Sweet savior
Autres titres: Le messie du mal / The love thrill murders / Frenetic party
Real: Bob L. Roberts
Année: 1971
Origine: USA
Genre: Drame / Sexploitation
Durée: 92mn
Acteurs: Troy Donahue, Tallie Cochrane, Francine Middleton, Renay Grandville, Tobi Marsh, Matt Greene, Lee Terri, Joie Addison, Mark Curran, Joy Campbell, Alan Waters, Michelle Norris...
Résumé: Faith et son amie sont deux jeunes filles très ouvertes aux nouvelles expériences sexuelles. Une après midi elles rencontrent Moon, le gourou d'une secte qui sur sa moto est sans cesse à la recherche de nouveaux membres choisis parmi de jeunes marginaux. Il les convainc de le rejoindre. Moon, qui pense être la réincarnation du Messie, est entouré de quatre fidèles adeptes dont une fille qui doit encore faire ses preuves sexuelles. Moon perd de plus en plus la notion de réalité. Un soir lors d'une orgie organisée chez Sandra, une ex star hollywoodienne, lui et ses fidèles vont massacrer les participants dans un terrifiant bain de sang...
Alors que le monde est encore sous le choc de la tragédie Manson, le cinéma ne tardera pas à s'emparer de ce dramatique fait divers afin d'en exploiter le filon qui s'avérera juteux. Toute une pléiade de films vont tout au long des années 70 voir le jour, tous plus racoleurs les uns que les autres, mariant meurtres et fascination morbide dans un cocktail bien souvent explosif de sexe et de violence. Sweet savior distribué chez nous en vidéo à l'aube des années 80 sous le titre Le messie du Mal fait partie de ces oeuvres sulfureuses qui au fil du temps ont acquis un petit statut de film culte.
Régulièrement présenté jadis au marché du film de Cannes sous différents titres, Sweet savior nous entraine dans l'univers d'un gourou nommé Moon, un hippie qui monté sur sa moto, recrute des jeunes filles afin de les enrôler dans sa secte où le sexe joue un rôle primordial comme le découvriront Faith et son amie. Une nuit lors d'une party, Moon, pris de folie, va prendre en otages quelques uns des membres de son groupe, les humilier, violer avant de les massacrer.
Sur cette base de scénario, l'accroche publicitaire nous promettait une orgie de drogue, de violence et de sexe mais de cette promesse il ne reste seulement que de longues scènes de sexe essentiellement sous l'emprise de drogues mais uniquement douces nous précise t-on de façon drôlatique qui déboucheront lors du quart d'heure final sur le fameux carnage tant attendu.
Pur produit d'exploitation à l'américaine, ce grindhouse voit son intrigue réduite au maximum. L'histoire se contente simplement de reprendre l'habituel thème du gourou psychopathe entouré de ses dévoués adeptes, au nombre de quatre ici, tous choisis avec soin par Moon.
Parmi eux, une jeune fille qui va devoir faire sexuellement ses preuves lors d'ébats saphiques. L'histoire est surtout prétexte à faire se succéder de longues séquences d'ébats, à deux ou à plusieurs, lors d'une orgie organisée chez une vieille putain ex-star du cinéma hollywoodien durant toute la première partie du film soit une bonne petite heure. Si certains risquent de trouver cette partie plutôt longue et ennuyeuse, il faut pourtant reconnaitre à Roberts d'avoir su créer un certain climat en partie dû à son coté psychédélique. On assiste en fait à un long trip sous acides, un lupanar halluciné à l'atmosphère poisseuse dont on retiendra le coté abject des protagonistes et la crudité des dialogues que la version française accentue par un flot de grossièretés et d'obscénités verbales. On peut rapprocher cette première partie des oeuvres d'alors du tandem Warhol-Morrissey tant par le coté cru et crasse que le coté cinéma-vérité.
Epoque oblige, on prône ici une totale liberté sexuelle, une sexualité libérée de toute contrainte axée sur les expériences les plus diverses dont le lesbianisme et les partouzes fortement mises en avant. Plus tendancieux et hypocrite est par contre le discours sur l'homosexualité masculine bien en phase avec son époque. Si le lesbianisme représente une forme de liberté suprême, l'acte homosexuel masculin fait quant à lui encore peur. Il est perçu comme un acte contre-nature même si Moon y fait allusion dans ses discours mais sans jamais cependant le pratiquer. Si le seul personnage homosexuel du film, Fritzi, est une sorte de clone de Ru Paul qui aurait emprunté sa masculinité à Zaza, on apprendra en fait qu'il n'est autre qu'un transsexuel, un homme devenu femme par amour dit il du phallus, le désir irrésistible d'avoir un pénis. Lorsqu'un des jeunes fidèles découvre la véritable nature de Fritzi, l'appréhension puis le dégoût d'avoir pu se donner à un homme passés, il sera ravi d'avoir été sucé par une telle créature. Faire l'amour à homme mieux vaut oublier mais par un homme devenu femme, quoi de plus normal. Est ce là donc une façon bien pernicieuse de mieux faire accepter l'homosexualité masculine à une société encore bien homophobe? La démarche pourra surprendre dans sa forme.
Sans jamais atteindre le hardcore, les scènes de sexe sont assez audacieuses. Si les plans de nus abondent, on retiendra avant un tout une fellation assez étonnante et surtout la fabuleuse danse phallique endiablée de Ruth qui se terminera par un hallucinant poirier suivi d'un grand écart avec vue sur ses parties intimes pour l'heureux élu. Signalons que Sweet savior fut autrefois censuré des plans d'organes génitaux et de ses séquences les plus hard afin de pouvoir être distribué en salles aux USA. Il semblerait que ce soit cette version ramenée à 78 petites minutes que nous connaissions en France.
Quant à ses personnages, Roberts ne s'y attarde guère. On saura ainsi bien de peu de choses sur Moon si ce n'est par le biais d'un cauchemar qu'il fut un enfant martyr, battu par un père lui aussi prêcheur. Moon devint à son tour prêcheur évangéliste, fascinant les foules par sa seule présence hypnotique qui voyait en lui la réincarnation du Messie. Les adeptes de Moon sont à la l'image des communautés hippies d'alors. Ils rejettent le système et vouent une réelle aversion envers la bourgeoisie. Si la loi de la secte repose sur une démocratie absolue, elle prône avant tout une dangereuse liberté des actes de chacun et de soi même. Dieu justifie et pardonne cette liberté extrême quelques soient les actes même les plus abominables à l'exemple du carnage final. Si tu le veux, Dieu le veut.
La deuxième partie du film, soit les trente dernières minutes est consacrée au fameux massacre tant attendu. L'orgie organisée chez une vieille catin, ex-star de cinéma, va assez vite dégénérée sans aucune raison apparente si ce n'est l'envie soudaine de tuer dans un accès de démence pure de la part de Moon qui agit selon la volonté de Dieu. Ce qui frappe ici outre la pauvreté de l'ensemble qui donne à toute cette partie un coté amateur assez surprenant, ce n'est non pas la violence mais le comportement soudain et la sauvagerie dont vont faire preuve les membres de la secte qui agissent sous le pardon de Dieu.
Par certains aspects, le film rappelle La dernière maison sur la gauche pour son coté crasse et gratuit mais également pour le dernier et insoutenable meurtre dans la piscine. Sans être particulièrement sanglant encore moins surprenant, ce carnage final nous offre quelques légères réjouissances horrifiques notamment l'indispensable castration d'un invité. La plupart des meurtres sont pratiqués au couteau, une arme sale et fascinante selon Moon contrairement au revolver trop propre pour tuer cette bourgeoisie qu'il compare à des animaux abjects. Parmi les victimes, on remarquera une actrice enceinte, lugubre référence à l'assassinat de Sharon Tate.
La conclusion pourra surprendre. Si une voix-off nous apprend que Moon et ses fidèles furent arrêtés par hasard puis emprisonnés, Moon fut cependant relâché. Les ultimes images le voient sillonner New-York sur sa moto, le sourire béat, tout en faisant de beaux doigts d'honneur aux policiers et à toute forme d'autorité, ou le symbole de toute une époque virulemment contestataire.
Rythmé par une partition musicale très années 60, Sweet savior est une belle incursion dans ce qu'on appela alors le "Mansonploitation" menée par un Troy Donahue méconnaissable, étonnant dans la peau de ce gourou chevelu, à mille lieues des rôles qu'il incarnera par la suite dans de nombreuses séries familiales, incarnant le gendre américain idéal. C'est également grâce à lui que le film put se faire puisque Troy le prit quasiment en main du début à la fin tant il lui tenait à coeur. De la mise en scène au montage en passant par son budget certes dérisoire, il s'y investit totalement afin que le projet voit le jour. A ses cotés, on remarquera la mutine et solide Tallie Cochrane dont la performance reste surprenante, véritable révélation du film, Francine Middleton qu'on reverra par la suite dans Martin de Romero, la jeune victime violée dans le train en début de film, et Lloyd Kaufmann qui outre une brève apparition fut assistant producteur parmi toute une brochette d'acteurs non professionnels.