El rey de los gorilas
Autres titres: Le gorille et l'enfant / Scimmia bianca il re della foresta / Simio blanco / Gorilla's king / The gorilla kid
Réal: René Cardona Jr
Année: 1976
Origine: Mexique
Genre: Aventures
Durée: 96mn
Acteurs: Hugo Stiglitz, Peggy Bass, Jorge Graham, Martin Espinosa, Aurelio Sparrow, Edith González, Carlos East, Sonia Cavazos, Carlos Camacho...
Résumé: Un bébé est le seul survivant d'un groupe d'explorateurs attaqué par des cannibales. Il est recueilli par une gorille qui l'élève. Il devient Simio l'enfant gorille. Devenu adulte il sauve d'une mort certaine la fille d'un scientifique venu étudier ce coin perdu de la jungle. Ils se marient et font un enfant. Ils vivaient heureux dans les arbres jusqu'au jour où des colons anglais débarquent et tuent tout ce qui vit. A la tête des colons le Dr Livingstone bien décidé à capturer Simio et ramener à la civilisation sa femme et son fils...
Lorsqu'on évoque le cinéma fantastique et d'horreur mexicain des années 70 un nom vient très vite à l'esprit, celui de René Cardona Jr, auteur touche à tout d'une multitude de pellicules plus jouissives les uns que les autres, oscillant toutes très souvent entre la série B et la série Z. Cardona Jr a parfois délaissé le monde de l'horreur pour s'attaquer notamment au film de jungle plus exactement le film de jungle familial. Il avait déjà donné sa version de Robinson Crusoé en 1973 (Robinson y Viernes en la isla encantada) puis en 1976 il nous offre sa vision très libre du mythe de Tarzan avec ce délirant et farfelu El rey de los gorilas devenu chez nous Le gorille et l'enfant.
1838 quelque part sur le continent noir. Une expédition d'explorateurs partie à la recherche des légendaires mines du roi Salomon est attaquée par une tribu de cannibales appelée Hommes plantes. Tous les membres sont tués, ne survit qu'un bébé que sa mère a caché au fond d'une barque. Le nourrisson est recueilli par des gorilles, c'est Kira, une femelle, qui va l'élever. L'enfant est connu sous le nom de Simio. A 12 ans il fait connaissance avec un petit chasseur du même âge nommé Notoku parti à la recherche du lion qui a tué son père. En tuant le fauve il prouvera à sa tribu qu'il est un grand guerrier. Malheureusement pour lui lions, gorilles et autres animaux sauvages l'attaquent. Il est sauvé par Simio. Les deux
enfants deviennent amis. Notoku lui apprend à pêcher puis l'invite à rejoindre sa tribu. En voyant les indigènes Simio s'enfuit. Devenu adulte il sauve d'une attaque des Hommes plantes Eva la fille d'un scientifique anglais venu explorer ces terres sauvages. Seule survivante elle finit par tomber amoureuse de Simio et lui donne un fils. Un jour débarquent le Dr Livingstone et ses hommes. Ils essayent de capturer Simio et sa famille. Ils parviennent à faire prisonnier son fils. Simio va tout faire pour le délivrer. Lorsque Livingstone propose à Eva de les ramener elle et son fils en Angleterre elle hésite. Avec l'accord de Simio elle décide de laisser leur fils retourner à la civilisation. Ce dernier préfère finalement rester dans la jungle.
Si on voulait situer El rey de los gorilas on pourrait dire qu'il s'agit d'un croisé entre Le livre de la jungle, Greystoke et le Tarzan de John Derek. En fait le film de Cardona Jr est une adaptation totalement folle et surtout puérile de Tarzan, une version qu'on n'oserait même plus imaginer aujourd'hui dans laquelle son auteur accumule les choses les plus farfelues même si dans une fable tout est permis. De quoi provoquer très vite l'hilarité. Difficile de prendre au sérieux ce film dont les premières minutes donnent le ton. Imaginez un groupe d'explorateurs (du dimanche vu leur tenue et équipement) poursuivi en pleine jungle par une
tribu connue sous le nom de "Hommes plantes". Ils portent en effet sur la tête un magnifique panache d'herbe et de feuilles de palmier, un peu comme une sorte d'impressionnant pot de fleurs qui se dresserait fièrement sur leur crâne. Tous sont tués sauf ce bébé que sa mère baladait inexplicablement dans ses bras dans cette jungle sauvage! Elle parvient à le cacher dans une barque qui miraculeusement flottait au bord d'une rivière. Une incroyable ouverture qui va donner naissance au mythe de Tarzan. L'aventure peut donc commencer.
Et elle débute par la dérive de notre poupon dans sa barque. Une question qui nous taraude alors l'esprit. Comment Cardona a t-il pu faire tourner un enfant guère plus âgé d'un ou deux
ans dans de telles conditions? Il pleure, il crie, on le sent terrorisé, encore plus lorsque Cardona le filme en pleurs entrain de marcher, tomber, se relever maladroitement dans cette épaisse forêt. Une telle scène serait aujourd'hui totalement impensable et ferait hurler d'horreur tous les ligues de défense des droits de l'enfant encore plus lorsque le gorille l'attrape et lui arrache ses vêtements avant de le faire valser nu dans tous les sens comme une malheureuse poupée de chiffon! Il faut cependant avouer que les gorilles sont en fait des acteurs cachés dans une combinaison de singe. Seuls les chimpanzés sont de vrais animaux. On est rassuré mais voilà qui ajoute une note comique supplémentaire. Inutile de
dire que cette "partie" bébé est un des clous du film, une partie culte à voir et revoir, cruelle pour ceux qui sont séduits par des bambins, particulièrement jouissive pour ceux qui ne supportent pas les bébés. Nos lecteurs savent où se place le Maniaco! Puis un jour Kira, la maman gorille est abattue. Elle meurt sous ses yeux... de façon très humaine, à la Marion Cotillard!
Et notre bébé grandit. Commence ainsi la deuxième partie du film. On le retrouve douze ans plus tard en petit sauvageon blond qui comprend qu'il n'est pas comme sa famille de primates. Quelle intelligence! Dés lors tout va très vite. Nous suivons une chasse au lion
puis faisons connaissance avec le petit Notoku fils d'un guerrier que le fauve a tué. Les deux enfants deviennent amis mais là encore Cardona nous étonne puisque Notoku finit tout nu après que le lion lui ait arraché son pagne (les animaux aiment beaucoup dévêtir les enfants apparemment)! Et nu il reste un moment. Ce qui là encore serait inimaginable aujourd'hui. Un arbre, des herbes, cacheraient ce qu'il y a à cacher, la caméra filmerait au dessus de la ceinture et on le couvrirait très vite d'un pagne. Pas en 1976! Nos deux gamins s'amusent, pêchent, chassent et se nourrissent de serpents qu'ils avalent vivants... et sans trucage! Impressionnant sauf pour nos amis les défenseurs des animaux qui vont grimacer
comme ils feront grise mine face à quelques maltraitances d'animaux, phase obligatoire dans tout film de jungle en ces années. On assiste même à une pseudo cérémonie tribale digne d'un mondo africain grande époque avant que Simio effrayé par tous ces indigènes ne s'enfuit.
Débute alors la troisième partie. L'enfant singe est désormais adulte. Il sauve la vie d'une jolie blonde savamment permanentée, la fille d'un scientifique qui étudie les mouches tsétsé! Tout aussi rapidement ils se marient du moins c'est ce que dit la voix off (car oui une voix off particulièrement sérieuse nous narre ce qu'on voit à l'écran si jamais c'était un peu
trop difficile à comprendre). Ce qui est plus dur à saisir c'est comment un homme singe peut se marier en pleine brousse. Quoiqu'il en soit ils font un enfant qui en un éclair a quinze ans! Et lui aussi se baigne nu dans la rivière. La petite famille vit heureuse dans la jungle jusqu'au jour où des colons anglais débarquent à bord d'une... montgolfière aux couleurs de l'Union Jack! A leur tête le très vilain Dr Livingstone qui du haut de sa nacelle est bien décidé à régner en maitre sur cette jungle, capture et tue tout ce qui bouge, êtres humains et animaux. Et il est bien décidé à capturer Simio qu'il veut étudier. Commence alors une longue lutte entre Livingstone et Simio qui refuse de voir sa famille retourner à la civilisation.
Cette ultime partie est la plus mouvementée, la plus riche en scènes d'action, celle qui ramène aux bons vieux films d'aventures d'antan.
Visiblement tourné sans grands moyens dans les magnifiques paysages exotiques de Oaxaca, Puebla et Veracruz, Le gorille et l'enfant furtivement sorti en France trois ans après sa réalisation est un spectacle familial qu'il faut prendre comme un plaisant délire mais qui malgré toutes ses frasques se prend néanmoins au sérieux. A travers ses personnages creux, dénués de charisme et de dimension mythique il tente de dénoncer le racisme, le colonialisme, l'esclavagisme, les dangers de la civilisation. Bien entendu le noir est un être
primitif à éviter, le blanc est forcément civilisé et tout puissant. Le modernisme est dangereux. C'est pourquoi Simio décidera de rester dans la jungle plutôt que de revenir à la civilisation. Le message se noie dans un n'importe quoi visuellement superbe et hilarant. La réflexion se transforme en quelques minutes en un incessant éclat de rire. En un mot Cardona nous offre un spectacle tropical de bonne humeur, une expérience à vivre au moins une fois dans sa vie de bissophile tant le résultat final est fantastique. Le gorille et l'enfant est un petit bonheur coupable qui peut faire plaisir aux grands comme aux petits, séduits par ces fabuleux paysages truffés d'animaux sauvages (zèbres, hippopotames, lions, autruches,
singes, éléphants, crocodiles... malgré pas mal d'inserts issus de documentaires animaliers), les aventures improbables de l'enfant singe puis par la vilénie du méchant Livingstone, le tout enrobé d'une partition musicale sirupeuse à souhait.
L'interprétation n'a rien d'extraordinaire. Chacun fait simplement son travail. Simio adulte est incarné par l'ami et acteur fétiche du réalisateur, le toujours monolithique Hugo Stiglitz qui ici est un peu moins statique que d'accoutumée puisqu'il doit de façon pataude sauter de lianes en lianes et très souvent courir. La future star de telenovelas Edith Gonzales et l'inconnue Peggy Bass sont respectivement la pulpeuse Eva et Betty la petite peste anglaise. Les deux enfants qui jouent Simio à 12 ans et le roublard Notoku tout aussi inconnus semblent quant à eux bien s'amuser. On est heureux pour eux.