pénitence.
La seconde histoire commence là où se termine la première. Alors que le pape poursuit son voyage il rencontre la pulpeuse Domicilla, épouse de l'astrologue Bernardozzo. Epouse frustrée à force d'être délaissée par un mari qui travaille toutes les nuits, Domicilia est hantée par les fantômes d'hommes virils qui viennent la visiter. L'un d'entre eux va prendre la forme d'un beau soldat appartenant à une garnison installée non loin de la ville. Domicilla ne parvient plus à différencier le rêve de la réalité et continue à faire des rêves érotiques interdits. Trois soldats vont profiter de son désemparement pour abuser d'elle. Elle finit par se confesser au pape qui l'encourage au rêve. Elle ignore tout comme l'ignorait Ugoccione
qu'il s'agit en fait d'un imposteur. Sous les habits pontificaux se cache en fait le peintre Bastiano Da Sangallo qui profite ainsi des situations qui s'offrent à lui.
Le dernier sketch se concentre justement autour de Bastiano qui en se faisant toujours passer pour Giulio III va être à son tour l'objet d'une mise en scène orchestrée par ses compagnons qui va se retourner contre lui. Ils vont en effet lui faire croire qu'il a rencontré la célèbre et dépravée Lucrèce Borgia qu'il va feindre de séduire car entre temps une servante lui aura révélé le pot aux roses. Il se fera surprendre par un tout aussi faux duc Alfonso d'Este Di Ferrara dans une bien vilaine posture qui le conduira droit au cachot. Condamné à être
décapité sa seule et unique défense sera de crier haut et fort qu'il pensait que tout cela n'était qu'une plaisanterie. Le malheureux semble avoir été abusé par la vile servante. Au moment où la hache du bourreau s'apprête à s'abattre Bastiano perd conscience. Les masques tombent de nouveau. Tout n'était bel et bien qu'une mise en scène de bien mauvais gout. Alors que tous pensent que Bastiano s'est évanoui un de ses amis constate qu'il est purement et simplement mort... de peur! Toute la troupe assiste à son enterrement mais le peintre est il réellement décédé ou n'est ce pas une fois encore qu'un leurre?
Petit artisan méconnu du cinéma de genre à qui on doit entre autres deux sympathiques
gialli, le morbide Frissons d'horreur et L'etrusco uccide ancora una volta, et un western christique, Johnny le bâtard, Armando Crispino montre une fois encore ses qualités de metteur en scène à travers cette décamérotique enjouée, disons plutôt comédie érotique en costumes puisque le terme n'existait pas encore. Crispino signe une farce délicieusement succulente qui repose toute entière sur le mensonge et les faux semblants. Il propose une sorte de jeu où chacun porte un ou plusieurs masques et déguisements pour mieux tromper son monde et ainsi profiter de la duplicité des victimes pour parvenir à ses fins toujours coquines. Si le spectateur se laisse souvent surprendre, par la même se laisse prendre au
jeu, il devient également complice des roublards de la première à la dernière minute puisque Les nuits facétieuses n'a de cesse de multiplier fourberies et tromperies dans une bonne humeur communicative.
C'est évidemment la base de toute décamérotique mais Crispino le fait avec un tel enthousiasme et surtout de manière si réaliste que très vite Les nuits facétieuses se transforme en un réel plaisir, une gourmandise salace qui en outre évite toute forme de vulgarité. Certes l'originalité n'est pas au rendez-vous, les histoires notamment la seconde, la plus faible et surtout la moins bien réalisée, ne sont pas très recherchées mais elles sont
jouées avec une telle ferveur qu'elles en deviennent diablement efficaces.
L'interprétation est en ce sens un des principaux atouts du film. Les prestations de Ugo Tognazzi (truculent Ugoccione) et Vittorio Gassman (flamboyant Bastiano) sont tout bonnement savoureuses, tout deux entourés d'une distribution quatre étoiles: Adolfo Celi, Gigi Ballista (malheureusement doublé dans la version originale), Paolo Bonacelli, Daniele Vargas, Gigi Proietti, Filipo Celzo pour ne citer que quelques noms. Le charme féminin est également au rendez-vous, décamérotique oblige, même si cette fois l'érotisme est d'une pudeur exemplaire. Pas l'ombre d'un sein dénudé encore moins d'un fessier le film est
exempt de toute nudité mais c'est néanmoins un plaisir de retrouver entre autres une toute jeune Ida Galli, Magda Konopka, Maria Grazia Buccella, Carmen Scapitta et une Gina Lollobrigida sur la quarantaine, toujours aussi pulpeuse mais qui bien étrangement ne semble pas réellement à sa place. Un peu trop théâtrale Gina malgré son talent ne parvient pas vraiment à rendre personnage crédible encore moins feindre l'égarement, perdue entre rêve et réalité. En résulte un second segment qui très vite s'effondre et ne fonctionne pas du tout.
Entièrement tourné dans les magnifiques paysages toscans de San Gimignano, Pienza,
Montepulciano et de Florence (Piazzetta di Vicariato et l'église de Pieve di San'Appiano), accompagné de de truculents dialogues, d'une joyeuse partition musicale et d'un entrainant refrain paysan Le piacevoli notti est une proto décamérotique enjouée, enthousiaste, toujours drôle et grivoise sans pour autant tomber dans la grossièreté ou la facilité égrillarde. Le film de Crispino est un véritable petit enchantement gentiment coquin à consommer sans modération.