Maniaco Deprebis

Marc est un jeune policier CRS hétérosexuel. Il vit avec Bettina, son épouse enceinte de plusieurs mois. Ils viennent tout juste de s'installer dans une petite maison en attendant la naissance de l'enfant. Lors d'un stage de formation Marc fait la connaissance de Kay avec lequel il partage une chambre. Cette cohabitation n'est pas évidente pour Marc qui se sent étrangement attiré par Kay. Leur complicité se transforme rapidement en quelque chose de plus troublant. Lors d'un footing Kay l'embrasse. La réaction de Marc est pourtant assez brutale. Il accepte mal ce geste. Leur chemin se sépare à la fin du stage. Mais quelle n'est

pas la surprise de Marc lorsque quelque temps plus tard Kay est engagé dans son unité. Si un temps Marc parvient à l'éviter il finit par accepter un rendez-vous durant lequel ils font l'amour. A partir de cet instant Marc va avoir de plus en plus de mal à réfréner ses envies d'autant plus que Kay est amoureux de lui. Les deux amants se voient en secret mais la situation devient de plus en plus compliquée à gérer pour Marc. Il doit éviter que cette relation ne s'ébruite dans leur unité mais il doit surtout mentir à Bettina qui voit Marc changer de jour en jour. Il la rassure en lui disant que c'est la pression du travail. Le jeune policier est déchiré entre sa femme et les sentiments qu'il éprouve pour Kay qu'il n'arrive pas à accepter.

Lorsque leur enfant nait Marc s'éloigne de Kay pour être un mari et un père exemplaire mais Kay, follement amoureux de lui, est sans cesse entrain de le relancer, le mettant au pied du mur afin qu'il accepte son homosexualité. Incapable de franchir le cap Marc préfère couper définitivement les ponts. Quelques temps plus tard Kay est retrouvé ivre mort dans un bar gay lors d'une descente de police. La vague d'homophobie que cela déclenche au sein de l'unité met très mal à l'aise Marc qui s'interdit de le soutenir. Mais l'incident va mettre à jour le secret de Marc. C'est tout d'abord sa mère qui le surprend entrain d'embrasser Kay à l'hôpital où il se fait soigner après qu'un collègue homophobe l'ait tabassé. C'est ensuite

Bettina qui découvrira la véritable nature de la relation qu'il entretient avec Kay. Ecoeurée elle le met à la porte et part avec leur enfant. Malgré ses efforts et ses explications Marc ne parviendra pas à la convaincre de revenir. Finalement c'est son unité qui apprend son homosexualité. Lorsqu'il décide de retourner auprès de Kay après avoir enfin accepté cette part de lui ce dernier a disparu. Il a non seulement quitté l'unité mais aussi la ville sans laisser d'adresse. Marc a tout perdu...
Spécialisé dans le court-métrage et le téléfilm le berlinois Stephan Lacant réalise en 2013

Freier fall son deuxième long métrage après Fireflies demeuré inédit en France. Il y aborde le thème de l'homosexualité dans un milieu résolument machiste, la police, où l'homophobie est encore fréquemment de mise, tout en posant de véritables questions. Comment accepter ce que l'on ressent au plus profond de soi, accepter cette nouvelle sexualité lorsque toute sa vie on pensait être hétéro, comment gérer ces changements qu'on doit garder secrets et les bouleversements qu'ils vont engendrer. C'est ce à quoi Marc, jeune policier viril, futur père de famille, va devoir faire face le jour où lors d'un stage il rencontre Kay, un policier gay qui assume parfaitement sa sexualité. Cette rencontre réveille

en lui une face qu'il ignorait contre laquelle il va tenter de lutter mais à laquelle il finira par succomber après un temps de rejet. En tombant dans les bras de Kay il découvre une sexualité qu'il ignorait, des sentiments nouveaux qui lui font peur et qu'il a beaucoup de mal à maitriser. Ils sont d'autant plus dérangeant, troublants, qu'ils ne les comprend pas vraiment, des sentiments qu'il doit taire, cacher aux yeux de tous. Il y a son épouse d'une part qu'il trompe régulièrement avec cet homme, les mensonges qui vont avec. D'autre part il y a son unité où l'insulte, le rejet, la violence tant physique que verbale envers les gays sont au quotidien monnaie courante. Marc se retrouve déchiré entre sa petite vie confortable

d'hétéro, une carrière toute tracée et cet amour secret, passionné, cette nouvelle identité qui se révèle à lui et qu'il va préférer refouler, ignorer pour se conforter dans une routine, une facilité qui au final ne lui conviennent pas et lentement le détruit. Tout un concours de circonstances vont jouer contre lui et c'est au pied du mur qu'il va devoir révéler qui il est vraiment tant à sa famille qu'à ses collègues.
L'histoire est complexe et traite de nombreux sujets, soulèvent de nombreux problèmes et de nombreuses questions. Marc, par la force des choses, des sentiments, se retrouve entrainé dans une spirale destructrice qu'il ne contrôle plus, un triangle amoureux violent,

tourmenté, prisonnier entre une femme parfaite qui porte son enfant et un homme qu'il aime comme il n'a jamais aimé quelqu'un auparavant. Il doit faire face aussi à une société, un monde où l'homophobie est omniprésente tant chez lui, dans sa famille, qu'au travail. Lacant a beaucoup travaillé son sujet, passé plusieurs années à étudier ces thèmes avant d'écrire son scénario. Il voulait que Free fall soit le reflet exact de notre société actuelle et en aucun cas une caricature. En ce sens Free fall atteint presque son objectif. Il prêche en effet par sa sobriété, son réalisme, sa justesse, sa pudeur aussi (les scènes de sexe sont filmées de manière intimiste), même s'il n'évite pas certains clichés ou stéréotypes qu'on

aurait peut-être aimé plus subtils ici (les boites de nuit gay, les cruising rooms, les plans baise dans les toilettes, la réaction de la famille).
Ce qu'on pourrait reprocher au film de Lacant c'est une narration un peu trop rapide, un manque de psychologie qui lui fait perdre de sa crédibilité, de son efficacité. Difficile par exemple d'imaginer quelqu'un aussi amoureux soit-il demander à celui qui l'aime de tout quitter pour lui, femme et enfant, sans même prendre en compte sa fragilité, le dilemme auquel il doit faire face mais surtout à quelqu'un qui découvre cette part toute neuve de lui dont il ignorait il y a encore peu l'existence. N'est-ce pas égoïste, égocentrique? Un autre

point qui manque franchement de subtilité est de mettre Marc au pied du mur en lui disant qu'il est homosexuel et qu'il doit désormais l'accepter. Dans un tel contexte cela aurait demandé d'être plus nuancé surtout venant d'un gay qui lui s'assume pleinement, d'un homme qui connait parfaitement l'homosexualité donc les problèmes, les bouleversements énormes qu'elle peut générer dans ce cas précis. Ressentir des sentiments aussi forts soient-ils pour quelqu'un du même sexe ne signifie pas forcément être à 100% homosexuel, encore moins d'être prêt à vivre sa vie avec un homme en laissant derrière lui tout ce qu'il a construit. Homosexualité, bisexualité et toutes leurs variantes doivent être prises en compte

pour comprendre qui on est exactement avant de foncer tête baissée dans une histoire qui risque de tout briser ce qui sera le cas pour Marc, qui comme l'indique le titre finira en chute libre. Lacant a choisi la simplicité dirait-on, fait le choix de s'intéresser avant tout à l'attirance presque obsessionnelle des corps, au malaise qui s'installe à chacune des rencontres des deux amants qui ne sont jamais vraiment au diapason. Il aurait donc été intéressant d'étayer l'histoire, de mieux développer les personnages de Kay et Marc, leur donner plus d'épaisseur afin qu'on puisse s'attacher à eux, au drame qu'ils vivent chacun de leur coté. Si Lacant avait tenu compte de ces divers points, s'il avait joué avec l'émotion Freier fall aurait

pu être quasi parfait, toucher en plein coeur le spectateur pris à son tour dans le tourbillon de cette romance particulière aussi puissante que fragile.
L'interprétation, sobre, est irréprochable notamment de la part des deux principaux protagonistes, le brun Hanno Koffler et le blond Max Riemelt qui nous avait littéralement bluffé dans Napola elite für den Fürher, une histoire d'amitié virile trouble sous le régime nazi. Amis dans la vie les deux comédiens avaient déjà joué ensemble dans Hallesche kometen et Auslandseinsatz d'où cette complicité qu'on ressent à l'écran. Katharina Schüttler est l'épouse bafouée qui laisse exploser son homophobie en découvrant le secret

de son homme jusqu'à devenir détestable au même titre que sa famille, parfaits homophobes qui pensent encore que l'homosexualité est une déviance dont on peut guérir, et l'officier Limpiski (Shenja Lächer) qui aime casser du "pédé".
A sa sortie en Allemagne Freier fall fut un énorme succès tant critique que public, réussissant à rester 35 semaines à l'affiche. Afin de montrer et faire prendre conscience que l'homophobie est toujours très présente dans les milieux de la police il fut également projeté dans des commissariats où il fut acclamé pour son réalisme. Au fil des années le film de Lacant a gagné ses galons de film gay culte. Malgré sa simplicité notamment de narration, ses défauts, En chute libre est un joli film, très agréable, qui pose de bonnes questions, porté par le jeu de grande qualité des deux principaux comédiens.
En 2017 une suite, Freier fall 2, fut mise en route entièrement financée via les réseaux sociaux mais n'a à ce jour pas encore été distribuée mais est visible sur ces mêmes réseaux. Espérons un jour une sortie officielle.