Africa segreta
Autres titres: Afrique secrète / Secret Africa
Real: Guido Guerrasio / Oreste Pellini / Alfredo et Angelo Castiglioni
Année: 1969
Origine: Italie
Genre: Mondo
Durée: 99mn
Acteurs: Riccardo Cucciola (narrateur)
Résumé: Les réalisateurs nous entraine dans un voyage de plus de 7000 km au coeur de l'Afrique noire, cette Afrique dite sauvage pour nous en faire découvrir ses tribus, leurs rites, coutumes et croyances.
La découverte des rites, traditions et coutumes de peuplades africaines alors totalement méconnues voire inconnues, ces tribus sauvages dites primitives vivant aux antipodes de nos sociétés dites civilisées, fit les beaux jours du mondo movies, ce sous genre particulièrement décrié du cinéma d'exploitation. Popularisé dés les années 60 par Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi à travers notamment Mondo cane qui déjà offrait quelques séquences africaines puis consacré par Addio Zio Tom / Les négriers mais également des oeuvres plus discrètes mais tout aussi fortes (Mau Mau de Elwood Price), ce sont les frères
Angelo et Guido Castiglioni qui donnèrent au mondo africain ses lettres de noblesse. Entre 1969 et 1982, les frères Castiglioni, professeurs à l'université, anthropologues et conférenciers, tournèrent en tout et pour tout cinq mondo, tous plus fracassants les uns que les autres, cinq documentaires choc qui contrairement à d'autres mondo mettaient en avant l'aspect anthropologique de leur travail sans pour autant éviter voyeurisme, complaisance dans un enchainement de scènes toutes plus cruelles les unes que les autres, base de tout mondo movie. Tourné en 16mm Africa segreta est le premier de la série, coréalisé ici avec Guido Guerrasio et Oreste Pellini. Suivront Africa ama, Mondo magic / Magia nuda, Addio ultimo uomo, et Africa dolce e selvaggia.
Comme pour leurs films suivants les Castiglioni nous invitent à un voyage de plus de 7000 km à travers le continent africain à partir des étendues du Sahara jusqu'aux profondeurs de l'Afrique noire à la découverte de tribus surprenantes et de leur mode de vie tout aussi étonnant. Narré par Riccardo Cucciola ce voyage débute donc en douceur au Sahara où vivent les Touaregs qui doivent parfois affronter les affres du désert dont la soif. Ils sacrifient alors leur bien le plus précieux: leur chameau qu'ils égorgent au couteau pour en boire le sang. De quoi en mettre le spectateur en condition pour la suite du programme puisque les massacres d'animaux souvent insoutenables seront nombreux. Si la caméra filme en plan
serré les litres de sang qui sortent du cou de l'animal agonisant ce n'est que bien peu de chose face à ce qui nous attend par la suite. La poule est un animal qu'on retrouve dans la plupart des tribus africaines, un volatile dont on se sert très souvent comme animal de sacrifice. On assiste à un véritable raz de marée d'égorgements, de décapitations de poules vivantes qu'on peut également couper en deux tout aussi vivante à la main pour offrir notamment à des crocodiles, un animal divin. On égorge et saigne des agneaux à des fins magiques lors de rites ancestraux. On décapite, éventre, saigne des chèvres pour les mêmes raisons sans oublier celle empaler par les fesses. La chasse en Afrique est une
question de survie. Cela donne au film sa séquence la plus saignante, la plus insoutenable: la mise à mort d'un éléphant que la tribu va découper en morceaux. Oreilles, pattes, trompe... puis on l'éventre, le vide de ses entrailles baignant dans son urine, sa merde, son sang. On escalade la carcasse, pénètre à l'intérieur pour le désosser. La caméra filme tous les détails de cet incroyable charnier avec un aplomb à glacer les sangs des plus sensibles. Quant aux léopards pour certaines tribus ils ne sont tués que pour leur peau très précieuse dont les indigènes se vêtissent.
Parmi les peuplades visitées il y a les pygmées qui vivent comme perdus dans le temps
entre magie et techniques ancestrales dont la fabrication de cet étrange matériau fait à partir d'urine. Ils vivent dans des cabanes aux nombreux corridors plongés dans l'obscurité pour éviter les esprits malfaisants qui vivent à l'extérieur. Chez les Massaï la femme est aux corvées ménagères, celles des champs, elle fait tout (mais trouve aussi le temps de bavarder entre elles) car l'homme se réserve à la chasse et à la guerre. On assiste au mariage d'une fillette de 10 ans qui découvre sa nouvelle vie à travers les danses tribales puis à la mort d'un homme tué pour de vrai lors d'un jeu. Chez ces tribus mourir peut en effet être un jeu. Comme toute personne décédée il est inhumé en position foetale, enterré avec
moult cadeaux qui lui seront utiles dans l'au delà. On conserve en général le crâne des défunts car il contient leur âme. Ce crâne est nourri régulièrement de sang de poule. Les larves et autres vers qui s'y développent sont consommés par son détenteur, un vrai festin auquel on assiste et qui met en appétit.
Chez les Bariba la circoncision est toujours de mise. Lors d'une grande fête les hommes adultes se font circoncire au couteau. Les Castiglioni nous offrent ainsi une succession de prépuces tranchés à la lame, de quoi faire frémir et grincer bon nombre d'entre vous qui instinctivement porteront nerveusement leurs mains à leur entre-jambe. Un peu de sable
permettra une cicatrisation rapide. Quant aux femmes elles se font trancher le clitoris ainsi que les petites et grandes lèvres. La séquence fait frissonner mais on est loin, très loin de Africa dolce e selvaggia, l'ultime mondo des Castiglioni, et son enchainement quasi frénétique de circoncisions au rasoir pratiquée dans des mares de sang sur de jeunes enfants hurlant de douleur.
Tatouages et scarifications ont toujours fait partie de la culture africaine. Au Nigeria et au Cameroun la beauté tant pour les hommes que les femmes est essentielle dés le plus jeune âge. Le port de disques labiaux est coutumier chez les Haussa tout comme le port de
bijoux parfois incrustés dans la peau. Mais le plus spectaculaire reste les tatouages fait au couteau, les scarifications elles aussi réalisées au couteau y compris sur des bébés et le rabotage ou la sculpture des dents faite au marteau ou au burin. Idéal pour tout ceux qui ont la phobie des dentistes.
La lèpre fait partie du quotidien de certaines parties de l'Afrique. Impossible pour les réalisateurs de ne pas montrer des hordes de lépreux, le visage, les membres rongés par la terrible maladie comme il leur est impossible de passer sous silence la manière dont ces peuplades guérissent certaines maladies telle la folie qu'elles attribuent comme bon nombre
d'autres maladies aux mauvais esprits, aux démons. Elles doivent donc les faire sortir de leurs corps en déversant des litres d'eau dans le nez et la bouche du malade qui miraculeusement guérit, son corps comme lavé de ce qui le possédait. Ces peuplades n'oublient pas le temps du colonialisme qu'elles revivent à travers certains rites, le temps où l'Homme blanc en faisait ses esclaves, les fers aux pieds, le fouet à la main.
Au programme il y a bien sûr des choses plus légères comme ce sorcier qui a 150 épouses ou cette femme qui fatiguée de son mari frappe un tambour pour avertir le sorcier du village de sa lassitude. Elle pourra quitter son époux mais elle devra désormais appartenir au
sorcier qu'elle sera obligée de servir à vie quelque soient ses désirs. Un homme qui a tout compris en quelque sorte.
Cette Afrique noire si chère aux jumeaux Castiglioni c'est celle d'un temps révolu, une Afrique détruite par les guerres et le colonialisme, encore inconnue, dont les croyances, les rites les plus ancestraux ont cependant survécu. Avec ce coté amateur les films du duo ont une valeur éminemment anthropologique et se situe au dessus de la plupart des mondos africains habituels. Ils ont donc ce coté fascinant, troublant, dérangeant qui en fait tout leur intérêt. Mais cela reste cependant du cinéma de pure exploitation, d'où la raison pour laquelle on reste
parfois un peu flou sur le nom des tribus visitées ce qui laisse planer le doute sur la véracité de certains point. Le but inavoué et bien hypocrite est bien entendu de flatter les instincts les plus vils du spectateur en lui offrant un flot d'images, de scènes plus rebutantes les unes que les autres dont les maitres mots sont voyeurisme et complaisance, l'ensemble appuyé par des bruitages souvent odieux afin de renforcer l'impact de certaines séquences. En ce sens Africa segreta remplit sa fonction et ravira ceux qui se délectent de répugnance, de carnages animaliers et de voyeurisme exacerbé sur fond d'Afrique intégralement nue. Un bonheur à déguster sans limite.
Africa segreta reste le film le plus oublié et surtout le plus difficile à visionner aujourd'hui puisqu'il est devenu contrairement aux quatre autres de la série quasi invisible. Seule semble exister une VHS antique pratiquement introuvable aujourd'hui ce qui fait de ce premier mondo "castiglionien" une véritable gemme, un vrai Graal pour tout amoureux de mondos dans lequel on retrouve cette fascination qui fit le cinéma des frères.
L'année suivante les frères mettront en scène Africa ama avec une partie des images non utilisées dans ce premier mondo.