La perversa caricia de Satan
Autres titres: Le baiser du diable / Le château du néant / La caresse perverse de Satan / The devil's kiss / The wicked caresses of Satan
Real: Jorge-Luis Gigo
Année: 1975
Origine: Espagne / France
Genre: Horreur
Durée: 89mn
Acteurs: Silvia Solar, Olivier Mathot, José Nieto, Evelyne Scott, Daniel Martín, María Silva, Carlos Otero, Víctor Israel, José Lifante, Moisés Augusto Rocha, Rosa de Alba, Mara Vador, Juan Miguel Solano, Ronnie Harp, Wendy Asher, Sergio Dore, Antonio Del Castillo
Résumé: La médium Claire Gandier, une ex-comtesse jadis ruinée par le duc de Haussemont, et son assistant télépathe Romain, un expert en régénération cellulaire, sont invités au château du duc afin d'y organiser une séance de spiritisme. Subjugué par les dons du tandem le duc lui propose de rester au château afin d'y poursuivre ses travaux occultes. L'ex-comtesse voit là un excellent moyen de se venger du duc et de tous les aristocrates qu'elle juge responsable de sa chute. A l'aide de magie noire le duo crée un monstre que Romain dirige télépathiquement. Le zombi va tuer le duc mais très vite Romain en perd le contrôle...
Avec quel terme autre que débilité pourrait-on faire rimer avec une production Eurociné? Difficile en effet de qualifier toutes ces séries Z que produisit la firme de Marius Lesoeur dont le point commun était l'ineptie tant des scénarii que de l'interprétation et l'absence de tout budget. C'est pourtant cela qui faisait tout leur charme, ce pour quoi elles sont pour beaucoup devenues cultes pour beaucoup d'amateurs de navets érotiques et fantastiques estampillés made in France même si bon nombre d'entre elles étaient des coproductions franco-italiennes ou espagnoles. Le baiser de Satan ne fait pas exception à la règle hormis
le fait que le film de l'obscur Jorge-Luis Gigo alias Jordi Gigo (le scénariste de Exorcismo de Juan Bosch) ne fut jamais édité en vidéo contrairement à la majorité des Eurociné et ne bénéficia d'une furtive sortie française qu'en Province.
Au château de Haussemont le duc a organisé une soirée où il a réuni tous les aristocrates de la région dont la comtesse de Montcorne, une noble aujourd'hui déchue à qui les Haussemont ont autrefois racheté les terres et les biens. La comtesse a changé depuis de nom. Elle est redevenue Mademoiselle Claire Grandier mais elle n'a jamais pardonné aux Haussemont de l'avoir ruinée encore moins d'avoir poussé son tendre mari au suicide. Elle
s'est depuis intéressée à la magie noire et à la télépathie. Elle est aujourd'hui une puissante médium. Elle s'est associée à un scientifique spécialisé dans la télépathie et la régénération des cellules, Romain Gruber. Ils forment selon l'ex-comtesse le tandem de la matière et de l'esprit réunis. Le duc passionné par leurs travaux leur a demandé d'organiser une séance de spiritisme lors de sa soirée. Alors que la comtesse invoque les esprits, une invitée s'évanouit, terrorisée. Fasciné le duc propose au tandem de s'installer dans les sous sols du château pour qu'ils mènent à bien leurs travaux. Claire voit là un excellent moyen de se venger du duc et de tous les aristocrates qu'elle estime responsable de sa déchéance. Avec
l'aide d'un nain violeur elle déterre un mort à qui Romain refait un visage. Grâce à ses pouvoirs télépathiques, quelques formules secrètes et des incantations dédiées à Astaroth le mort revient à la vie. Le duo va s'en servir pour assassiner les aristocrates du château. Malheureusement Romain, souffrant du coeur, est de plus en plus faible et ne parvient plus à commander son zombi qui échappe à tout contrôle. Le voilà parti étrangler tout ceux qu'il croise sur son chemin.
Et ce résumé n'est rien à comparer du film lui même, véritable bric-à brac de tout et de rien qui mélange sans vergogne la plupart des grands thèmes du cinéma fantastique et d'horreur
gothique. On a donc une ex-aristocrate devenue médium-télépathe sataniste qui prie Astaroth et Lucifer via son grimoire famélique, voleuse de cadavres à ses heures perdues, un savant-fou expert en télépathie et en régénération cellulaire animale, également médecin qui en quelques jours, grâce à ses éprouvettes fumantes multicolores, crée un monstre de Frankenstein après qu'on lui ait procuré un cadavre tout frais à qui il a réparé le visage (le pauvre est mort écrasé par une voiture sur une route de campagne). Notre Victor Frankenstein télépathe du pauvre est malheureusement cardiaque et son cerveau est très faible. La créature qui est désormais plus un zombi apathique qu'un monstre de laboratoire s'échappe donc pour mieux tuer.
Le scénario est abracadabrant, n'a ni queue ni tête mais ce mélange de thèmes est tout à fait jouissif pour l'amateur de séries Z qui jubilera face à de telles sottises que Gigo mixe, mélange, assaisonne à toutes les sauces dans la plus grande impunité. C'est bel et bien là la griffe Eurociné qu'on retrouve également dans des dialogues d'une bêtise astronomique. Si on est un tant soit peu consciencieux autrement dit qu'on écoute attentivement (il faut en être capable, je l'accorde) les âneries que débitent les comédiens on réalisera très vite qu'ils sont vides de sens, comme l'est ce charabia pseudo-scientifico-mystico-occulte que débitent la comtesse et son assistant cardiaque.
Quant au déroulement de l'intrigue il est tout aussi effarant. Il fallait oser organiser un défilé de mode (si on peut appeler ça un défilé puisque six mannequins psychédéliques idiotes appartenant à "Clarisse création" (!!) se trémoussent sur un jerk face au vieux duc et quelques mondains rigides) après une séance de danse tribale et juste avant une séance de spiritisme ringarde durant laquelle un des modèles s'évanouit car un courant d'air froid lui a caressé le dos. Il n'en faut pas plus au duc pour crier au génie ce qui n'est pas le cas du spectateur bien sûr. Plus intéressée par monter son cheval pendant que Romain travaille la comtesse trouve le temps de sauver un nabot sur le point de violer une fillette des griffes de
la bonne populace puis de le convertir en déterreur de cadavres qu'elle offre à son assistant. En quelques minutes nous avons un monstre au visage difforme (mais pourtant refait), un robot humain anémique qui se transforme en pur zombi mollasson que deux policiers nigauds tentent de retrouver au coeur de la nuit campagnarde après qu'il ait tué quelques donzelles à demi dénudées et bourgeois ringards sans toutefois grande effusion de sang, ce Baiser du diable restant très (trop) sage niveau graphique.
L'interprétation de cette coproduction franco-espagnole est du même niveau que toutes les autres productions Eurociné, c'est à dire avoisinant le degré zéro. On y retrouve bien sûr les
habituelles têtes d'affiche des séries Z du Sieur Lesoeur, l'ex-miss France espagnole d'adoption Silvia Solar qui endosse les tenues de la comtesse noire tout en déblatérant des flots d'inepties pseudo-ésotériques avec une époustouflante concentration, l'incontournable Olivier Mathot transformé en Frankenstein cardiaque grisonnant mono expressif et la blonde Evelyne Scott (Loreta la domestique légère) une habituée des pellicules de l'imbuvable Jess Franco, Gilbert Roussel et Pierre Chevalier. Ils sont entourés par quelques noms indissociables du Bis ibérique: Maria Silva, l'ineffable Victor Israel, Carlos Otero, José Nieto
(le duc) et surtout José Lifante dans le rôle du zombi anémié dont la tête fait illusion contrairement à son personnage.
Un des points forts (car il en a) de cet Eurociné est son décor. On sera en effet saisi par la beauté du château dans lequel se déroule l'action d'autant plus qu'il est très bien mis en valeur par une jolie photographie, second atout du film. Gigo a semble t-il mis un point d'honneur à la soigner, reconnaissons lui cela. Face à une telle esthétique couplée à la présence plutôt fascinante de cette Lady Frankenstein in black il est regrettable que Gigo n'ait pas réellement su mettre ces avantages au profit de son scénario d'une stupidité aberrante
encore moins avoir su en extraire une certaine atmosphère propre au film d'épouvante gothique dont Le baiser du diable pouvait se rapprocher. D'atmosphère il n'y en a malheureusement aucune on s'en doute comme il n'y a aucun suspens tant l'ensemble comme le final (très plat et tellement mou) est prévisible.
Le baiser du diable dont un des titres alternatifs, Le château du néant, le résume fort bien est une balourdise Eurociné dans la grande tradition des autres productions de la célèbre firme c'est à dire un navet nigaud sidéral et sidérant mais toujours très drôle qu'on apprécie visionner entre amis un soir de folie.
Jorge-Luis Gigo réalisera par la suite une petite pellicule érotique avec la star du genre Lynn Endersson, Porno girls, avant de s'évanouir dans la nature et ne plus faire parler de lui. Est-ce un mal?