Un escargot dans la tête
Autres titres: Snails in the head
Real: Jean-Etienne Siry
Année: 1980
Origine: France
Genre: Drame / Fantastique
Durée: 73mn
Acteurs: Renaud Verley, Florence Giorgetti, Jean-Claude Bouillon, Jeanne Allard, Marcel Gassouk, Charles Dubois, Rose Thierry, Didier Vasseur...
Résumé: Hélène, une romancière dépressive fait la connaissance de Edouard, un artiste peintre responsable de la mort de sa femme et son fils, font connaissance dans la clinique où ils sont soignés. A leur sortie, ils deviennent amants. Edouard emmène alors la jeune femme dans la ferme où il vivait avec sa défunte famille, désormais gardée par un couple de fermier qui prend de suite Hélène en grippe. Elle découvre la passion d'Edouard pour les escargots et très vite ses cauchemars refont surface. A leur retour à paris, Hélène apprend le suicide de son ex-mari. Elle rejette Edouard et sombre dans l'alcool tandis que le jeune homme se jette dans la peinture en refusant tout contact avec Hélène. Un jour, il décide de la recontacter mais les escargots guettent, le couple de fermiers également...
Si au fil des décennies les quelques tentatives d'un cinéma d'horreur ou fantastique français se sont trop souvent révélées pathétiques et fort ennuyantes exception faite des oeuvres inégales d'un de ses seuls représentants, Jean Rollin, ont parfois surgi fort heureusement quelques petites perles surprenantes ou inattendues qui relèvent un niveau désespérément bas. Un escargot dans la tête fait partie de ces agréables surprises et plus étonnant encore c'est à Jean-Etienne Siry, qu'on la doit. Plus connu pour ses trois incontournables classiques du cinéma porno gay qu'il tourna entre 197 et 197, Poing de force, Mâles hard corps et Dieu créa les hommes, Siry termina sa brève carrière de cinéaste en réalisant cet
étrange petit film d'horreur totalement méconnu qui mérite toute l'attention de l'amateur de cinéma autre bleu blanc rouge.
Suite à une tentative de suicide, Hélène, une romancière, fait un séjour dans un hôpital psychiatrique. Elle y fait la connaissance d'Edouard, un jeune artiste peintre interné suite à un accident de voiture qui couta la vie à sa femme et leur fils. Elle lient amitié et décident de se revoir à leur sortie. Devenus amants, Edouard la conduit à la ferme qu'il occupait avec sa famille. Hélène y fait la connaissance de Madame Sevetier, la fermière qui s'occupe des lieux, véritable mémoire vivante du bonheur passé d'Edouard. La vieille femme accepte mal la
présence de cette intruse dans cet univers morbide qui sert aussi d'atelier au peintre. C'est au grenier qu'il peint ses toiles surréalistes. Lors du diner, Hélène découvre la passion du garçon pour les escargots, animal qui lui est servi au repas. Elle découvre également avec effroi qu'il garde avec lui deux affreux mannequins à l'effigie de sa femme et de son fils qu'il dispose autour de la table. Peu à peu les cauchemars d'Hélène ressurgissent, terrifiantes visions peuplées d'escargots. A leur retour de week-end Hélène apprend le suicide de son ex-mari qu'elle n'avait jamais cessé d'aimer. Elle craque, chasse Edouard de sa vie qu'elle accuse d'être responsable de cette mort et se met à boire. Edouard de son coté, meurtri,
retourne à la ferme, brule les mannequins, se met à boire et se réfugie chez son meilleur ami. Il refuse de revoir Hélène et se met à élever des escargots comme s'ils étaient ses enfants. Un jour, il décide pourtant de revoir la romancière malgré la farouche opposition de la fermière. Lorsqu'elle arrive, Hélène découvre la ferme vide. Edouard est mort dans son atelier le corps recouvert de centaines d'escargots. Hélène sombre dans la folie et doit être hospitalisée.
Le scénario est classique et ne fait qu'imager une névrose représentée ici par les escargots assimilés en quelque sorte à la "mère araignée". Un escargot dans la tête est une petite
bande psychanalytique de plus qui joue la carte de l'angoisse, de l'étrange et de l'horreur en tentant de créer un climat cauchemardesque, oppressant, morbide, agrémenté de quelques séquences choc. Le procédé est simple mais efficace puisqu'il faut reconnaitre à Siry d'une part un certain talent pour distiller un sentiment de peur diffuse, d'autre part un sens du visuel évident proche par instant de l'onirisme. Un escargot dans la tête se suit comme un rêve ou plutôt un cauchemar, celui de deux êtres égarés qui chacun à leur façon souffrent d'une névrose bien spécifique qui les empêche de dépasser leurs problèmes relationnels. Esthétiquement superbe, bénéficiant d'une photographie soignée qui met en avant les tons
bleutés, le film regorge de scènes étonnantes, à la fois belles et inquiétantes même si Siry ne fait qu'utiliser les grands artifices du cinéma fantastique et d'horreur traditionnel, La ferme isolée à la campagne, l'étrange et austère fermière gardienne semble t-il de terribles secrets, les mannequins, les toiles surréalistes (peintes par Siry lui même), la présence du Grand Duc, oiseau maléfique qui prend en grippe Edouard, nuits d'orage et pluie diluvienne, silhouette zombiesque qui sort du mur, usage de zooms déformants sans oublier les cauchemars terrifiants d'Hélène. Ils nous permettent notamment d'assister notamment à un effroyable accouchement, celui de la romancière qui se voit mettre au monde des escargots
qui sortent de ses entrailles avant l'apparition d'un berceau remplit de gastéropodes, et la découverte du corps d'Edouard recouvert d'escargots. On soulignera une inquiétante partition musicale singée Didier Vasseur, un chant guttural aux paroles funestes murmurées sur un fond de musique synthétique lancinante. On savourera quelques scènes aux limbes de l'onirisme, presque surréalistes, d'une beauté à toute épreuve, plus particulièrement celle de la forêt verdoyante sous l'orage.
Malgré ses qualités, on regrettera cependant un scénario peu clair faute d'avoir semble t-il privilégier l'aspect fantastique et visuel au détriment de l'intrigue elle même et plus
précisément tout le coté psychologique ou psychanalytique de l'intrigue. Ainsi s'amoncelle dans l'esprit du spectateur un tas de questions qui resteront sans réponse. Certains personnages restent énigmatiques notamment celui de la fermière. Qui est elle réellement, quel lien la lie à Edouard, quel secret garde t-elle et quels étaient le rapport qu'elle entretenait avec la famille du peintre? Tout aussi flou est la relation qui existe entre Edouard et son meilleur ami. On se demande en vain la raison de la présence de ce personnage dans l'histoire si ce n'est d'arroser l'ensemble d'un soupçon d'homosexualité voilée mais clairement patente, moyen gratuit pour Siry de donner libre cours à son homosexualité. Si
celle ci n'a aucune raison d'être ici elle nous livre tout de même une très belle scène aussi feutrée que morbide alors que les deux amis sont sous l'effet combiné de l'alcool et de l'herbe. Certaines réactions pourront surprendre par leur manque de logique (Hélène accepte sans sourciller que Edouard installe les mannequins à leur table) ou se dresse vertement contre la fermière sans véritable raison au lieu d'apaiser les tensions existantes. Quant au final, abrupt, il ne fait qu'accroitre cette frustration narrative, donnant la désagréable impression que Siry, incapable de mener une intrigue psychologiquement trop lourde pour lui, va au plus simple, visiblement à cours d'idée. Pourquoi la ferme est elle déserte, que
sont devenus le couple de fermier, pourquoi les escargots ont ils tué Edouard... On ne le saura jamais puisque le film s'arrête au terme de 73 petites minutes, laissant le spectateur à la fois intrigué, fasciné et surtout frustré.
Quelques soient ses défauts et son manque de rigueur, Un escargot dans la tête est un film aussi curieux qu'attrayant qui ne laissera pas indifférent l'amateur de bizarreries horrifiques mené par un duo d'acteurs tout à fait crédibles, Florence Giorgetti et Renaud Verley qui dans la peau du peintre poursuivait en quelque sorte le rôle qu'il tenait dans l'excellent La cloche de l'enfer. On mentionnera également la prestation de Jeanne Allard, la fermière, et Jean-Claude Bouillon.
Le fantastique à la française est suffisamment rare pour ne pas laisser une chance à cet Escargot qui devrait en envouter plus d'un et... terrifier plus d'une femme enceinte!