Paganini
Autres titres: Kinski Paganini
Real: Klaus Kinski
Année: 1989
Origine: Italie / Allemagne
Genre: Drame
Durée: 98mn
Acteurs: Klaus Kinski, Debora Caprioglio, Nikolai Kinski, Dalila Di Lazzaro, Tosca D'Aquino, Bernard Blier, Donatella Rettore, Eva Grimaldi...
Résumé: Kinski incarne le célèbre violoniste Niccolo Paganini adulé par les foules européennes du 19ème siècle. Il retrace sa vie, sa fureur artistique, les excès d'une vie souvent extrême...
Acteur génialement fou Klaus Kinski n'aura laissé personne indifférent tout au long d'une carrière aussi riche que chaotique alternant réels petits chef d'oeuvres et véritables catastrophes. A force de caprices, de sautes d'humeurs et d'élans colériques réputés violents Kinski s'est petit à petit brulé les ailes pour finir dés la fin des années 70 dans des pellicules de plus en plus faibles qui ruinèrent sa réputation d'acteur. Seule et unique réalisation de ce comédien à part Kinski Paganini terminera de briser l'aura déjà bien sombre de Kinski qui s'éteindra deux ans plus tard d'une crise cardiaque.
Cette adaptation de la vie, de la furie artistique du célèbre violoniste, musicien considéré comme génial aux amours particulièrement dépravées, fut le fruit de nombreuses années de préparation. L'acteur allemand souhaitait en effet faire ce film depuis le début des années 70, un projet qui lui tenait particulièrement à coeur et dont il avait même soumis l'idée à son ami Werner Herzog qui toujours la refusa. C'est donc seul par ses propres moyens alors que sa carrière est au plus bas que Kinski décide de se jeter à l'eau (dans l'arène?) et de faire lui même le film dont il était si fier malgré le résultat catastrophique. Car Kinski Paganini est bel et bien une véritable catastrophe, un désastre pelliculaire consternant, un énorme gâchis tout
simplement car l'acteur-réalisateur a oublié d'écrire son film et l'a certainement tourné dans un état avancé de transe névrotique comme en témoignent les images d'époque. L'ouverture est à l'image de ce qu'est le film, un aperçu de ce qui attend le pauvre spectateur durant un peu plus d'heure et demi si toutefois il a la force de tenir jusqu'au bout, une suite d'images frénétiques souvent hideuses, mal cadrées, qui abuse de manière confuse des flash-back, trop nombreux, des passages entre rêve, fantasmes, obsessions et réalité. L'absence de toute narration, d'intrigue, de récit et surtout de dialogue (seule une voix off monocorde commente par instant certaines séquences) n'arrange guère les choses tout comme le
montage anarchique, brouillon supposé représenter l'esprit du musicien. Tout se mélange, se confond. On cherche vainement une logique dans ce capharnaüm, un fil conducteur, quelque chose qui relierait les séquences entre elles. En vain. On se perd comme se perdent les acteurs la plupart en roue libre dirait-on tandis que le violon de Niccolo Paganini ne cesse de jouer, jusqu'à l'entêtement, l'obsession. Voilà fort malheureusement un autre gros défaut du film: sa bande originale uniquement composée de morceaux de violon (interpretés par Salvatore Accardo) qui en quelques minutes seulement deviennent insupportables à l'oreille, assourdissant. Pas un seul instant de silence, pas une seule
seconde sans qu'il n'y ait une note stridente. Comme le film est dépourvu de dialogue on songerait presque à couper le son pour ne garder que les images.
Que reste t-il donc au crédit de ce Kinski Paganini pour donner un tant soit peu envie au spectateur de visionner ce naufrage artistique? Son coté trash du moins pour ceux qui tirent du scabreux notamment au niveau de l'érotisme leur plaisir. Nicolo Paganini était un être sexuellement dépravé dit-on, obsédé. Kinski n'a pas oublié cette facette du musicien et accumule les scènes morbides de manière tout aussi chaotique, maladroite, les insérant ça et là comme il peut tant et si bien qu'elles perdent tout leur impact pour ne garder que leur
aspect convulsif. On retiendra entre autres scènes le cunnilingus assez explicite de Klaus Kinski à l'une de ses maitresses vénitiennes, une scène de sexe équin montée en parallèle à la masturbation frontale de Dalila Di Lazzaro dans un carosse. On pourra même constater que Kinski/Paganini est en érection pendant qu'il interprète un morceau, emporté par sa verve créative.
Le sort du film fut tout aussi peu enviable. Il ne connut qu'une sortie très discrète en Italie et en Allemagne et fut oublié des autres pays avant de disparaitre aux oubliettes. Il ne fut même pas choisi lors de la sélection officielle du festival de Cannes provoquant la colère de Kinski
littéralement déchainé, furieux que son bébé soit ainsi fustigé. Mais comment aurait on pu lui faire comprendre qu'un film qui au final n'en est pas un tant il est raté soit d'avance condamné?
La distribution ne sauve en rien l'étendue des dégâts, elle les aggrave même dans un certain sens lorsqu'on voit au générique des noms aussi prestigieux que Bernard Blier dont ce fut l'ultime film également s'être fourvoyés dans ce projet. On y retrouve aussi quelques sexy starlettes comme la toujours aussi incompétente Eva Grimaldi, la beauté fanée de Dalila Di Lazzaro en pleine chute libre et la compagne d'alors de Kinski Deborah Caprioglio, dont les
talents de comédienne avoisinent le degré zéro. C'est le propre fils de Kinski, Nicolai, alors âgé de 12 ans, qui interprète justement le fils de Paganini. Quant à Klaus Kinski il fait du Kinski, égal à lui même, excessif à outrance, frénétique, Il met à disposition du violoniste toute sa folie, son exubérance, ses excès. Certes il reste dans un sens fascinant car Kinski est fascinant quoiqu'il fasse, quelque soit le film où il apparait mais cette fois tout semble vain. Sous la perruque noire du musicien vouté, inquiétant, névrotique il traverse le film sombre, sinistre mais sans aucune épaisseur ni vie. Ce n'est que le triste écho déchu du Nosferatu qu'il interprétait dix ans plus tôt dans le fade Nosferatu à Venise. Le personnage
de Paganini lui offrait l'occasion de mettre enfin en scène tout son esprit délirant, ses tourments, ses turpitudes mentales. Il a joliment raté le coche
Pour son seul passage derrière la caméra le grand acteur allemand livre un film vide d'une sidérante médiocrité, pesant, interminablement ennuyant qui risque plus de donner au public un mal ce tête fulgurant qu'un réel plaisir cinéphile. De ce désastre resteront en mémoire quelques jolis décors (la villa Parisi, le théâtre Regio de Parme où fut tourné Opéra de Dario Argento, la villa Aldobrandini ), la salacité des scènes érotico-pornographiques et la
présence de Kinski même au plus mal. Triste chant du cygne pour un acteur d'une telle envergure. Cette biographie démente aura tout de même eu l'avantage de rehausser le niveau déjà assez bas du Paganini horror de Luigi Cozzi. Celui qu'on surnommait le violoniste du diable n'aura décidemment pas eu de chance.
Précisons qu'il existe deux versions du film. Il fut en effet remonté par les distributeurs italiens à la grande fureur de Kinski. Cette version de 84mn diffère de celle dite originale de 98mn en anglais, celle reconnue par son auteur, uniquement dans son montage et la durée des scènes de sexe plus longues. C'est celle ci qu'on privilégiera bien entendu.