Maniaco Deprebis

Venu du western, Leopoldo Savona signe avec Byleth le démon de l'inceste un film dont le thème principal est un de ceux que le cinéma de genre italien aimait mettre en scène dans les années 70, l'inceste, qui reste un des principaux tabous de notre société, une tare immorale qu'on pourchasse et condamne à travers le monde.
Audacieux donc même si le film en lui même demeure des plus convenables, Savona ayant réussi à ne jamais tomber ni dans le scabreux ni le voyeurisme gratuit.
Si au premier abord, Byleth se rapproche du film d'horreur gothique au vu de son contexte historique, des décors et des splendides costumes, le film peut aisément se rattacher au giallo mâtiné de démonologie. Savona utilise en effet les principaux éléments du thriller italien, tueur tout de noir vêtu, meurtres à l'arme à blanche sur fond d'érotisme et de folie psychopathe. S'il est assez facile de comprendre la clé du mystère et par conséquent découvrir rapidement l'identité du tueur, Savona laisse tout de même planer une ombre de doute quant à son principal protagoniste, le Duc Lionello, et sa réelle culpabilité. Est il réellement l'assassin agissant sous l'emprise de sa folie incestueuse ou est il possédé par Byleth, démon au visage d'ange habillé de noir qui chevauche un blanc destrier et tue les êtres coupables d'inceste sous les grondements du tonnerre.
Byleth oscille sans cesse entre l'épouvante pure et le thriller gothique tout en traitant avec soin son sujet. L'inceste est ici présenté comme un amour fou et passionné, celui que voue depuis sa plus tendre enfance Lionello à sa soeur, un secret morbide qu'ils gardent pour eux depuis la mort de leur père alors qu'ils n'avaient que dix ans. Si la jeune fille aujourd'hui mariée par contrainte à un homme beaucoup plus vieux a toujours su qu'un tel amour était impossible malgré son envie de partager beaucoup plus qu'une relation fraternelle, Lionello est resté quant à lui l'enfant qu'il était, prisonnier de cet univers où on pense que tout est possible. Il est de ce fait incapable d'aimer d'autres femmes et vit dans ce désir interdit qui le ronge et le détruit. Il ne lui reste donc plus qu'à tuer ces femmes qu'il ne possédera jamais.
Byleth est plus qu'un simple giallo gothique, bien plus qu'un simple film d'épouvante, c'est surtout une superbe et impossible histoire d'amour entre deux êtres forcés de refréner leurs sentiments, victimes d'une société qui condamne ce qu'elle considère comme immoral, amoral et intolérable. Savona fait donc de Lionello non pas un être pervers et déviant mais un pauvre homme seul face aux réalités d'un monde où il ne peut être lui même, un enfant prisonnier d'un corps d'adulte. Il est l'amant maudit victime de sa propre tragédie.
Byleth est est une sorte de cri, de défi à la morale et aux bonnes moeurs que Savona semble vouloir lancer au spectateur. Même si l'érotisme est parfois plutôt osé notamment pour l'époque, le film n'est jamais graveleux. Savona par de somptueux éclairages et une photo fort soignée met particulièrement bien en valeur les corps nus de ses actrices que la caméra lèche et parcourt durant les nombreuses scènes d'amour, n'hésitant pas devant quelques fugaces nus frontaux, accompagnés par une partition musicale étonnante qui renforce la sensualité à fleur de peau de ses séquences.
On soulignera l'interprétation tout en justesse de Mark Damon qui jamais ne sombre dans la caricature ou le ridicule ce qui ici aurait pu être craint, à la fois ange et démon, qui finira par traverser le miroir pour affronter Byleth ou tout simplement faire face à ses propres démons dont seule la mort l'en délivrera. A ses cotés on reconnaitra Claudia Gravy qu'on retrouvera l'année suivante dans Les religieuses du Saint archange.
Byleth il demone dell'incesto devrait satisfaire les amateurs d'histoires d'amour interdites qui marient avec aisance et savoir-faire épouvante et érotisme dans un contexte gothique particulièrement soigné.