The touchables
Autres titres: Le toccabili
Real: Robert Freeman
Année: 1968
Origine: Angleterre
Genre: Drame / Acid-movie
Durée: 90mn
Acteurs: Ester Anderson, David Anthony, Harry Baird, Joan Bakewell, Michael Chow, Roy Davies, William Dexter, Bruno Elrington, Peter Gordeno, Judy Huxtable, Danny Lynch, Monika Ringwald, John Ronane, Kathy Simmonds, Ricky Star...
Résumé: Quatre jeunes ravissantes femmes kidnappent leur idole Christian, un chanteur de rock à la mode dont la réputation d'homme volage n'est plus à faire. Elles le retiennent prisonnier dans leur maison-bulle transparente érigée au beau milieu de la campagne anglaise. Elles vont jouer avec lui en donnant vie à leurs fantasmes, ce qui n'est pas pour lui déplaire. Son manager et un boxeur homosexuel, lui aussi fan, se mettent à sa recherche...
Né en 1965 avec l'arrivée au coeur de notre société des drogues hallucinogènes, des acides et autres substances interdites, issu de l'avènement du psychédélisme avec pour point d'orgue le mouvement hippie en 1967 le cinéma dit psychédélique, l'acid-movie, le pop-movie a donné naissance a bien des oeuvres plus étranges, curieuses les unes que les autres, certaines devenues aujourd'hui cultes, reflet de ce qu'était alors notre monde et de sa jeunesse en quête de spiritualité en tout genre. Parmi elles se cachent parfois des pellicules plus obscures, surréalistes, délirantes. The touchables réalisé en 1968 par le photographe
attitré des Beatles Robert Freeman, en est un bel exemple. Voilà un film d'autant plus obscur qu'il est resté très longtemps invisible, seuls quelques photos témoignaient de son existence, jusqu'à l'apparition il y a peu d'un DVD-r bootleg de bonne qualité, unique moyen à ce jour de découvrir cette bizarrerie oubliée et lui donner enfin une seconde vie.
Lors d'un party quatre jeunes femmes, Sadie, Melanie, Busbee et Samson, volent des statues de personnalités dans ce qui semble être un musée. Sans transition aucune voilà qu'on apprend que ces quatre femmes sont des groupies d'un jeune chanteur de rock, l'idole
du moment, nommé Christian. Lors d'un match de boxe joué par le champion Ricky Starr, un fan homosexuel de Christian et connaissance des jeunes filles, les quatre femmes déguisées en nonnes kidnappent le rocker. Elles le détiennent prisonnier dans leur maison, une gigantesque bulle en plastique transparente érigée au milieu de la campagne anglaise près d'un lac. Jeux sexuels, perversions et mises en scène grotesques sont au programme jusqu'à ce que le manager de Christian et Ricky Starr aidés par un gangster et ses hommes retrouvent sa trace après avoir suivi Samson, en fait une amie de Ricky. Le gangster et ses malfrats la suivent jusqu'à la maison-bulle, prennent en otages les filles et Christian et
demandent une rançon au manager du chanteur. Celui refuse de payer content de se débarrasser de l'artiste. Les quatre jeunes femmes et Christian finissent par s'enfuir pendant que les gangsters et les hommes de Ricky s'affrontent. La maison-bulle s'effondre. Chacun rentre chez soi.
Difficile de donner un résumé exact du film car The touchables part tout azimut. A vrai dire il n'y a pas de véritable histoire ni de sens à ce fatras psychédélique comme il n'y a pas de lien qui relie l'ouverture et le reste du film. The touchables débute sur une party colorée dans un lieu difficilement identifiable. Parallèlement quatre jeunes femmes dérobent des statues
dans ce qui ressemble au musée de Madame Tussaud. En cire ou en carton (il est assez dur de le dire) on reconnait cependant au passage Hitchcock, Michael Caine, le Général De Gaule, le pape, Mao... . Déboule le générique dans le plus pur style des James Bond. Entre ce générique très inspiré du travail de Maurizio Binder et ces quatre voleuses ultra sexy qui rappellent un peu nos futures Drôles de dames on imagine un spy-movie psychédélique. Il n'en est rien. Passés ces instants The touchables part en vrille et n'a plus vraiment de logique. L'intrigue n'a simplement ni queue ni tête. Les quatre voleuses s'avèrent des fans absolues d'un jeune chanteur de rock à la mode réputé très volage nommé Christian. Elles
le kidnappent lors d'un match de boxe de leur ami Ricky. Sa disparition inquiète son félon de manager apparemment associé à un gangster sans foi ni loi. A partir de là il ne faut plus chercher aucune réelle cohésion et ne pas se fier au slogan du film ni à ses résumés qui annoncent une série de débauches et de perversions sexuelles que les groupies vont faire subir au séduisant chanteur à priori fort consentant.
En fait The touchables est un produit pop art totalement inoffensif d'autant plus soft qu'il s'agit d'une production de la 20th century fox. Certes Christian devenu une sorte d'enjeu quant à savoir qui des quatre l'aura pour elle seule est au départ attaché en croix uniquement vêtu de
son slip ainsi voué aux fantasmes coquins de ses ravissantes kidnappeuses. Il est rapidement détaché, et en robe de chambre, en slip, ou habillé, commence une série de jeux organisée par chacune d'entre elles ou en groupe, certains ludiques d'autres plus tendancieux. On se court l'un après l'autre, on fait des parties de ping-pong, de flipper, de baby foot vert fluo, on danse, on déjeune en compagnie de son jouet fétiche (chaque fille possède le sien), on partage à cinq le même lit à baldaquin géant, on se love sur d'extraordinaires divans, on monte à cheval... rien de très particulier encore moins horrible. Christian semble très heureux sous cette bulle transparente, il fait l'amour, même s'il décide
de s'en aller lors d'une chevauchée, las des caprices des filles. Commence alors une poursuite à travers la campagne froide qui se terminera sur un canot à moteur et un coup de feu qui fera chavirer Christian, blessé à la tête. Rétabli en moins de temps qu'il ne faut pour le dire tout se finira bien après que les hommes du gangster, Ricky et le fourbe manager se soient étripés sous la bulle de plastique, un chaos durant lequel les jeunes filles vont fuir et tranquillement rentrer chez elles tandis que Christian part de son coté pour New-York.
En fait le grand intérêt du film de Freeman n'est pas l'intrigue mais son esthétique, son visuel et son aspect délirant en totale adéquation avec son époque. Entre le look des ravisseuses,
oeil de biche, coupe garçonne, choucroute et perruques, mini jupes et bottes en plastique, les décors colorées complètement fous dans lesquels elles évoluent, le coté swinging London du film les amoureux de cette fin de décennie seront sous le charme. Mais sur quoi repose The touchables c'est surtout et avant tout sa maison-bulle, cette fameuse maison-bulle en plastique transparent, cette immense bulle qui se dresse au milieu de la campagne londonienne et son décor ultra pop presque surréaliste. C'est très certainement tout ce qu'on retiendra du film, une image à jamais gravée dans nos mémoires et nos coeurs tant on rêve de vivre dans une telle demeure futuriste qui anticipe une certaine imagerie de la science-
fiction post moderne très en vogue dés le début des années 70. On pense à Zardoz notamment, L'âge de cristal... sans oublier Sesso delirio (Grida di estasi) qui reprend ce concept de maison-bulle. Son décor minimaliste mais ultra pop fascinera. Un divan, des coussins, quatre chaises hautes, un lit à baldaquin et surtout cet étonnant carrousel sont disposés ça et là sous ce dôme du plaisir sous lequel la vue presque surréaliste donne sur l'infini. Admirablement bien photographié et mis en lumière cela donne des visions souvent oniriques, féeriques droite sorties d'une fantasmagorie futuriste, d'un rêve martien duquel se seraient échappées ces quatre poupées psychédéliques et ce ténébreux dandy londonien.
On en serait presque triste lorsque lors des ultimes minutes la bulle se dégonfle et s'effondre. Adieu jolie bulle de plastique.
Ajoutons à cela toute une série de plans souvent complètement fous, de scènes aux limites de l'onirisme (notamment les scènes d'amour) et des séquences psychédéliques en parfaite harmonie avec la culture pop d'alors (l'envoutante scène de danse de Mélanie tout en ombres chinoises devant un mur d'images animées) et on tient une bande psychédélico-pop fascinante rythmée par une jolie bande musicale rock 60s qui enchantera les oreilles des amateurs, ravis entre autres de retrouver Nirvana, groupe auteur du thème principal formé en
1965 qui dans les années 90 fera un procès à Kurt Cobain pour usurpation de nom. On swingue, on jerke, on jive!
The touchables ne serait pas The touchables sans ses quatre poupées psychédéliques, choisies avec soin par Freeman, quatre sexy starlettes qui eurent une carrière plus ou moins longues: l'allemande Monika Ringwald, modèle qui posa souvent nue avant de faire carrière dans la sexploitation (son rôle le plus marquant reste celui de l'extra-terrestre de charme de The sexplorers), Kathy Simmonds, modèle qui fut très proche des Beatles et surtout de Harry Nilsson, ex-fiancé de Rod Steward, Judy Huxtable, actrice, modèle et figure du Swinging Londonet la jamaïcaine Ester Anderson elle aussi actrice, modèle et scénariste. Quant à Christian il est interprété par le séduisant David Anthony, jeune photographe anglais, époux d'alors de l'actrice Chrissie Shrimpton (la première fiancée officielle de Mick Jagger), également chanteur, auteur de quelques 45t crédité sous le pseudonyme rigolo de Charles Dickens avant qu'il ne disparaisse des feux de la rampe. Difficile d'oublier l'image du beau David, le corps légèrement velu, écartelé sur cette fourrure noire simplement revêtu de son petit slip, ainsi offert à nos fantasmes les plus fous.
On notera la présence de l'ex-boxeur Ricky Starr ici dans son propre rôle.
Si on peut difficilement comprendre comment une production 20th century fox réalisée par un des plus grands photographes de la fin des années 60 a pu ainsi disparaitre et sombrer ainsi dans l'oubli il est par contre facile d'imaginer combien le spectateur, une fois le film inséré dans son lecteur, restera admiratif face à The touchables, non pas pour son intrigue somme toute banale et peu cohérente, mais pour son esthétisme pop fabuleux et sa maison-bulle qui longtemps encore hantera nos mémoires, envieux d'en posséder une. Un
joli rêve tout en plastique et plexiglass ultra kitsch et coloré qui fait des wip, des clip, des crap, bang, vlop des zip,
shebam, pow, blop, wiiiiiz, spécialement conçu pour tous les amoureux de cette période magique que fut la fin des années 60, le début des années 70. Souhaitons désormais qu'un véritable DVD donne une seconde chance à cette nacre psychédélique.
Robert Freeman tournera un second et ultime film en 1969 avec Jacqueline Bisset, Marc Porel et Chantal Goya La promesse. Si on parfois on attribue la paternité du sexploitation The erotic adventures of Zorro à Robert Freeman il s'agit en fait d'un simple homonyme. Aucun lien avec le fameux photographe anglais mort en 2019.