Stato interessante

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Réal: Sergio Nasca
Année: 1976
Origine: Italie
Genre: Comédie dramatique
Durée: 113mn
Acteurs: Janet Agren, Duilio Del Prete, Quinto Parmeggiani, Turi Ferro, Monica Guerritore, Magali Noël, Enrico Montesano, Adriana Asti, Claudio Nicastro, Salvatore Puntillo, Marilu Prati, Elisa Mainardi, Tom Felleghy, Clara Colosimo, Franco Fabrizi, Francesco Ager, Laura D'Angelo, Luca Sportelli, Aldo Valletti...
Résumé: Trois histoires de femmes - Trois histoires d'avortement. Une bourgeoise milanaise tombe enceinte de son amant. Grâce à son argent elle peut avorter dans une clinique suisse.
La fille d'un couple ultra conservateur sicilien prône le féminisme. Elle est enceinte d'un étudiant brésilien reparti dans son pays. Elle veut garder l'enfant et l'élever seule. Terrifié par le scandale que cela va provoquer, son père qui vise le poste de maire va avoir recours à un abominable stratagème afin de la faire avorter.
Un couple de prolétaires romains qui a déjà trois fils ne peut garder le quatrième enfant qu'attend l'épouse. Ses tentatives de faire une fausse couche restent vaines. Sans argent pour aller chez un praticien l'épouse choisit l'option d'un avortement clandestin.
A la fin de ses études de cinéma au Centre expérimental du cinéma de Rome Sergio Nasca débute dans le milieu artistique en écrivant des nouvelles et divers scénarii. Il met en scène son tout premier film en 1972, le très bon et audacieux Il saprofita / Le profiteur, présenté au Festival de Cannes en 1974. Toujours aussi téméraire il réalise ensuite le curieux mais plus familial Malia, vergine e di nome Maria. En 1976 il tourne son troisième long métrage, un film composé de trois sketches qui prennent comme thème principal l'avortement.


Le premier sketch s'intéresse à la séduisante Carla, l'épouse d'Ignazio, un riche industriel, qui trompe son mari avec son beau-frère Federico. Ensemble ils adorent mettre en scène des scénarii pour pimenter leurs ébats sexuels. Un jour Carla découvre qu'elle est enceinte. Le père ne peut être son mari puisqu'il est impuissant. C'est donc forcément Federico, une situation particulièrement délicate puisque d'une part il ne veut pas avoir d'enfant avec sa propre femme qui elle en désire, d'autre part en plus d'être son frère Ignazio est aussi le patron de Federico. Une affaire de famille! Carla doit donc avorter mais elle doit le faire en toute discrétion dans une clinique suisse. Avec Federico elle met donc en place un stratagème.


Elle s'improvise exportatrice clandestine afin de passer en toute quiétude la frontière et pouvoir avorter dans une magnifique clinique privée.
La seconde histoire se déroule à Rome. La jeune Annabella, une étudiante, est devenue une féministe convaincue. Elle informe sa mère qu'elle est tombée enceinte d'un jeune brésilien qui est reparti dans son pays d'origine et qu'elle entend bien garder l'enfant. Choquée sa mère ne peut accepter une telle humiliation et ose à peine penser à la réaction de son mari, un démocrate chrétien qui aspire à devenir maire. Devant l'entêtement de sa fille à vouloir garder l'enfant il met au point un plan horrible. Il demande à son frère, un


éminent médecin, de falsifier les examens de sa fille et de lui annoncer qu'elle a un fibrome qui doit être opéré d'urgence. En fait il pratiquera un avortement sans qu'elle n'en sache jamais rien. Pris de terribles remords il se rend à la clinique mais il est trop tard. L'opération a déjà eu lieu. Sa fille a perdu son enfant mais au moins il sera maire.
L'ultime segment nous plonge au coeur d'une famille miséreuse, celle de Nando, un chiffonnier, et de sa femme Patrizia. Ils ont déjà trois fils lorsque Patrizia tombe enceinte pour la quatrième fois. Il leur est impossible d'élever un autre enfant. Ils prennent donc d'un commun accord la décision que cet enfant ne viendra jamais au monde. N'ayant pas l'argent


nécessaire pour avoir recours à un médecin Patrizia use de tous les moyens possibles pour faire une fausse couche. Comme rien ne marche le couple décide d'avoir recours aux pratiques d'une "avorteuse clandestine", une "mammana". Patrizia y laissera sa vie.
L'avortement est au coeur de ces trois histoires chacune prenant place dans un cadre social différent. La première se situe dans la haute bourgeoisie milanaise, la seconde ouvertement féministe se déroule en Sicile et la dernière se passe dans les milieux pauvres et défavorisés de la Rome prolétaire. C'est donc trois visions de l'avortement que Nasca met ici en scène, trois manières de l'aborder, de le voir, de le vivre, trois façons qui chacune ont


leur impact sur ceux qui le vivent. Et c'est crescendo que vont aller les sketches.
Le premier est très certainement le moins intéressant. Il s'agit en fait d'une grivoiserie sans grand intérêt digne d'une quelconque sexy comédie. La femme d un riche industriel trompe son époux avec son beau-frère avec lequel elle imagine des scénarii coquins pour stimuler sa libido. Docteur, metteur en scène, pompier... les jeux de rôle pimentent leur relation jusqu'au jour où elle annonce à son amant qu'elle est enceinte. Et le père est forcément l'amant puisque son mari est impuissant. Naturellement elle va avorter en toute discrétion. Etant riche elle peut se permettre de se payer la meilleure des cliniques de Genève. Le ton est


celui de la comédie, de la farce légère. C'est avec une certaine indifférence qu'on suit cette première aventure jamais vraiment très drôle dont le seul véritable atout est l'interprétation énergique de Duilio Del Prete et la présence de Janet Agren version brune. Il est dommage que cette légèreté de ton vienne un peu trop casser la moralité du récit. Au diable principes, morale et remords. Avec de l'argent on peut tout se permettre en toute quiétude. Avorter est tout aussi simple que de se soulager aux toilettes.
C'est dans les milieux privilégiés politiques siciliens cette fois que se déroule la deuxième histoire. Des parents chrétiens ultra conservateurs, le père vise le poste de maire. Voilà que


la fille, Annabella, se veut féministe et libérée. Elle attend un enfant d'un étudiant qui est reparti vivre au Brésil et entend bien le garder et l'élever seule. Pas question de se marier. Non seulement cela va à l'encontre des convictions religieuses des parents mais une fille-mère au sein de la famille provoquerait un terrible scandale. La situation n'a rien de très originale mais c'est la solution radicale franchement odieuse envisagée par le père qui ici donne au sketch toute sa force dramatique, toute sa noirceur surtout. On grimpe d'un cran dans l'abject. Il demande tout simplement à son frère médecin d'opérer sa fille d'un cancer de l'utérus fictif afin qu'il pratique un avortement en douce. Ni vu ni connu. Peu importe


l'horreur de la situation, peu importe si sa fille ne puisse plus avoir d'enfant, l'honneur est sauf. C'est le principal. Et ce ne sont pas les remords qu'il éprouve en fin de sketch qui changeront les choses. Non seulement il est arrivé trop tard mais son ignominie reste et restera sans nom. Ce second opus, amer, abject, en forme de satire social au vitriol bénéficie d'une très bonne interprétation de Turi Ferro et Magali Noël en mère compréhensive et d'une partition musicale magnifique, entêtante de Ennio Morricone. Dommage que Monica Guerritore, à ses débuts ici, soit un peu fade dans le rôle de la fille. Ceux qui ont l'oeil affûté reconnaitront Aldo Valletti, l'ex président de Salo, dans un de ses


caméos habituels, ici le politique que remercie Turi Ferro au début du sketch.
L'ultime volet fait monter l'intensité dramatique encore d'un cran. On se retrouve plongé cette fois dans la Rome prolétaire au sein d'une famille miséreuse qui a déjà trois enfants. Dans l'incapacité d'en élever un quatrième la mère est contrainte d'avorter, un gros problème lorsqu'on a pas un sou vaillant en poche pour avoir recours à un médecin. Après avoir tenté plusieurs techniques pour faire une fausse couche la mère décide d'aller voir à ses risques et périls une avorteuse clandestine comme il était courant à cette époque, seul échappatoire pour les plus pauvres. Elle décédera. Cette troisième histoire est d'une infinie tristesse,


d'une intensité dramatique incontestable, magnifiquement interprétée par Enrico Montesano qui prouve ici qu'il pouvait être un acteur talentueux en dehors du registre comique et la toujours excellente Adriana Asti et sublimée là encore par les superbes musiques de Ennio Morricone. Il est certain que ce segment laissera un profond goût amer au fond de la gorge lorsque apparaitra le mot Fin. Voilà tout simplement un petit joyau.
A l'exception du premier sketch qui peut donner au film une fausse image Stato interessante est un film à épisodes sympathique, de qualité qui prend pour principal sujet un thème délicat. Sergio Nasca a su lui donner le ton juste afin de toucher en plein coeur son spectateur. A découvrir.