Venere in pelliccia
Autres titres: Vénus en fourrure / Voluptés très spéciales / Venus in furs / Venus im pelz / Venere nuda / Venus in bont / Devil in the flesh
Real: Massimo Dallamano
Année: 1969
Origine: Italie / Suisse / Allemagne
Genre: Drame / Erotique
Durée: 82mn
Acteurs: Laura Antonelli, Régis Vallée, Loren Ewing, Renate Kasché, Werner Pochath, Mady Rahl, Wolf Ackva, Peter Heeg, Josil Raquel, Michael Kroll, Fred Newman...
Résumé: Severin, un écrivain, fait la connaissance de Wanda, une superbe jeune fille aux moeurs libérées. Il découvre son attirance pour les relations dominant-dominé. Ils tombent amoureux et se marient. Ensemble ils vont vivre leurs fantasmes sadomasochistes les plus pervers jusqu'au jour où lasse de ces jeux étranges Wanda s'éloigne de Severin dont elle partage de moins en moins le gout pour les plaisirs extrêmes. Lorsqu'elle rencontre Bruno elle retourne ses pulsions sadomasochistes contre Severin...
Pour son troisième film, réalisé juste après son excellent western Bandidos et un thriller plutôt anodin qui lorgne vers le krimi, La morte non ha sesso / Le tueur frappe trois fois, Massimo Dallamano adapte à l'écran le sulfureux roman de Leopold Sacher-Masoch "Vénus en fourrure", à savoir les amours passionnées sadomasochistes et voyeuristes d'un couple qui lentement mais sûrement vont tourner au drame.
Severin, un écrivain, passe quelques jours de vacances dans un bel hôtel lorsque arrive une superbe jeune femme nommée Wanda. C'est pour lui un coup de foudre. Il n'a plus qu'une
envie: la connaitre. Wanda loue la chambre voisine à la sienne. Par un orifice indiscret situé dans le mur il observe son intimité, la regarde se donner sans pudeur à des hommes de passage. Si l'épier l'excite au plus haut point, cela lui rappelle l'époque où enfant il observait de la même manière les ébats de la femme de chambre, découvrir que Wanda aime les relations de domination est une véritable jouissance. La gifle que la femme de chambre lui avait donné lorsqu'elle s'aperçut qu'il l'espionnait a ouvert en lui des sensations inattendues. Aimer être frappé, avoir mal, être soumis à une femme et trouver le plaisir extrême dans la souffrance. Il fait la connaissance de Wanda qui lui avoue que l'idée d'être épiée ne lui était
pas désagréable. Ils entament une véritable relation sadomasochiste et finissent par se marier. Ils ne cessent d'inventer des jeux de rôle où Severin doit souffrir tant physiquement que moralement, se sentir de plus en plus humilié. Peu à peu Wanda se lasse et ne prend plus vraiment de plaisir à ces jeux étranges. Lors d'un d'entre eux le couple rencontre un motard nommé Bruno. Wanda, fasciné par la puissance de l'homme, en fait son amant qu'elle inclut désormais dans la relation très spéciale qu'elle entretient avec son mari. Le mariage du couple se dégrade alors lentement. Wanda, lasse, ne cherche plus vraiment à jouer mais à réellement blesser et humilier ce mari qu'elle supporte de moins en moins.
Severin accepte mal de voir Wanda s'éloigner de lui encore moins les tortures physiques qu'elle lui fait subir. Il sombre peu à peu dans une sorte de folie dont il parvient à sortir. Wanda le quitte pour Bruno. Severin fait alors la connaissance de Paulie, une putain, un sosie de Wanda. Il découvre qu'elle aime les relations de domination. L'écrivain a de nouveau de beaux jours devant lui.
Traiter à l'écran des plaisirs sadomasochistes en cette fin d'années 60 était aussi délicat qu'audacieux tant il ne fallait pas choquer une censure encore très rigide. L'effort de Dallamano est donc téméraire même s'il ne faut pas attendre de Venere in pelliccia une
oeuvre dérangeante et démonstrative. Bien au contraire. Le cinéaste livre une pellicule belle, fortement sensuelle, où il suggère bien plus qu'il ne montre dans la grande tradition des films érotiques de cette époque. Tout en douceur, à travers le baroque de luxueux décors, Dallamano nous invite à un voyage au coeur même de la sexualité clairement perverse d'un couple de bourgeois là encore typique de cette fin de décennie, début de la suivante, un écrivain quarantenaire et une splendide jeune femme rencontrée dans l'hôtel où il séjourne. C'est leurs tendances respectivement masochistes et sadiques qui vont les réunir puis les unir pour finalement les détruire.
Le fil conducteur du film, celui sur lequel repose cet enchainement de jeux sexuels, un simple prétexte diraient certains détracteurs, ce sont les pensées, les convictions de Severin, sa vision, sa philosophie sur les plaisirs infinis du sexe née d'un traumatisme qui remonte à son adolescence, les séances d'espionnage quotidiennes des ébats sexuels de la domestique puis la gifle reçue lorsqu'il fut découvert. Cela conditionna sa future sexualité, son goût prononcé pour le voyeurisme et le plaisir pris à souffrir, avoir mal. Il ne cessa plus de vouloir aller toujours plus loin dans la souffrance et l'humiliation, source d'extase suprême sans jamais pour autant perdre de vue sensualité et volupté. Faire de la perversion un délice
exquis en partant du principe que toute perversion, toute déviance est naturelle et participe à l'équilibre même du couple du moment où les rôles dominants/dominés s'inversent périodiquement. La parité du couple est tout simplement un mensonge de notre société où en amour comme dans la vie il n'y a que des maitres et que des esclaves. La perversion, parfaitement incorrecte, une fois admise, comprise, domptée est la porte ouverte à un eros sans limite du moment qu'on a le partenaire adéquat. Et c'est à travers Wanda que Severin a trouvé l'être idéal, la dominatrice parfaite, sans tabou, terriblement sensuelle et infiniment belle. C'est ainsi que durant toute la première partie du métrage le couple va jouer, Severin
satisfaire sa soif d'humiliation en se faisant fouetter, dominer, puis à travers des jeux de rôle mis en place d'un commun accord. Le plaisir ne peut exister que si les deux parties ne se cachent rien. Les jeux restent sages (Severin n'est plus un mari mais un chauffeur particulier, un espion voyeur, un jeune animal à dresser... selon son gré), les scènes sadomasochistes toutes suggérées ce qui donne à cette première partie un coté bien soft, plutôt aseptisée donc frustrant pour beaucoup.
La deuxième partie est plus osée, plus tragique également du moment où Wanda se lasse de ces jeux, ne trouve plus de plaisir à dominer, se fatigue de cette relation très (bien trop)
spéciale et aspire désormais à une vie plus normale. C'est aussi le revers, le danger de cette sexualité, lorsqu'on ne joue plus et veut réellement faire du mal à l'autre, prendre au pied de la lettre les termes souffrance, douleur, lorsque la répulsion, la haine, le mépris prennent le dessus, que la relation se désagrège et devient destructrice tant pour l'un que pour l'autre. Wanda va s'acharner sur son mari aussi bien physiquement que psychologiquement. Inoubliable est ainsi la scène d'une rare violence où elle fouette Severin jusqu'au sang, lui lacère les chairs et le visage, une scène clé qui mène à la rencontre de Bruno qui fera exploser le couple. Il sera aussi source d'une série de cauchemars souvent
surréalistes, somptueusement oniriques où Severin imagine sa femme, son amant et les deux domestiques être à sa merci, victimes de ses fantasmes les plus sordides. Sans être non plus hyper démonstrative c'est certainement la partie la plus intéressante du film, la plus débridée, la plus forte, la plus fascinante également, mettant parfaitement en exergue le pouvoir et le danger des relations sadomasochistes.
Dallamano n'est bien sûr pas à 100% fidèle au roman de Masoch mais il en respecte cependant la trame principale plus particulièrement sur le plan psychologique tout en l'adaptant à notre époque aussi bien dans les dialogues, les costumes et les élégants
décors qui n'échappent donc pas à une petite dose de psychédélisme fort bien venue, une touche pop art seventies tout à fait délicieuse qui décuple le charme du film et appuie également le coté fétichiste du récit. Sans jamais chercher à trop approfondir l'analyse Dallamano parvient cependant à rendre crédible le parcours de Severin, sa recherche de la perversion, sans jamais la ridiculiser ou en faire juste un moyen aphrodisiaque basique, un support pour de simples illustrations érotiques gratuites. Le discours comme les réflexions de l'écrivain sont intelligentes, jamais incohérentes. Tout au long du film Dallamano réussit à générer trouble et ambiguïté tant dans les images que les pensées de Severin récitées en
voix off, une des grandes forces du film.
A celle ci s'ajoute une interprétation remarquable des deux principaux protagonistes, une toute jeune et encore inconnue Laura Antonelli en tête. Le choix de Laura, qui verra ainsi sa carrière lancée avant son explosion mondiale cinq ans plus tard avec Malizia, s'avoue particulièrement judicieux. Plus belle et mutine que jamais, lumineuse, troublante, Laura généreusement nue est une Wanda éblouissante magnifiquement mise en valeur par un Dallamano qui renoue pour l'occasion avec son ancien métier de photographe. A ses cotés le choix du suisse Régis Vallée est plus contestable. Si son interprétation est tout aussi juste
que celle de sa partenaire il est par contre plus difficile d'adhérer à son physique plutôt ingrat. Pas évident de croire qu'une femme aussi splendide que Wanda puisse tomber sous le charme de Régis d'où un couple quelque peu improbable mais les voies de l'amour sont souvent impénétrables contrairement aux voies du sexe. Le puissant américain Loren Ewing est Bruno le motard, le seul à offrir de brefs nus frontaux masculins lors des cauchemars finaux. On reconnaitra également l'allemande Renate Kasché, une habituée des pellicules érotiques, qui nous offre ici de jolis nus assez osés par l'intermédiaire de son personnage de domestique lesbienne, un rôle pas toujours évident car souvent brutal. Présent également
un tout jeune Werner Pochath alors à ses débuts en Italie, le pêcheur dans les bras duquel Severin jette Wanda.
Sans aller jusqu'à dire comme certains que Vénus en fourrure est le chef d'oeuvre de son auteur, Dallamano sera par la suite responsable de quelques autres toiles érotiques ou non tout aussi intéressantes et réussies, cette adaptation brille par sa sensualité, son érotisme suggéré à fleur de peau, le trouble qu'il s'en dégage. Couplé à l'élégance des décors, la musique mi suave, mi psychédélique de Gianfranco Reverberi, la beauté presque irréelle de Laura Antonelli aussi lumineuse que perverse on tient là une oeuvre est un petit joyau
d'érotisme vintage qui au fil du temps n'a rien perdu de son aura sulfureuse, un classique mi-velours mi-venin à mille lieues de la lointaine adaptation d'un Jesus Franco, grand manitou toujours aussi incapable de la laideur visuelle et de l'érotisme tue-sexe. Pour information Vénus en fourrure sortit tardivement en France à l'automne 1973, de surcroit amputé de ses scènes érotiques les plus poussées à l'instar de la vidéo éditée dans les années 80. Une honte!
Il est important de savoir qu'en 1975 Venere in pelliccia fut distribué une seconde fois en
Italie sous un nouveau titre Le malizie di venere additionné de vingt minutes de nouvelles scènes tournées par Paolo Heusch et de nouveaux acteurs dont Venantino Venantini dans un rôle de hippie, Paul Muller et Giacomo Furia. Régis Vallée fut également rappelé mais Laura Antonelli ne prit pas part à ce projet rythmé cette fois par une partition disco souvent détestable. Une nouvelle version contestable bien plus osée à ne voir qu'après avoir visionné l'originale et seulement à des fins de comparaison. Cette nouvelle mouture commerciale est tout simplement inutile et brise tout le trouble et l'aura de l'oeuvre de Massimo Dallamano.