Il gioko
Autres titres: School of fear
Real: Lamberto Bava
Année: 1988
Origine: Italie
Genre: Thriller
Durée: 98mn
Acteurs: Alessandra Acciai, Daria Nicolodi, Jean Hebert, Morena Turchi, Viola Simoncioni, Stefano De Sando, Fabio Iellini, Valeria Milillo, Giuseppe Pianviti, Luca Fagioli, Piero Cucchi...
Résumé: Suite au décès d'une enseignante Diana prend ses nouvelles fonctions dans une prestigieuse école pour enfants de bonnes familles. Très vite elle remarque des absences d'élèves inexpliquées qui réapparaissent quelques jours plus tard comme si de rien n'était. Elle apprend aussi l'existence d'un mystérieux jeu auquel se livre une partie de ses élèves. Ils forment un clan secret qui se réunit dans les souterrains de l'école. Diana devient à leurs yeux une menace qui risquerait de dévoiler au grand jour leurs étranges activités, ce fameux jeu qui pour la jeune femme va se transformer en cauchemar...
Après le succès de la première série télévisée réalisée par Lamberto Bava (Brivido giallo), devenu depuis le triomphe international de Démons une valeur sûre du cinéma de genre italien, un nouveau cycle à plus haut budget, aux sujets plus sérieux, plus sombres, intitulé Alta tensione vit le jour en 1988. Il gioko est le premier film de cette nouvelle série qui au départ aurait du compter huit films. Seulement quatre seront réalisés.
Une nuit d'orage. Une sombre bâtisse. Une jeune fille tente désespérément de sortir d'un puits, terrorisée par quelque chose qui semble la poursuivre. Elle n'en ressortira jamais.
Quelque temps plus tard Diana Berti, une jeune et séduisante professeur d'italien, prend ses nouvelles fonctions dans une école de bonne famille. Ce n'est autre que la bâtisse où eut lieu le drame. Très vite Diana est intriguée par des faits étranges. Certains élèves manquent sans raison à l'appel et réapparaissent quelques jours plus tard comme si de rien n'était. Une enquête est ouverte mais la réapparition des jeunes disparus empêche l'inspecteur de la poursuivre, faute de preuves solides. Ces disparitions feraient partie d'un jeu organisé par les élèves. Diana est pourtant convaincue que ce jeu cache quelque chose de bien plus pernicieux. Une lettre découverte sous le bureau d'une ex-disparue, l'effrontée Roberta,
renforce ses doutes. La jeune fille y évoque quelque chose de dangereux, de mortel, y fait part de ses craintes. Interrogée elle ne fait que calmement répéter qu'il ne s'agit que d'un simple jeu d'enfant, innocent. Diana découvre l'existence d'un club secret dont font partie les élèves qui se réunissent dans les souterrains de l'école. Ceux ci méfiants, la voient désormais comme une espionne, une menace qui risque de révéler leurs secrètes activités. La professeure est alors victime de faits terrifiants. Quelqu'un cherche à la terroriser mais l'inspecteur ne veut pas la croire. Elle se met doucement à dos la directrice de l'école. Personne n'ose imaginer que des enfants puissent être à l'origine de faits effroyables encore
moins qu'ils soient responsables de la mort de l'ancienne professeure, la jeune fille enfermée dans le puits. Pour tout le monde ce fut un tragique accident. La disparition d'une nouvelle élève, Anna, permet à Diana d'enquêter plus de façon plus approfondie, déterminée à prouver que ce fameux jeu organisé par le club est au centre de quelque chose de bien plus horrible. Elle se sent d'autant plus déterminée que tout cela lui rappelle un drame vécu durant son adolescence, le viol dont elle fut victime. C'est lors d'une balade scolaire que les enfants vont faire comprendre à Diana les règles du fameux jeu et ce en quoi il consiste.
A la différence de la première série Alta tensione se caractérise surtout par des sujets bien
plus sombres et sérieux. Il gioko en est la preuve. Sur un scénario freudien écrit par Roberto Gandus (Macabro), Dardano Sacchetti et Giorgio Stegani Lamberto Bava livre un thriller psychologique difficile sur la perversité de l'enfance situé dans ce milieu bourgeois déliquescent jadis si prisé du cinéma italien (une prestigieuse école pour enfants de bonne famille), le tout sur fond de décor gothique. Les références sont nombreuses: Ray Bradbury, Children of the corn, Le locataire, Sa majesté des mouches notamment sans oublier Suspiria dont l'ouverture du film, splendide, fait définitivement penser: par une nuit d'orage une jeune fille est poursuivie par une ombre dans un des souterrains de cette imposante
école qui se dresse au milieu de la campagne. Sans attendre Bava Jr introduit son héroïne, Diana, une enseignante dont c'est le tout premier poste. Elle est jeune, elle est belle, elle a la maladresse et la fougue du débutant. Impossible de ne pas faire le rapprochement avec la Suzy Banner de Argento comme il est difficile de ne pas comparer cette école et ses terribles secrets à l'institut de danse de Suspiria. Diana soupçonne vite ses élèves, de petits bourgeois de 14/15 ans, de dissimuler derrière leur face angélique un terrible secret, d'être à l'origine d'un énigmatique jeu, "Il gioko", avec un "k" tel qu'il est écrit dans la lettre retrouvée sous le bureau de Roberta. Bava déploie une bonne partie de la panoplie du film d'enfants
maléfiques. Un club secret qui se réunit clandestinement dans les souterrains de l'école, de chères têtes blondes aussi innocentes que perverses capables du pire qui obéissent à des règles bien précises et n'ont pas peur de se dresser contre les adultes, un meneur/ meneuse de clan et avec tous ses enfants les troubles de l'adolescence, les traumatismes, l'éveil de la sexualité et toute son ambiguïté. La sexualité est une des clés de ce fameux jeu, ces choses dont les grands ne veulent pas entendre parler dixit le meneur du clan. Etre adulte avant de le devenir, jouer à l'adulte tout en étant encore de jeunes adolescents à qui on donnerait le bon dieu sans confession. La sexualité est d'autant plus présente que tous
ces évènements rappellent à Diana un terrible souvenir qui lentement remonte à la surface, la ronge. Alors qu'elle n'était qu'une adolescente elle fut violée à trois reprises par ses camarades. Elle ne lui reste qu'à trouver le lien qui unit ses enfants, ce jeu, la mort de sa prédécesseur et ce viol qui la hante alors que son entourage, des professeurs à la directrice, semblent insinuer qu'elle est folle.
Il gioko n'est pas un film d'horreur. Ceux qui espéraient des effusions de sang, de jolis meurtres, seront donc déçus. Il n'y en a pas un zeste! Bava Jr signe un vrai film d'atmosphère, trouble, vénéneux, presque malsain par instant. Il ne passe pas grand chose
mais pour le peu qu'on accroche à ce récit morbide sur la sexualité adolescente on se laisse prendre au jeu (c'est le cas de le dire), curieux de découvrir ce terrible secret, les activités du clan et le but du jeu qui de manière suggestive explosera au grand jour. Loin sont les Jeux interdits de René Clément, bien plus inavouables sont ceux de Bava qui transforme les souterrains de l'institut en effroyable préau de perversion. Certes il effleure l'innommable par le biais de quelques images suggestives suffisamment puissantes cependant pour créer le malaise, l'imagination du spectateur fera le reste. Il gioko est un épisode d'une série télévisée avec les limites et les impératifs que cela suppose. Bava avait prévu de faire tuer
son héroïne par les enfants lors de la scène de clôture. Il dut y renoncer à contre coeur. Impossible donc pour le cinéaste d'aller au bout de son jeu. Il ne pouvait que suggérer, atténuer son final, l'adoucir. Impensable de filmer l'impensable ici, des enfants violant des enfants et même des adultes lors de jeux, d'épreuves, dont les membres du clan doivent accepter les règles. Quelques cris de terreur, une tentative d'évasion, du sang sur l'enfant disparu, un visage d'ange, quelques mots et cette ultime image, les enfants réunis à la chorale de l'église sous l'oeil ravi de la directrice suffiront pour résumer ce qu'on n'osait soupçonner.
A ces thèmes forts, la perversité de l'enfant, mélange de candeur, d'innocence et de méchanceté, le passage trouble souvent ambigu du stade de l'enfance à la puberté, Il gioko brille également par son sens de la mise en scène. Bava accumule les plans sur les inquiétantes statues de son institut, l'immense escalier, le labyrinthe humide qui mène à la salle de dissection anatomique avec ses têtes monstrueuses, le puits, l'impressionnant château (autant de décors naturels qui apportent beaucoup au film)... sans oublier le personnage de l'enfant trisomique, le fils du concierge, qui hante l'école, toute une gamme d'ingrédients qui relève d'un certain cinéma gothique classique tous fort bien venus ici et qui
collent parfaitement au récit. La partition musicale signée une fois de plus Simon Boswell ne diffère guère des précédentes mais elle accompagne très bien l'histoire et suffit à créer une petite atmosphère délétère. Franchement oniriques, morbides, sont les flash-back muets où Alessandra revit son viol, poursuivie ses camarades cachés sous d'horribles costumes de carnaval, une scène qui revient comme un leitmotiv et se mêle aux simulacres sexuels du jeu du clan.
On appréciera certains clins d'oeil également notamment le plus frappant, la référence à Pasolini lors du cours de littérature italienne. Lorsque l'enseignante propose à ses élèves
d'étudier l'oeuvre du Maitre ceux ci, choqués, protestent. Trop subversif pour eux, Pasolini qu'ils traitent de dégénéré pornographe n'a pas sa place dans un programme scolaire contrairement à Alessandro Manzoni sur lequel ils réclament un cours.
Au crédit du film son interprétation. On saluera le jeu de la jeune et ravissante Alessandra Acciai dont c'était le tout premier véritable rôle à l'écran. Encore étudiante à cette époque Alessandra est contre toute attente plutôt crédible dans la peau de Diana, à la fois émouvante, sensible et perdue. On saluera aussi la prestation des adolescents, eux aussi crédibles dans leur rôle d'enfants machiavéliques, en tête les deux meneurs de clan,
Roberta la peste (digne héritière d'une Nicoletta Elmi) et Giorgio. On regrettera par contre le jeu de Daria Nicolodi qui tente d'imiter sans jamais vraiment y arriver Alida Valli dans Suspiria. On ne croit pas un seul instant à ce rôle de directrice austère qui tombe finalement à l'eau. Décevant aussi Stefano De Sando dans la peau de l'inspecteur très peu crédible.
Certes Il gioko, entièrement tourné à Livourne, souffre des limites d'un scénario écrit pour la télévision. On multiplie les improbabilités, certains points sont incohérents ou restent inexpliqués, tout va un peu trop vite, certains personnages sont très mal dessinés à l'instar des relations qu'ils entretiennent avec d'autres (l'histoire entre l'inspecteur et l'héroïne) mais quelques soient ses défauts et limites ce premier volet de Alta tensione est un film à l'atmosphère envoutante, inquiétante, un téléfilm à l'aura aussi trouble que malsaine, surement le meilleur de cette seconde série si ce n'est le meilleur des téléfilms que signa Lamberto Bava.