Die zärtlichkeit der wölfe
Autres titres: La tendresse des loups / Tenderness of the wolves / The tenderness of the wolves
Réal: Uli Lommel
Année: 1973
Origine: Allemagne
Genre: Horreur
Durée: 92mn
Acteurs: Kurt Raab, Jeff Roden, Margit Carstensen, Ingrid Caven, Wolfgang Schenck, Brigitte Mira, Rainer Hauer, Werner Rainer Fassbinder, Heinrich Giskes, Friedrich Karl Praetorius...
Résumé: Dans sa miteuse chambre d'hôtel, Fritz, un homosexuel patibulaire mais fort serviable et respectable, fait monter des adolescents à qui il offre le gite. En échange, ils doivent lui faire l'amour. Repéré par la police, il est arrêté pour fraude, prostitution, débauche sur mineur, vol mais aucune sanction n'est prise s'il collabore avec eux afin de découvrir d'où proviennent les ossements de jeunes mineurs trouvés régulièrement dans le fleuve. Il profite de cette occasion pour satisfaire ses instincts de plus en plus macabres. En fait Fritz ne fait qu'un avec le tueur qui sévit dans la ville...
Thème difficile qu'aborde Uli Lommel puisque La tendresse des loups traite de pédophilie auquel se greffent d'autres sujets tels que le vampirisme, la nécrophilie et le cannibalisme. Tiré d'un fait divers réel, celui du boucher de Hanovre qui en 1924 viola et tua plusieurs jeunes garçons afin de les transformer en jambons, La tendresse des loups est un film difficile qui aurait pu très vite sombrer dans la facilité à laquelle se refuse Lommel. Il a choisi la pudeur donnant ainsi à son film un coté presque intimiste. A aucun moment, il ne se fait voyeur. Le malaise provient outre de son sujet, de son décor sordide, un pauvre hôtel, petite chambre miteuse sous les toits à laquelle on accède par un long escalier qui grince. Il nait de ce qu'on ne voit jamais mais qu'on imagine à l'écoute de ces inquiétants bruits qui résonnent dans le silence de la nuit, de ces regards effrayés qui nous laissent supposer le pire: une voisine qui tremble chaque nuit quand elle entend l'escalier grincer ou aperçoit un adolescent suivre Fritz jusqu'à sa chambre, ces bruits de pas incessants, ces chaises qu'on racle, ces bruits indéterminés, ces soupirs indécents qui résonnent jusqu'à devenir insupportables.
Le malaise vient également du personnage principal, Fritz, homosexuel patibulaire et porcin à la fois sympathique et inquiétant, un homme si serviable mais qui cache sous cette apparente bonhomie un être tourmenté en proie aux pires démons. Fritz est quelqu'un de complexe qui peut de moins en moins contenir ses pulsions morbides. Il ne peut épancher sa soif de jeunesse et refréner son attirance pour la jeunesse de ces corps, il perd lentement pied d'avec la réalité et sombre dans une folie qu'il doit nourrir dans tous les sens du terme en tentant de rester normal aux yeux des autres afin de ne point éventer ses terribles secrets. Dans sa folie, il est parfaitement, dangereusement lucide. C'est pour lui une lutte au quotidien, une malédiction contre laquelle il ne peut rien qui le ronge de l'intérieur en attendant la mort libératrice.
Il ne peut pas seulement satisfaire cette soif de jeunesse en faisant l'amour à ces garçons, il doit les tuer en buvant leur sang, en plantant ses dents dans leur cou juvénile avant de faire l'amour à leur cadavre. Il offre ensuite leur chair à ses amis sous forme de magnifiques jambons. Il se débarrasse ainsi de leur corps et jette les ossements dans le fleuve. Son ultime victime, un jeune pianiste, mettra la puce à l'oreille à son entourage qui le dénoncera à la police mettant ainsi fin à ses innommables méfaits. Fritz s'inspire beaucoup du personnage que joua Peter Lorre en 1931 dans M, le film de Fritz Lang. Kurt Raab, l'acteur qui interprète Fritz, ressemble d'ailleurs étrangement à Peter Lorre. Est ce là une coîncidence?.
La tendresse des loups est un film lent. Cette lenteur est accentuée par une réalisation monotone typique d'un certain cinéma allemand qui appuie le coté intimiste de l'ensemble. La mise en scène théâtrale rappelle quelque peu les oeuvres underground des années 70 ou plus proche de nous des oeuvres comme New York 42eme rue de Paul Morrissey. Produit par R.W. Fassbinder qui au départ devait réaliser le film, on reconnaitra là les ambiances chères au grand réalisateur allemand et son attache aux personnages.
Oeuvre sulfureuse, La tendresse des loups n'est pourtant pas le film sordide qu'on pourrait imaginer. Lommel évite soigneusement toute image choc tant dans l'aspect sexuel que dans les effets sanguinolents. Il reste particulièrement pudique et dissimule intelligemment ce qui doit l'être. Il n'y a jamais rien d'incongru ou d'obscène. Si on excepte la scène d'ouverture, seul le dramatique final baigne dans le sang lorsque Fritz arrache à pleines dents la gorge du pianiste.
On saluera la prestation inquiétante de l'acteur Kurt Raab qui interprète de façon magistrale ce vampire des temps modernes.
Classique du film gay, La tendresse des loups est une oeuvre macabre et atmosphérique, un parfait exemple d'un certain cinéma underground allemand des années 70.