Let me die a woman
Autres titres:
Real: Doris Wishman
Année: 1973
Origine: USA
Genre: Mondo
Durée: 80mn
Acteurs: Leo Wollman, Leslie, Deborah Harten, Lisa Carmelle, Frank Pizzo, Tim Long, Carol Sands, Doug Martin, Harry Reems, Arlana Blue...
Résumé: Spécialiste de la transexualité et du changement de sexe, le Dr Wollman nous présente à travers plusieurs cas dont celui de Leslie la vie au quotidien de ces hommes et de ces femmes qui ont un jour décidé de changer de sexe. On suit leur parcours jusqu'à l'opération décisive, les changements morphologiques, anatomiques mais aussi leurs joies, leurs déceptions, leurs contraintes et parfois leur enfer...
Réalisé en 1973 mais tardivement sorti sur les écrans en 1978, banni dans de nombreux pays, Let me die a woman risque pourtant de décevoir ceux qui attendraient du film de Doris Wishman une oeuvre aussi sulfureuse qu'insupportable. Wishman, une des plus célèbres réalisatrices américaines de sexploitation et de documentaires choc dont la sexualité et la nudité étaient les principaux sujets, livre ici une oeuvre qui s'apparente avant tout au mondo en prenant pour thème de base la transexualité.
Si Wishman s'évertue à vouloir donner à l'ensemble un air sérieux, presque didactique, en transformant son film en un long cours pseudo scientifique présenté par un éminent spécialiste de la chose, le Dr Leo Wollman, auteur d'un ouvrage sur la question, Let me die a woman demeure cependant particulièrement drôle et surtout monté de toutes pièces. En fait, plus qu'une présentation de la transexualité et de la vie essentiellement intime des transexuels, Let me die a woman est un pur film de sexploitation qui vise comme le veut le genre un public fort ciblé et essentiellement voyeur en y insérant des scènes qui frisent gentiment le hardcore.
Leslie, un homme devenu femme après avoir franchi l'ultime étape, est le fil conducteur du film. Heureuse, bien dans sa nouvelle peau et surtout son nouveau corps, Leslie renvoie une image radieuse de la transexualité lors de brèves et joyeuses interviews ce qui n'est pas forcément le cas des autres opéré(e)s que le Docteur Wollman nous introduit tout au long du film. Très vite, le spectacle se transforme en une sorte de cours d'anatomie où différents transexuels sont déshabillé(e)s devant la caméra puis offerts tels des cobayes à la règle du professeur qui nous détaille leur corps dans leur plus stricte intimité. S'ensuit toute une série de scènes de reconstitution qui retracent de façon fictive certaines étapes croustillantes de leur vie sexuelle qui là encore avoisinent souvent la pornographie sans pour autant être pornographiques. A la question Comment un transexuel fait il l'amour, le spectateur désormais averti pourra sans mal y répondre!
Les saynètes les plus amusantes s'enchainent donc durant 80 minutes dont une qu'on retiendra plus particulièrement, celle où fière d'être désormais une femme, un opéré est impatient de tester son vagin tout neuf avec le premier chauffeur de taxi venu. Après avoir fait l'amour, elle est prise de saignement. Affolée, elle téléphone aux urgences. Trop fragile, son vagin a cédé provoquant une hémorragie interne. Si le chauffeur de taxi, rustre mais satisfait, pense qu'elle était vierge et la laisse à ses déconvenues, le narrateur, solennel, plaisante quant à lui sur cette "seconde perte" de virginité. L'amateur aura reconnu dans les rôles respectifs du chauffeur et de "l'opérée", le fameux Harry Reems et Arlana Blue.
Encore plus drôles mais surtout bien plus glauques sont toutes les contraintes que subissent les transexuels au quotidien. Let me die a woman alignent alors toutes les complaisances imaginables tout en insistant sur les aspects sordides comme la prostitution dont certains sont contraints d'avoir recours afin de pouvoir payer leur opération. Ainsi on ne compte plus les scènes souvent rebutantes de savonnages intimes sous la douche, d'introduction de godemichés, d'examens gynécologiques durant lesquels la caméra pénètre l'intérieur des vagins. Wollman nous conte les désagréments de la transexualité comme l'obligation d'utiliser des gels, des crèmes hydratantes et lubrifiantes au quotidien, appliquées bien entendu sous l'oeil mesquin de l'objectif. Inutile de signaler que Wishman insiste sur les gros plans d'organes génitaux aussi bien féminins que masculins tout en affirmant que les transexuels ne peuvent avoir de plaisir si ce n'est un plaisir psychologique. On songe alors à Ajita Wilson qui ne cachait pas qu'elle n'avait jamais éprouvé aucun plaisir que ce soit avec un homme ou une femme et devait avoir recours à tout un arsenal de produits hydratants pour pouvoir éprouver un semblant de jouissance.
Le clou du film reste bien entendu comme pour toutes les oeuvres du même acabit l'opération de changement de sexe, une des toutes premières ici à avoir été filmée mais également une des plus réalistes. Wishman ne nous épargne aucun détail chirurgical, de la coupe du pénis à la création du vagin. Celle ci devrait particulièrement ravir les plus endurcis de nos lecteurs mais mettre mal à l'aise et peut être donner la nausée aux plus sensibles. Quoiqu'il en soit, elle reste une véritable réussite pour l'amateur de plans choc et repoussants.
Dans le même registre, on n'omettra pas de citer la séquence où un transexuel n'ayant pas pu réussir à réunir les fonds nécessaires à son opération se castre lui même à coups de marteau. Si cette scène absolument fake qui sent bon le latex rappelle beaucoup ces vieux films gore des années 60, elle demeure un moment d'anthologie qui selon les éditions fut coupé du métrage.
Restent les commentaires scientifiques de Wollman qui souvent laissent perplexes par leur stupidité mais peuvent dans un sens refléter toute une époque malheureusement pas si lointaine. Wollman affirme donc, croquis à l'appui, que l'homosexualité est due à un mauvais positionnement du bébé dans le ventre de la mère. Tout aussi sûr de lui, il affirme que tout travesti est un futur transexuel contrairement à un homosexuel ou une lesbienne qui se contentent de désirer un corps du même sexe en acceptant le leur!
Loin d'être un document sérieux sur la transexualité, Let me die a woman n'est qu'un pseudo reportage souvent hilarant qui se révèle vite un véritable film d'exploitation pure, complaisant, voyeur, souvent gratuit et provoquant. Il est l'essence même de ce type de cinéma fait pour un public avide de sensations fortes et de perversions qui à travers lui satisfait ses instincts les plus vils et sa soif inextinguible de voyeurisme. Let me die a woman répond à tous ces critères. Voilà la raison pour laquelle nous ne saurions trop le conseiller à notre lectorat.
Même si le travail de Wishman vu sous un certain angle est une manière de briser certains tabous de la société d'alors, en ce sens, Let me die a woman est son oeuvre la plus aboutie et la plus représentative, le film n'en demeure pas moins ce qui au fond il est et restera: un pur mondo.