La semana del asesino

Autres titres: Cannibal man / The appartment on the 13th floor / Week of the killer
Réal: Eloy De La Iglesia
Année: 1975
Origine: Espagne
Genre: Horreur
Durée: 98mn
Acteurs: Vicente Perra, Emma Cohen, Eusebio Poncela, Charly Bravo, Fernando Sanchez Pollack, Lola Herrera, Vicky Lagos, Goyo Lebrero...
Résumé: Marco travaille dans un abattoir. Il va prochainement se marier. Tout pourrait être idéal mais un soir sa vie bascule. Alors qu'il est avec sa fiancée, il renverse un homme et le tue. Terrifié d'aller à la police, il préfère se taire. Sa fiancée ne supporte pas ce mensonge et le menace d'aller le dénoncer. Pris de panique il la tue et garde son cadavre dans sa chambre. Dés lors, il va devoir tuer tous ceux qui découvrent son secret. Les cadavres s'accumulent dans sa chambre...
Dés 1968, l'Espagne a connu un véritable renouveau de son cinéma de genre sur une période qui s'étendra jusqu'en 1975. Les années 40 et 50 ne virent la production de films fantastiques que de manière isolée, à une époque où la censure franquiste était la plus virulente d'Europe.
Plus tardivement, Jesus Franco fera ses débuts mais ce n'est qu'à la fin des années soixante qu'on assistera à l'éclosion d'un genre qui profitera de l'affaiblissement du franquisme pour s'épanouir brièvement. Tournés généralement en double version, avec des scènes dénudées afin de favoriser leur importation, beaucoup de films fantastiques virent le jour en Espagne dirigés par des réalisateurs tels que Narciso Ibanez Serrador, Armando De Ossorio, Jorge Grau ou encore Paul Naschy et Leon Klimovsky.
Parmi cette vague de films résolument fantastiques La Semana del Asesino d'Eloy De La Iglesia connu chez nous ce le titre erroné de Cannibal man se distingue par le réaliste sordide de son propos, plus proche finalement de la chronique sociale que du film d'horreur que son titre anglais laisse présager.
Le film, s'il n'exploite pas abusivement les prémisses horrifiques de son histoire, en utilise les relents sordides pour souligner la situation sociale dont il s'impose en métaphore. L'histoire se veut plus un commentaire du délabrement d'une société socialement divisée qu'un prétexte à une débauche d'effets sanglants dont par ailleurs il se montre relativement avare. Il préfère, à l'instar des corps qui se décomposent au fil du film qu'on ne voit jamais à l'écran mais dont l'odeur nous est constamment rappelée, distiller une effluve malsaine qui vous colle au corps comme une sueur poisseuse qui finirait presque par suinter de l'écran. Et c'est là une des grandes forces de Cannibal man.
La situation initiale se délite progressivement sans jamais que le film ne propose d'alternative à un héros dont les actes paraissent dictés par un fatalisme inébranlable. Chacun de ses actes aggrave nécessairement sa situation, et son acceptation des conséquences semble valider une logique du pire qui mène Marco, serial killer presque malgré lui, à exercer le meurtre de façon quasi mécanique. C'est comme une nécessité à laquelle il se plie avec une application d'ouvrier consciencieux sans jamais remettre en cause la sympathie qu'il inspire.
De son appartement climatisé, Nestor, assiste en spectateur oisif (le personnage, homosexuel, est une caricature de dandy décadent) à la lente désagrégation de l'existence de son voisin, fasciné devine-t-on, par le contraste entre la vanité d'une vie vouée au labeur que mène Marco et le vide de sa propre existence. Le travail est une aliénation des classes laborieuses aux classes dominantes. Cette ombre sournoise et constante d'homosexualité est également un des points forts du film puisqu'elle vient ajouter un soupçon non négligeable d'ambiguité.
Malgré son sous-texte politique, le film ne tente pas d'échapper à ses propres obsessions. Il préfère s'y soumettre avec une complaisance compulsive qui est en quelque sorte la marque du cinéma de genre, et surtout l'objet de la fascination qu'il exerce.
Pour ceux que le cinéma des années 70 fascine, sa liberté de forme et l'évocation nostalgique d'une époque presque naïve, Cannibal Man est un mets de choix. Les amateurs de gore, en revanche resterons sur leur faim puisque le film en est quasiment exempt. Ils devront se satisfaire de quelques plans d'abattoirs sordides et de quelques gouttelettes de sang qui se mêlent aux gouttes de sueur cette fois du malheureux héros étouffé tant par sa misère sociale que par la chaleur écrasante de ce terrain vague où se dresse sa cabane.
On notera l'étonnante performance tout en justesse du regretté Vicente Perra dans le rôle de Marco.