La noche de las gaviotas
Autres titres: La chevauchée des morts vivants / The night of the seagulls / Zombi 8 / Das Blutgericht der reitenden Leichen
Real: Amando De Ossorio
Année: 1975
Origine: Espagne
Genre: Horreur
Durée: 85mn
Acteurs: Victor Petit, Maria Kosti, Sandra Mozarowski, José Antonio Calvo, Julia Saly, Javier De Rivera, Pilar Vela, Maria Vidal, Susana Estrada, Oscar Phens, Fernando Vilena, Luis Ciges...
Résumé: Lors d'un sacrifice rituel le coeur d'une jeune femme est arraché par les templiers puis offert à une divinité. Cinq siècles plus tard, un jeune couple arrive dans le petit village côtier austère de Berzano. Ils viennent s'y installera fin de succéder au vieux docteur parti en retraite. Les villageois qui semblent cacher un effroyable secret font preuve d'une hostilité étonnante. La nuit de leur arrivée, ils sont réveillés par les cri de mouettes et le son d'une cloche lointaine. Chaque nuit, cela se répète. Ils sont alors témoins d'une étrange cérémonie. Ils comprennent que des jeunes filles sont offertes en sacrifice. En effet, chaque année à la même époque durant sept jours, ils doivent offrir aux templiers surgis de leur tombe de jeunes vierges afin qu'ils ne détruisent pas le village. Horrifiés par de telles pratiques, ils sauvent une jeune fille des griffes des spectres qui ne tardent pas à mettre à sac le village et poursuivre le couple, réfugié dans leur maison. S'ils veulent avoir la vie sauve et mettre les templiers fantômes hors d'état de nuire, ils doivent détruire la statue de leur divinité...
Dernier volet de la tétralogie de Amando De Ossorio entamée en 1972 avec La révolte des morts vivants, La chevauchée des morts vivants vient conclure avec brio cette saga malheureusement inégale. Si La révolte des morts vivants ouvrait avec une élégance macabre cette série aujourd'hui culte qui mettait en scène les désormais fameux templiers squelettes, il faut reconnaitre que ce premier épisode connut des suites certes honorables mais guère à la hauteur de ce qu'on était en droit d'espérer. Après le manque d'originalité du Retour des morts vivants et l'absurdité du Monde des morts vivants, De Ossorio semble enfin parvenir à ses ambitions avec cette fois un véritable scénario plus construit, qui laisse la part belle à la peur, indicible, et cette poésie macabre qu'il n'avait jamais autant travaillé jusqu'alors.
A l'image des trois autres volets, La chevauchée des morts vivants s'ouvre une scène de sacrifice au moyen âge durant laquelle les cruels templiers après avoir assassiné son compagnon attachent une jeune femme à une roche pour mieux lui ouvrir la poitrine et lui arracher le coeur afin de le donner en offrande à une divinité païenne à tête de poisson. Toujours à l'instar des épisodes précédents, on bascule ensuite de nos jours et c'est dans un petit village côtier, austère, perdu au milieu de la lande maritime portugaise, qu'on retrouve les protagonistes principaux, un couple, un docteur et sa jeune épouse, qui va devoir faire face à l'hostilité des villageois. Ils semblent en effet cacher un effroyable secret et ce n'est pas le cri des mouettes et le son du glas qui résonne au loin les nuits de brume qui est fait pour rassurer le couple.
Contrairement aux opus précédents, La chevauchée des morts vivants bénéficie cette fois d'une vraie histoire qui prend racine dans les vieilles légendes populaires, celles qui font encore aujourd'hui frémir au fond des campagnes le soir au coin du feu. On y retrouve en effet cette atmosphère qui leur est propre, un climat de terreur sourde, oppressante, qui plane sur ce vieux village de pêcheurs, austère, gris. De Ossorio a magnifiquement su les transposer dans ce contexte très particulier qu'est celui de ses fameux templiers squelettes. Ce n'est plus à travers la campagne qu'ils chevauchent lors de sublimes ralentis nocturnes leurs destriers mais le long de la plage en quête d'une vierge sacrifiée. Les voir ainsi galoper le long des étendues sableuses au son de ces sempiternels chants grégoriens ou lentement envahir le village abandonné a quelque chose de quasi solennel. Il émane de ces scènes plus que dans n'importe quel autre chapitre de la saga une poésie macabre absolument époustouflante renforcée par de fabuleux décors naturels, cette lande triste et sauvage. Ces désormais célèbres squelettes encapuchonnés vêtus d'une bure poussiéreuse n'ont jamais aussi bien représentés la Mort, la Grande Faucheuse, telle qu'on la décrit dans les contes.
Intelligente est également l'idée d'avoir utiliser les mouettes supposées être la réincarnation des âmes des jeunes sacrifiées. Lorsqu'on sait que dans la mythologie l'oiseau est le symbole du passage de la vie à la mort, les mouettes prennent ici tout leur sens et apportent au récit une pointe de véracité. Leurs cris mêlés au son lointain d'une cloche funeste, aux pleurs des baleines les nuits de brouillard tandis que résonnent les sabots des chevaux donnent au film une dimension quasi surréaliste, réveillant chez le spectateur ses peurs primaires les plus enfouies. La procession de ces femmes en noir portant terrorisées les jeunes vierges vers leur effroyable destin est comme un cortège funèbre, à la fois beau et terrifiant à l'image même des templiers spectraux.
On appréciera aussi le fait que le cinéaste ait enfin pu donner une certaine dimension psychologique à ses différents protagonistes auxquels on peut ici s'attacher. Du jeune couple terrifié qui progressivement découvre toute l'horreur du secret des autochtones à la jeune fille qu'il recueille, terrorisée par l'inéluctable destin qui l'attend, le malheureux simple d'esprit rejeté par les villageois, sans oublier tous les habitants vivant dans la peur, hostiles, fermés, tous complices, De Ossorio démontre avec art et adresse combien les légendes, les croyances ancestrales et autres superstitions locales peuvent parfois régir le comportement humain, combien ce qu'on ne comprend pas, ce qui nous est étranger peut effrayer et conduire à des actes particulièrement abominables.
Si La chevauchée des morts vivants est l'épisode le plus cohérent et le mieux écrit même si on retrouve en dernière partie de film l'inévitable schéma de La nuit des morts vivants (la maison où se sont réfugiés le couple et leurs amis assaillie par les morts vivants), s'il bénéficie cette fois d'une interprétation plutôt intéressante d'une brochette d'acteurs assez convaincants appuyée par la présence des villageois hostiles, cet ultime opus est également le plus sanglant de la série ce qui ne devrait pas être fait pour déplaire aux amateurs d'effets gore. Ils auront ainsi droit entre autres exemples à l'incontournable poitrine ouverte, un acte récurrent à tous les volets, et un superbe arrachage de coeur.
Avec cette ultime histoire De Ossorio clôt non seulement de façon magistrale sa saga des templiers maudits mais il n'a jamais aussi bien su refléter et illustrer la peur que génère les contes et légendes ancestrales.
L'année suivante Paul Naschy demandera au réalisateur anglais John Gilling, l'auteur de L'invasion des morts vivants, de tourner un cinquième épisode non officiel cette fois, La cruz del diablo, qui n'a cependant pour seul point commun avec la série que la présence des fameux templiers au détour d'un rêve.