Sugar
Autres titres:
Real: John Palmer
Année: 2004
Origine: Canada
Genre: Drame
Durée: 78mn
Acteurs: Andre Noble, Brendan Fehr, Marnie McPhail, Dorothy Gordon, Jeffrey Parazzo, Alastair Moir, Haylee Wanstall, Michael Barry, Misakiu, Balazs Koos, Sarah Polley, Nina Arsenault, David MacLean...
Résumé: Cliff vient de fêter ses 18 ans. Incertain sur sa sexualité, il suit les conseils de sa petite soeur qui lui suggère d'avoir enfin en ce jour spécial une relation sexuelle. Il part donc errer dans les quartiers de Toronto où se retrouvent la nuit les jeunes prostitués et travestis. Si l'expérience échoue, il fait tout de même la connaissance de Butch, un jeune paumé dont il tombe vite amoureux. Si Butch vit de la prostitution il est également un grand consommateur de drogues. Herbe, cocaïne, crack font partie de son quotidien. Il va entraîner Cliff dans cet univers jusqu'au jour où à la demande d'un client, il l'emmène avec lui afin de le sodomiser sous les yeux de l'homme. Dégoûté, Cliff quitte Butch qui ne parviendra pas à se pardonner cette erreur et vivre cette séparation. Le destin des deux garçons va être à jamais bouleversé...
Metteur en scène, scénariste et homme de théâtre enseignant actuellement cette discipline à Toronto, John Palmer réalise en 2004 un de ses rares films, Sugar, tiré d'une série de courtes histoires signées Bruce Labruce.
Si Sugar porte incontestablement la patte du célèbre réalisateur pour son coté aussi trashy qu'ouvertement sexuel il sort également des chemins battus que les coming of age movies empruntent trop souvent. D'une part grâce à ses personnages qu'il rend particulièrement humains, d'autre part grâce au portrait assez rude qu'il dresse de ces adolescents et cette absence de tout sentimentalisme.
A travers la romance chaotique de Cliff, adolescent incertain qui vient de fêter son dix-huitième anniversaire, et Butch, un jeune prostitué, Palmer nous entraîne dans l'univers de la rue, celui de la drogue et de la prostitution juvénile qu'il dépeint de façon assez crue en accumulant les plans choc comme s'il cherchait à impressionner le spectateur.
C'est la vision d'un monde à la fois sordide, cruel et pathétique qu'il nous inflige ici par le biais de scènes souvent morbides et dures notamment deux séquences qui comptent parmi les plus difficile du film, celle où Butch s'offre à une vieille dame obèse afin de satisfaire ses fantasmes et celle où il doit sodomiser Cliff dont c'est la première expérience face à un client libidineux et pervers. A travers ces deux séquences c'est non seulement toute la cruauté de cette vie et la déchéance de cette jeunesse qu'il étale comme la chair flasque et bourreletée de la femme obèse mais également la détermination de ces jeunes pour gagner quelques billets verts.
Palmer le fait de manière directe mais jamais misérabiliste et obscène car derrière cet étalage de sexe il y a une certaine pudeur, un certain regard. Certains pourront l'accuser de voyeurisme en pointant du doigt la gratuité de quelques scènes notamment ces nus frontaux et les gros plans des parties intimes des protagonistes. Certes, ils étaient ici dispensables mais remis dans un certain contexte ils montrent avant tout l'aisance de ces jeunes à se déshabiller, s'offrir, impudiques. Leur corps est un instrument de travail qu'il leur sert en toutes circonstances, vénales ou personnelles. Quelque soit la vie qu'il mène, tous semblent être heureux, en accord avec eux mêmes. Aux larmes habituelles à ce type de films se substituent ici les sourires.
Si les nus frontaux s'accumulent les séquences ouvertement sexuelles sont quant à elles le plus souvent suggérées et toujours trés belles. Si elles effleurent par instant la pornographie, elles demeurent toujours soft à l'instar des prises de substances illicites. Rails de cocaïne, crack, joints font partie du quotidien de ces adolescents et ne font qu'un avec le sexe.
Loin d'être des stéréotypes, les protagonistes de Palmer ont tous quelque chose de fort humain, d'attachant, parfois même atypique. Cookie, la petite soeur de 12 ans de Cliff, est en cela remarquable. Présenté comme un petit bout de femme, si c'est elle qui pousse son frère à avoir des relations sexuelles, c'est elle aussi qui s'éprend de Butch en le considérant un peu comme un deuxième frère à qui il fait la morale. Le lien qui les unit est en cela trés intéressant et particulièrement émouvant.
On pourra reprocher à Sugar de sembler partir tout azimut. En effet, on se demande par instant où Palmer veut réellement en venir, quelle est la morale de cette histoire ou quel sens il veut donner à son film. Entre soft et hard, Sugar se perd un peu. Au final, reste un mélodrame qui ne se veut pas moraliste ou dénonciateur mais simplement le tableau d'une certaine jeunesse gay. On regrettera surtout que Palmer n'ait pas plus développé ces deux personnages principaux. Ainsi ne saura t on jamais le passé de Butch, les circonstances qui l'ont amené à cette vie, ses problèmes qu'on devine, son refus de tomber amoureux qui rend trouble sa relation avec Cliff qui reste plus cérébrale que physique. Plus étrange est sa brutale transformation aprés que Cliff ait mis fin à leur relation. Ainsi présenté, les questions fusent. Quant à Cliff, il demeure tout aussi flou. Le final pourra donc surprendre lorsqu'il choisit définitivement la vie de la rue.
Palmer n'évite pas non plus certaines facilités. La mère et la petite soeur de Cliff non seulement acceptent sans surprise ni même sourciller son homosexualité mais également la prostitution tandis que le film enchaînent les clichés homosexuels habituels, travestis et transgenres, club SM (dont une scène de fessée) et plaisirs SM (on donne le martinet), fétichisme du sous vêtement (un caleçon sentant l'urine excite), urophilie..., mais toujours dans un contexte presque ludique voire drôle.
L'interprétation est particulièrement convaincante et on saluera la performance peu évidente d'une part de Brendan Fehr dans le rôle de Butch, jeune premier découvert dans bon nombre de teen horror films (Destination finale, Comportements troublants, Christina's house) avant d'être un des héros de Roswell, et le regretté Andre Noble, fragile et émouvant, dans la peau de Cliff. Sa performance est d'autant plus émouvante que ce fut son ultime film puisque Andre est décédé quelque temps aprés le tournage suite à l'absorption d'une substance toxique végétale alors qu'il campait avec des amis.
A leurs cotés, quelques trés beaux spécimens de jeunes mâles dont l'étourdissant Jeffrey Parazzo.
Sugar même s'il est de temps à autre confus et s'égare quelque peu dans une histoire hésitante reste un film attachant que l'amateur découvrira avec plaisir. Tant son réalisme que son humanisme séduiront comme la beauté juvénile et le naturel de ses protagonistes séduira.