Lycanthropus
Autres titres: Le monstre aux filles / Werewolf in a girls' dormitory
Real: Paolo Heusch
Année: 1961
Origine: Italie / Autriche
Genre: Horreur
Durée: 81mn
Acteurs: Barbara Lass, Carl Schell, Curt Lowens, Maurice Marsac, Maureen O'Connor, Mary McNeeran, Grace Neame, Luciano Pigozzi, Joseph Mercier, Annie Steinhert, Karl Marlsen, Herbert Diamonds, Elisabeth Patrick, Giuseppe Transocchi...
Résumé: Mary, pensionnaire d'une institution, se rend une nuit en cachette chez sir Alfred Whiteman, le bienfaiteur de cette respectable école de jeunes filles, dont elle est la maîtresse. Alors qu'elle rentre après avoir tenté de le faire chanter, Mary est attaquée par une mystérieuse silhouette qui lui déchire la gorge. La police conclut que la jeune fille a été la victime d'un loup. Le professeur Olcott, nouvel enseignant au passé trouble fraichement débarqué à l'institution, à une vision quelque peu différente. Il pense que Mary aurait été victime d'un loup-garou. La meilleure amie de Mary, Priscilla, elle aussi peu convaincue par l'hypothèse de la police, va mener son enquête...
Futur coréalisateur de Une vita violenta de Brunello Rondi, une adaptation du roman éponyme de Pasolini, réalisateur de deux comédies tardives avec Toto Paolo Heusch a mené une carrière assez inégale oscillant constamment entre un pur cinéma de genre et un cinéma d'un niveau bien plus élevé. Mais Heusch est surtout et avant tout une sorte de pionnier, un cas presque unique dans l'univers du 7ème art italien puisqu'il est le seul metteur en scène à avoir osé prendre comme principal sujet de film la lycanthropie. Le mythe du loup garou n'a jamais inspiré les réalisateurs transalpin qu'il n'existe quasiment aucun
film de ce type en Italie. C'est pour dire que Lycanthropus rebaptisé Le monstre aux filles pour sa sortie française est une oeuvre unique d'une importance capitale dans l'histoire de l'horreur à l'italienne.
Mary, pensionnaire quelque peu délurée d'une institution de jeunes filles, s'esquive une nuit du pensionnat afin de rencontrer son amant, le très respectable Sir Alfred Whiteman, principal bienfaiteur de l'établissement. Mary le fait chanter, menaçant de dévoiler au grand jour leur relation s'il ne cède pas à ses exigences. Il refuse. Mary se sauve mais alors qu'elle traverse le bois qui jouxte l'école une créature l'agresse violemment. Au vu de ses blessures
au cou la police conclut qu'un loup l'a attaqué et tué. Le jeune et séduisant professeur Olcott, fraichement débarqué à l'institut, n'est pas d'accord avec l'inspecteur à l'instar de la meilleure amie de Mary, Priscilla, qui refuse cette hypothèse. Sentant qu'il y a anguille sous roche Priscilla va essayer de trouver des preuves. Elle tombe sur la correspondance qu'entretenaient les deux amants. Elle demande à une de ses amies de cacher les lettres compromettantes le temps qu'elle en découvre plus. Elle rend visite à l'épouse de Whiteman qui lui révèle qu'elle était non seulement au courant de leur liaison mais qu'elle a également aperçu l'assassin la nuit du crime. Quelques heures plus tard elle est à son tour
assassinée. L'inspecteur commence à soupçonner l'homme à tout faire au comportement étrange mais aussi le professeur Olcott dont il a mis à jour le passé trouble. Ce dernier, très intéressé par la lycanthropie, lui fait part des expériences qu'il a en effet autrefois pratiqué. Pour lui cette vague de meurtres sauvages serait l'oeuvre d'un loup-garou. Alors que les morts continuent de tomber dans l'entourage de la malheureuse Priscilla, reste à savoir qui pourrait bien être celui qui les nuits de pleine lune se transforme en une créature redoutable.
Plus qu'un simple film de loup-garou, le seul film lycanthrope italien, Lycanthropus est avant tout un savant mélange de deux genres, le giallo et le film d'horreur traditionnel, ce qui le rend
doublement intéressant. Sous bien des angles la première partie du film s'apparente en effet aux futurs thrillers italiens. On y retrouve en effet quelques uns des éléments qui définiront le genre quelques années plus tard. L'intrigue tourne autour d'un crime commis dans d'étranges circonstances. La victime, une jeune fille qui faisait chanter un respectable notable de surcroit marié avec qui elle couchait, est assassinée par un mystérieux individu ganté de noir qui dés lors va faire disparaitre ceux qui pourraient le démasquer. Une enquête policière est ouverte et très vite le doute s'installe quant aux éventuels coupables. Trois noms sont des potentiels meurtriers. L'ombre de la mort plane sur le pensionnat tandis que la
frêle héroïne fait ses propres investigations à ses risques et périls. Chantage, secrets, adultère d'autant plus morbide qu'il concerne un homme marié d'âge mûr et une jeune fille, meurtres, rien n'interdit donc de considérer Lycanthropus comme une sorte de proto giallo.
Ce n'est que dans sa seconde moitié que le film s'oriente vers l'épouvante gothique avec l'apparition du loup-garou de retour chez lui après un nouveau crime, souffrant de sa condition de bête sanguinaire obligée d'être tenue enchainée afin de ne pas tuer, meurtrie par le fait de faire souffrir celle qui l'aime et le protège. L'identité est de suite révélée, plutôt surprenante avouons le car inattendue. Dés lors Le monstre aux filles se transforme en un
véritable film d'horreur laissant derrière lui l'aspect thriller pour se rapprocher cette fois de la créature de Frankenstein. Heusch s'attache surtout à décrire un monstre presque humain, déchiré à l'idée de devoir toujours et encore tuer, faire souffrir son entourage apportant ainsi une note tragique bienvenue. Si les effets sanglants restent discrets, très discrets même si remis dans le contexte de l'époque ils durent en choquer certains les maquillages sont quant à eux assez convaincants, le masque du loup garou et ses transformations en plans coupe plutôt réussis, plus sages cependant que les lycanthropes de la Hammer, et ses attaques plutôt brutales font mouche.
Lycanthropus n'a rien à envier aux oeuvres de Freda (I vampiri) et de Bava ou même de Margheriti. On peut d'ailleurs facilement l'apparenter à Nude si muore tant pour le lieu de l'action, une école de jeunes filles perdue dans les bois, que pour son atmosphère morbide, inquiétante. Heusch ose même quelques audaces scénaristiques afin d'ajouter une pointe de venin à l'ensemble ne serait ce que par le scandale sexuel que déclencherait la relation coupable qu'entretient Mary avec un homme qui pourrait être son père et la touche d'érotisme certes d'une pudeur extrême mais bel et bien présent puisque indispensable à tout film se déroulant dans une pension pour jeunes filles de bonne famille.
Sans aucun temps mort, filmé dans un sublime noir et blanc, bercé par les inquiétantes musiques de Armando Trovajoli qui renvoient aux bandes originales des meilleurs gothiques italiens, cette coproduction italo-autrichienne doit également beaucoup à son interprétation, discrète mais efficace, d'une intéressante brochette d'acteurs internationaux. En tête d'affiche on trouve l'allemand Carl Schell, la fragile polonaise Barbara Lass, alors épouse de Roman Polanski, le germanique Curt Lowens, le français Maurice Larsac et Luciano Pigozzi, toujours aussi performant et surtout sinistre dans le rôle de l'homme à tout faire boiteux.
Pour son unique incursion dans le monde la lycanthropie, il faudra attendre presque trente ans pour que l'idée se renouvelle avec l'hilarant La croce dalle sette pietre de Marco Antonio Andolfi, d'une médiocrité sidérante, l'Italie atteint à la perfection son objectif. Le monstre aux filles est un véritable petit bijou méconnu de l'épouvante gothique mariant avec succès le giallo et l'horreur traditionnelle made in 60s, un excellent petit film d'horreur à l'ambiance lugubre, joliment divertissant, à (re) découvrir de toute urgence.