Il voulut être une femme
Autres titres: Et il voulut être une femme / Elisa confidences d'un transsexuel / El quiso sel mujer / Zo werd hij vrouw
Real: Michel Ricaud
Année: 1978
Origine: France
Genre: Mondo
Durée: 67mn
Acteurs: Elysa Duarte, Benoit Archenoul, Thierry De Brem, Marie-Christine Guenec, Daniel Dollet, Jean-Jacques Bernard, Catherine Villepoux, Virma, Brigitte, Lucienne, Gérard, Corine, Caline, Eva, Josée...
Résumé: Le réalisateur nous entraine dans le Paris de cette fin d'années 70 à la découverte du monde des travestis mais aussi du parcours d'un jeune brésilien, Elysa, qui souhaite changer de sexe. Il finit par franchir l'ultime cap: se faire opérer. La caméras l'ont suivi dans son cheminement.
Né à la fin des années 50 le mondo allait dés le début de la décennie suivante connaitre une fulgurante ascension grâce à Gualtiero Jacopetti et son désormais célèbre Mondo cane. Ces faux reportages faits d'images d'archive récupérées à travers le monde et de scènes montées de toutes pièces par les metteurs en scène avaient pour but d'exalter le coté voyeur d'un public avide d'images choc et de scènes de sexe bien croustillantes le tout amené de manière informative afin de mieux faire passer la pilule. Présenté de façon racoleuse ces pseudo documentaires putassiers se déclinaient sous plusieurs formes. Les plus connues
sont le mondo ethnologique ayant pour but de nous faire découvrir les rites et coutumes de peuplades dites primitives autrement dit le peuple noir ou asiatique, le sauvage dans toute sa splendeur, et le sex mondo dont l'objectif était de dévoiler toutes les facettes de la sexualité, ses déviances, ses anormalités sous forme de cours d'éducation sexuelle imagés, une manière détournée de passer outre la censure et de ne pas être classé X. Le travestissement et la transsexualité furent souvent traités, peu de sex mondo ayant échappé aux fameuses images d'opération de changement de sexe montrées dans leurs détails cliniques les plus précis. A la fin des années 70 le mondo intéressa les metteurs en scène
français. Déboulèrent sur les écrans des titres tels que St Tropez interdit, Paris interdit, Les interdits du monde... réalisés pour certains par des metteurs en scène habitués aux polissonneries et même au X (Bénazéraf). C'est Michel Ricaud déjà auteur d'un mondo sur le viol intitulé simplement Viol durant lequel de faux psychiatres et médecins dissertent sur de véritables cas d'agressions sexuelles filmés par des caméras de surveillance qui cette fois s'y colle avec Il voulut être une femme, un des titres coup de poing des premiers catalogues vidéo du début des années 80. Présenté comme un film choc, du jamais vu à l'écran interdit aux personnes les plus sensibles comme le précisait l'affiche, le film montrait
pour la première fois au monde l'opération définitive de son/sa principal(e) protagoniste, une scène qui jadis lui fit sa réputation.
Le titre du film parle de lui même. Il voulut être une femme traite du travestissement. On y suit le parcours d'un jeune brésilien de 28 ans qui a quitté son pays natal pour Paris avec pour seul bagage une valise et 600 francs en poche. Dés son arrivée il est logé dans un hôtel et, travesti en femme, il commence à se prostituer pour survivre. Assez rapidement il trouve un travail dans un cabaret qui derrière sa façade glamour cache un réseau de prostitution. Elysa, tel est le nom qu'il s'est choisi, commence à gagner beaucoup d'argent
qu'il met de coté, un petit pactole qui grossit encore plus lorsqu'il tourne des films X car Elysa ne s'en cache pas, il aime le sexe et n'a aucune réelle pudeur. Il se définit même comme une salope. Elysa devient une sommité dans le monde des travestis parisiens. Il décide de franchir le cap et de se faire opérer au Maroc. Elysa est désormais une véritable femme qui continue ses activités d'artiste de cabaret, d'actrice X et de prostitution haut de gamme jusqu'au jour du drame qui lui coutera la vie, abattue de sang froid par un(e) rivale brésilien(ne) le 30 septembre 1980 rue Deperré.
L'ensemble se présente sous forme d'une série d'interviews d'Elysa, joviale, très en forme,
bien dans sa nouvelle peau, qui nous ouvre l'album souvenir de sa vie. Ce sont peut-être les meilleurs moments de ce mondo à la française puisqu'on y ressent une certaine honnêteté, une certaine franchise, une fraicheur inattendue souvent agréable malgré un égo surdimensionné qui la rend par moment aussi odieuse qu'égocentrique mais que c'est amusant! Que Elysa ait réellement existé ou ait été fabriqué de toutes pièces pour les besoins du film le personnage est réussi, plutôt crédible même si on peut douter de certains propos mais être absolument sûr que certaines séquences sont factices notamment celles qui montrent Elysa sur le tournage de films porno, jamais crédibles, encore moins lorsqu'on
reconnait l'acteur réalisateur Benoit Archenoul entre les mains expertes d'Elysa. Encore plus drôle une des scènes finales lorsqu'un acteur porno, Bruno, qui vient sans le savoir de faire l'amour à un travesti opéré (Elysa) refuse catégoriquement de tourner une scène avec un travesti qui ne l'est pas. Pris au piège il ne peut que bredouiller son embarras et murmurer quelques excuses gênées qui auraient pu lui voir décerner un César du meilleur jeu d'acteur. Quant aux séquences répétitives de cabaret et de strip-tease archi ringardes on est en droit de douter de leur véracité tant elles paraissent misérables, reconstituées dans un micro studio sans public.
Si les parties concernant Elysa fonctionnent et font illusion le film de Ricaud devient plus embarrassant lorsqu'il traite du travestissement tant on aligne les clichés et surtout mélange travestissement et transsexualité, un mot qui en cette fin d'années 70 n'était pas encore d'usage courant. Travesti, transsexuel, homosexuel on mettait tout dans le même panier et ne faisait aucune différence d'où un discours souvent choquant voire dérangeant mais c'est là le reflet de toute une époque. Cela a t-il vraiment changé aujourd'hui? Telle est la vraie question. Aux entretiens avec Elysa se succèdent ceux de quelques travestis parisiens, une coiffeuse bourgeoise plutôt drôle et attachante qui nous raconte sa vie loin de la flamboyance
des soirées mondaines et du milieu gay parisien branché mais n'a rien perdu de sa classe ni dans le geste ni dans le verbe, un jeune travesti qui se considère plutôt comme transformiste lorsqu'il se prostitue à Pigalle, un homme efféminé qui aime se maquiller mais qui s'est toujours senti homme et ne souhaite en aucun cas devenir femme et un travesti brésilien enturbanné bien plus dur dans ses propos puisque selon lui un travesti est forcément un homosexuel soit mal dans sa peau soit qui a des troubles sexuels voire les deux et qui finira forcément mal. Voilà le gros "hic" du film. Non seulement on fait un amalgame assez discutable de beaucoup de choses mais on présente le travesti par
extension l'homosexuel en général comme un être misérable, psychologiquement fragile, sexuellement dérangé dont le seul objectif dans la vie est de se prostituer pour survivre ou tout simplement vivre car là encore on n'y va pas par quatre chemins: tous les travestis sont des prostitués porteurs de toutes les déviances sexuelles. C'est ainsi qu'on présente également leurs clients. De pauvres hétéros qui avec eux peuvent vivre leurs fantasmes les plus pervers et vicieux. Encore plus aberrant est d'entendre le narrateur dire que la plupart des travestis sont voués au suicide, un constat que confirme un des travestis interviewés. Le film se conclut d'ailleurs sur un sondage sidérant de stupidité: "En occident sur 100 hommes
15 sont homos, sur 100 homos 22 sont des travestis, sur 100 travestis 72 se font développer les seins, sur 100 hormonés 15 se font opérer, sur 100 castrés 18 se suicident, 24 deviennent obèses et impuissants mais certains réussissent et trouvent le bonheur". Ciel! Nous voilà rassurés. On peut être gay, opéré ou non, travesti ou pas mais être heureux... avec un peu de chance!
Quant à l'image que Ricaud donne du français elle est assez pathétique mais elle est habituelle dans ce type de productions . Si la bourgeoisie est forcément choquée mais accepte le travesti c'est uniquement parce que lors d'une soirée cela fait jaser et donne une
certaine importance à celui qui en connait. On n'est plus très loin de la bête de foire, le joli caniche qu'on exhibe. Le français moyen autrement dit le prolétaire de base, l'ouvrier, est de son coté bien trop idiot pour comprendre ce genre de chose. Il n'en pense donc rien. Les interviews vraies ou fausses en témoignent et font même peur. On a d'un coté une pute vulgaire, désabusée, dont la taille du cerveau doit être inversement proportionnel à celle de ses seins, un pompiste qui ne comprend rien à ces choses mais voit surtout son tiroir caisse se remplir s'il en emploie et un pauvre vieux client hétérosexuel qui ne trouve pas mieux de dire qu'un travesti est au dessus d'une pute, bien plus doué au lit qu'une femme et
surtout suce bien mieux sous entendant clairement qu'une femme est incapable de sucer et de donner un vrai plaisir à l'homme. Entre bête curieuse, incarnation du vice et de la perversion, êtres fragiles sexuellement dérangés à tendance suicidaire abonnés à la prostitution car il est lui est trop difficile de trouver un vrai boulot l'homosexuel, pardon, le travesti, pardon le transsexuel est vraiment mal loti. Heureusement il est doué au pieu! On ne peut pas tout avoir.
Il voulut être une femme est ne l'oublions pas un spectacle outrageux comme tout mondo. On ne compte donc plus les séquences où Elysa se déshabille, où les travestis tombent la
culotte, toutes accompagnées d'une musique sirupeuse digne d'un joli roman-photo, une excellente occasion pour la caméra de filmer leur pénis en gros plan. Opéré ou non ça fait toujours son effet et ça nourrit notre soif de voyeurisme malsain. Quant à l'opération sur laquelle le film a bâti sa réputation c'est une des plus cliniquement détaillées. Âmes sensibles s'abstenir. De la castration à la fabrication du vagin d'Elysa voilà une leçon de chirurgie très précise, très visuelle et sommairement commentée par un docteur marocain à l'accent à couper au couteau. De quoi se rincer l'oeil. De là à promettre des images insoutenables comme le générique l'indique il y a cependant un gouffre.
Ricaud comme ses confrères a tenté ici de faire la peinture de la vie parisienne en cette fin d'années 70 tant du coté bourgeois que populaire. Sorti en salles dans les circuits pornographiques en 1978 le film se voulait le reflet d'un certain mode de pensée d'alors mais ne subsiste qu'un discours douteux qui fait surtout assez mal (surtout qu'il n'a pas vraiment évolué au coeur de la France profonde) et de belles images de Pigalle et des rues chaudes de la capitale qu'il fait toujours aussi bon revoir. Entre propos nauséabonds et la fraicheur de certaines révélations il y a dans Il voulut être femme à boire et à manger mais une chose est sûre: ce spectacle racoleur fera la joie et le bonheur de tous les amateurs de voyeurisme, de putasserie, de pornographie déguisée et de sensationnel puant. De quoi flatter nos plus bas instincts tout en rigolant. On ne peut rêver mieux.