Alyse et Chloé
Autres titres:
Real: René Gainville
Année: 1970
Origine: France
Genre: Erotique
Durée: 80mn
Acteurs: Catherine Jacobsen, Michèle Girardon, Karyn Balm, Christian Kerville, Pierre Arditi, Jean-Pierre Chambois, Michel Fortin, Jacques Galland, Gisèle Grandpré, Jackie Lombard, Hella Petri, Sophie Vaillant...
Résumé: Alyse est modèle pour Luc, un photographe parisien réputé dont elle est amoureuse. Un jour, Luc lui présente Cloé, une directrice d'agence. La jeune femme tombe de suite sous le charme de Alyse et ne tarde pas à l'inviter chez elle afin de mieux faire connaissance et la courtiser. Alyse se laisse séduire et tombe lentement amoureuse de Chloé d'autant que sa relation avec Luc est compliquée. Jaloux, Luc la quitte pour une journaliste. Mais ils ne peuvent pourtant vivre séparés l'un de l'autre très longtemps. De plus plus perdue, Alyse est incapable de choisir entre sa relation homosexuelle avec Chloé et les sentiments qu'elle éprouve pour Luc...
Tourner des films érotiques sous forme de pseudo-reportage afin de mettre en garde la jeunesse contre les méfaits du sexe était d'actualité en France en ce début d'années 70. On a en tête par exemple l'hilarant et si désuet Nathalie après l'amour, bel exemple de ce cinéma hypocrite dont le but inavoué est en fait d'enchainer de gentilles scènes coquines et multiplier quelques nus féminins tout aussi sages sans pour autant troubler Dame censure.
Un carton pré-générique fait ici croire que Alyse et Chloé est un poignant témoignage de ce que la crédulité d'innocentes jeunes filles peut engendrer comme drame dans notre société où libération sexuelle est devenu le mot d'ordre. Mensonge puisque le film de René Gainville, obscur petit réalisateur à qui on doit avant tout un intéressant petit thriller, L'homme de Mykonos, n'est en rien une dénonciation des dangers de la sexualité mais un simple drame érotique qui prend comme principal thème, une relation lesbienne entre une jeune modèle, Alyse, et la directrice de l'agence où elle travaille, Chloé, un amour contrarié par le photographe de Alyse qui se trouve être également son petit ami. En fait le principal intérêt de
Alyse et Chloé est d'avoir osé mettre en avant bien des années avant Emmanuelle les moeurs très libres de deux femmes libérées que beaucoup jadis ont du qualifier de dépravées, d'avoir eu l'audace de traiter ouvertement du lesbianisme. Gainville complique quelque peu les choses puisque Chloé vit une histoire amoureuse quelque peu difficile avec Luc, son photographe, qui accepte très mal cette relation. Chloé culpabilise, se cherche, coincée entre ce qu'elle ressent pour Luc dont elle ne peut se passer et ses sentiments très fort pour Chloé, une femme qui lui apporte finalement ce qu'elle cherche. Ils forment un triangle amoureux sans avenir puisque Luc en refusera les règles. Il se perdra dans les bras d'une jolie journaliste pour s'apercevoir qu'il n'aime qu'une seule et unique femme, Alyse, vers qui il reviendra.
Alyse et Chloé n'est rien d'autre qu'une histoire d'amour entre trois personnes qui s'aiment, une romance à trois où homosexualité et hétérosexualité doivent faire bon ménage puisque le choix semble être impossible aux yeux des protagonistes. On aurait pu tomber dans le drame, voire le mélodrame, la tragédie amoureuse mais on reste dans le superficiel. Gainville, faute d'approfondir ses personnages, de creuser les liens qui les lient, ne dépasse guère le simple stade du roman-photo pour adultes et c'est quelque peu détaché qu'on suit les déboires sentimentaux de Alyse. Il faut simplement remettre le film dans son contexte d'époque pour comprendre son interdiction aux moins de 18 ans et le malaise qu'il a pu susciter parmi le public peu habitué à voir deux femmes s'aimer au grand jour.
Certes Alyse et Chloé reste très sage quant aux scènes érotiques, on suggère plus qu'on ne montre (on s'embrasse du bout du lèvres, on se tient la main ou par le cou, on se regarde langoureusement, l'ensemble assaisonné de quelques plans de nu intégral. Les dialogues lorsque les deux amantes font l'amour au téléphone sont hypocritement censurés, remplacés de façon ridicule par de la musique) mais on retiendra tout de même quelques séquences qu'on pourra juger gentiment osées à une époque où le cinéma français n'étalait que très peu ce genre de choses: les scènes de sauna, les prémices d'ébats à trois sous l'influence de l'alcool, le soupçon de sadomasochisme qui enrobe la relation d'Alyse et Chloé, cette dernière agissant en maitresse dominante parfois implacable vis à vis d'Alyse, plus fragile, imagée de manière vénéneuse lors de la scène où, en pleurs, perdue, Alyse débarque chez Chloé.
Le film de Gainville se veut aussi le reflet d'un certain milieu, celui du mannequinat, présenté comme un univers de dépravation, d'illusions, où le sexe est omniprésent. Les photographes passent leur temps à courtiser leurs modèles et leur faire l'amour, multiplier les conquêtes tandis que les jeunes filles viennent y chercher la notoriété mais aussi de bons moments polissons entre deux séances photo et quelques parties mondaines. L'ensemble prête à sourire tant on est par instant dans la caricature voire le comique, le personnage qu'interprète Michel Fortin tout spécialement. En guise de dénonciation on a connu bien plus offensif.
Outre le thème qu'il soulève et ses quelques scènes troublantes, Alyse et Chloé vaut surtout
pour son ambiance psychédélique, son coté très fortement estampillé années 70 qui ravira tous les amoureux de cette époque bénie. Mini jupe et pantalon d'éph', jerk endiablés, clubs à la mode, couleurs chatoyantes et ambiance psychédélique, musique rock, décors hi-tech et plastiques multicolores, secte zen adoratrice du nombril (comment ne pas éclater de rire?), générique confectionné comme un magnifique comic-strip sans oublier la petite partie du film qui se passe aux Antilles. Alyse et Chloé, le temps de quelques dix minutes, prend soudain des faux airs de films érotico-exotiques italiens alors en vogue. Les amoureux de Paris se régaleront quant à eux devant les belles images hivernales de la capitale en ce début d'années 70, véritable visite de la ville lumière lors des escapades des deux jeunes femmes (le film fut tourné entre décembre 69 et février 70).
Aujourd'hui bien désuet, Alyse et Chloé est un petit film érotique fort sage témoignage d'une époque révolue où l'on s'offusquait encore de bien des choses en matière de moeurs malgré la révolution sexuelle alors en cours. Amusant, divertissant, il a au moins le courage de parler ouvertement de lesbianisme ce qui en fait un des premiers films français de ce genre. Pourquoi alors bouder son plaisir d'autant plus si on est fan de cette folle décennie? Aux cotés d'un méconnaissable et si jeune Pierre Arditi dans le rôle d'un gourou adepte de la vénération du nombril, on appréciera ce joli trio d'acteurs pour la plupart venus de la télévision composé de la regrettée Michèle Girardon, décédée cinq ans plus tard, Catherine Jacobsen et Christian Kerville.