Giornata nera per l'ariete
Autres titres: Journée noire pour un bélier / Jour maléfique / The fifth cord
Real: Luigi Bazzoni
Année: 1971
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 89mn
Acteurs: Franco Nero, Silvia Monti, Ira von Fürstenberg, Edmund Purdom, Wolfgang Preiss, Rossella Falk, Pamela Tiffin, Guido Alberti, Maurizio Bonuglia, Corrado Gaipa, Renato Romano...
Résumé: Alors que les convives d'un réveillon du 31 décembre rentrent chez eux, un des invités est attaqué dans un tunnel. Un témoin a vu une silhouette s'enfuir. Très vite d'autres participants vont être assassinés. Andrea Blid, un journaliste alcoolique et désabusé, est rapidement soupçonné par l'inspecteur chargé de l'enquête. Afin de se disculper Andrea va tenter de trouver le véritable meurtrier qui tue selon un rite bien précis: il commet ses crimes uniquement le mardi et laisse un gant dont il coupe un doigt près des corps. En outre, toutes les victimes sont du signe du bélier...
Déjà auteur d'un étonnant mais trop méconnu petit thriller aux réminiscences fantastique, La donna del lago, Luigi Bazzoni récidive en 1971 avec Giornata nera per l'ariete, jouant sur le succès de L'oiseau au plumage de cristal et Quatre mouches de velours gris de Dario Argento. Le genre est alors à son apogée incitant ainsi les metteurs en scène à s'infiltrer pour le meilleur et parfois le pire dans ce prolifique filon. Oeuvre de commande, Giornata nera per l'ariete rebaptisée en France Journée noire pour un bélier (Jour maléfique pour son édition vidéo) n'est jamais que l'adaptation pour le grand écran du roman éponyme de l'anglais David McDonald Devine, une véritable petite réussite au vu du résultat.
Les convives d'un réveillon du 31 décembre va dés le lendemain tourner à la tragédie puisque certains des invités vont être tués par un mystérieux meurtrier suivant un rituel mystique précis. Tous sont en effet du signe du bélier et sont assassinés un mardi. De plus, l'assassin dépose près de leur corps un gant de cuir noir auquel il coupe à chaque fois un doigt. Andrea Bild, un journaliste désillusionné, divorcé et alcoolique, devient vite le principal suspect. Afin de se disculper il décide de mener son enquête et de trouver le véritable coupable dont il devient la cible potentielle. Toutes les victimes étaient apparemment amies ou se connaissaient. Plus Andrea avance dans ses investigations plus il découvre leur vraie personnalité et les secrets qu'elles dissimulent notamment l'organisation de partouzes interdites.
L'intrigue de Journée noire pour un bélier tourne autour d'une phrase écrite dans le carnet de l'assassin qui enregistre sur un magnétophone à bandes les raisons de ses actes: Par delà l'exaltation, il y a quelque chose de divin dans le pouvoir de transformer en un instant et pour l'éternité la souffrance d'un être en quelque chose d'inanimé. Giornata nera per l'ariete s'éloigne des rouages habituels du genre pour une ambiance plus feutrée et un rythme plutôt lent que certains pourront lui reprocher mais il met surtout l'accent sur une étude psychologique assez poussée des personnages tous plus ou moins négatifs, tourmentés, qu'il dessine et définit de manière précise au détriment même de l'intrigue, originale dans son coté mystique, qui passe alors au second plan. A ce niveau, le film de Bazzoni est particulièrement réussi notamment dans la description de son principal personnage qu'il transforme presque en anti héros. Journaliste sur le déclin, désenchanté et alcoolique, play-boy ringard souffrant d'un divorce qu'il a eu du mal aujourd'hui encore à accepter, Andrea n'a de prime abord aucun capital sympathie mais petit à petit il se dévoile, passant de suspect à victime potentielle qui se voit contraint d'aider la police pour sauver sa vie. Il fera preuve non seulement de perspicacité mais aussi de courage dont il aura bien besoin lors d'un final échevelé, angoissant, totalement maitrisé par un Bazzoni qui ose mettre en danger un enfant pourchassé au son d'une boite à musique par le tueur dans une maison plongée dans l'obscurité. Cette séquence haletante magnifiquement réalisée regroupe en
seulement quelques minutes toutes les peurs enfantines: celle du noir, de la silhouette dans la nuit, du jouet qui s'anime. Le temps de quelques minutes Journée noire pour un bélier se transforme en un véritable petit film horrifique auquel la séquence de l'agonie sadique de l'épouse handicapée fait également songer. Andrea regagne lentement l'estime du spectateur avant de devenir un véritable héros,un passage de l'ombre à la lumière qu'on pourra interpréter comme une rédemption.
Très agréable est aussi l'atmosphère certes discrète que le cinéaste parvient à instaurer grâce notamment à l'utilisation abondante du grand angle d'une part, et des espaces d'autre part. Il joue avec eux, noie ses protagonistes dans ces immensités créant un effet d'angoisse, d'oppression, d'intense solitude, une sensation agoraphobique sublimée par une excellente partition musicale en totale adéquation signée Ennio Morricone et une très belle photographie d"un tout jeune Vittorio Storaro qui de surcroit joue avec dextérité sur les contrastes, les lumières, et met parfaitement en valeur chaque facette des protagonistes. A eux deux ils donnent au film toute son envergure, sa dimension, une véritable profondeur.
Bazzoni arrose le tout d'un zeste d'homosexualité, inattendu, source comme très souvent dans le cinéma italien de l'époque de tous les vices, origine entre autres des tourments de l'assassin, assez convaincant dans sa démarche et sa folie homicide, dont le réalisateur parvient à soigneusement dissimuler l'identité jusqu'aux ultimes minutes.
Journée noire pour un bélier n'est évidemment pas parfait. Le scénario manque par instant de rigueur (l'enfant resté seul toute une nuit dans une maison ouverte de toutes parts), certains points demeurent un peu obscurs mais ces quelques défauts sont vite oubliés et pardonnés tant Bazzoni réussit à maintenir un bon niveau de suspens et d'angoisse tout au long de cette histoire teintée d'astrologie qu'il veut complexe sur laquelle il fera toute la lumière lors des explications finales d'une logique implacable. Un fait à souligner tant il est parfois difficile d'être convaincu par l'élucidation du mystère dans ce type de film.
Ceux qui en attendraient par contre des meurtres sanglants seront certainement déçus. Ce bélier n'est pas très graphique encore moins violent. Bazzoni suggère plus qu'il ne montre mais orchestre cependant ses assassinats de façon magistrale, toujours superbement amenés, un point d'honneur au long supplice de l'handicapée, à l'agression dans le tunnel lors de la séquence d'ouverture (certains pourront songer à Orange mécanique) et celle du parc public à la nuit tombée.
Les quelques touches d'humour disséminées ça et là pourront également faire tiquer mais dans le contexte du film elles ne sont jamais qu'une douce tentative pour rendre le journaliste plus sympathique aux yeux du public.
Journée noire pour un bélier bénéficie d'une interprétation sans faille, Franco Nero en tête dans la défroque du journaliste désabusé, un rôle qui annonce d'une certaine façon le personnage de détective alcoolique tout aussi désenchanté qu'il jouera quelques années plus tard dans l'insipide Jour du cobra. A ses cotés on retrouvera quelques solides nom du cinéma de genre italien, tous plus sombres les uns que les autres Maurizio Bonuglia, Edmund Purdom, Luciano Bartoli, Guido Alberti sans oublier Silvia Monti, Rossana Falk, une toute jeune Agostina Belli qui nous offre quelques jolis plans de nudité juvénile et Pamela Tiffin dont le ton enlevé, la gaieté, apportent un rayon de soleil dans une distribution bien négative.
Tout film de commande soit il Journée noire pour le bélier fait partie des meilleures oeuvres qui en ce début de décennie tentèrent de calquer celles de Argento. S'il n'est pas exempt de défaut, le film de Luigi Bazzoni n'en est pas moins un très bon giallo que l'amateur suivra avec passion, captivé par cette histoire faussement complexe qui tient parfaitement la route d'un bout à l'autre du métrage.
Après La donna del lago et avant Le orme Luigi Bazzoni fait une fois encore preuve de son indéniable talent de conteur et de metteur en scène.