L'amantide
Autres titres: Teodora Santoro
Real: Amasi Damiani
Année: 1977
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 88mn
Acteurs: Erika Blanc, Aldo Reggiani, Pia Giancaro, Anna Zimmermann, Andrea Aureli, Lida Ferro, Piero Mazzinghi, Alison Swaisland, Patrizia Costa, Giovanna D'Albore, Galliano Bertini...
Résumé: Après la mort de son époux, Teodora Santoro a repris en main le domaine familial qu'elle dirige énergiquement. Regroupée sous le même toit, la famille Santoro lui obéit au doigt et à l'oeil. Teodora est cependant inquiète. Aucune des femmes ne tombe enceinte, la lignée des Santoro est menacée. Son frère Rodolfo est un invétéré coureurs de jupons qui trompe son épouse allégrement. De plus un accident cérébral va le condamner à la chaise roulante. Son petit fils est marié à Anna Luisa mais le couple n'a toujours pas de bébé. Quant à sa fille elle est lesbienne, mariée à un homme qui se suicidera par désespoir. Eleonora, l'épouse du malheureux Rodolfo, est désormais libre et surtout sexuellement frustrée. Teodora, impitoyable, va forcer son petit-fils à coucher avec Eleonora afin qu'elle tombe enceinte...
S'il réalisa une trentaine de films en l'espace de quasiment vingt cinq ans de carrière, Amasi Damiani demeure pourtant un metteur en scène dont on sait peu de choses. Entourés d'un permanent voile de mystère, ses films difficilement visibles sont souvent l'objet d'un certain culte auprès des connaisseurs, L'amantide tourné entre 1975 et 1976 ne fait pas exception à la règle.
Afin de mieux comprendre le film il est utile de revenir sur sa genèse. Ecrit par Piero Regnoli, un des spécialistes de la comédie érotico-dramatique douce-amère notamment celles dont
Gloria Guida fut l'héroïne, L'amantide fut proposé à un Damiani peu convaincu par ce scénario qu'il ne sentait pas du tout. Face à cette histoire familiale dont il ne savait que tirer, il imagina alors ce que Ingmar Bergman en ferait. Il coupa, retravailla, remania le scénario en se mettant dans la peau du célèbre réalisateur et petit à petit naquit la nouvelle version du film qui se rapprochait quelque peu de Cris et chuchotements. Peut être est ce là l'explication quant au coté décousu de L'amantide scindé en deux parties distinctes qui ont pour point commun leur féroce manque d'énergie et surtout de conviction.
Originellement intitulé Teodora Santoro, matriarche qui règne avec sévérité sur la famille
Santoro réunie dans le manoir familial depuis le décès de son époux, le film tourne autour de ce personnage austère, exécrable, cruel, prêt à tout pour que survive la lignée des Santoro. Insatiable coureur de jupons, son frère Rodolfo a épousé en secondes noces la belle et encore jeune Eleonora, femme sexuellement frustrée, aujourd'hui lasse des infidélités de son mari. Riccardo, le fils de Rodolfo, est marié à Anna Luisa, une jeune femme droite et discrète dont Pia, la fille lesbienne de Teodora mariée à un impuissant, est secrètement amoureuse. Désespérée à l'idée qu'aucun ne puisse enfanter, se refusant de voir petit à petit s'éteindre le nom des Santoro, Teodora complote, manigance, incite chacune des femmes à
tomber enceinte plus particulièrement Eleonora. Ce bel espoir s'évanouit lorsque Rodolfo frappé d'une lésion cérébrale alors qu'il faisait l'amour à une domestique perd non seulement l'usage de la parole mais se retrouve impotent à jamais cloué dans un fauteuil roulant. Un autre drame frappe la famille lorsque le mari de Pia se suicide incapable de supporter plus longtemps l'homosexualité d'une femme qui l'ignore et le rabaisse. Sans scrupule, immorale, Teodora demande alors à Rodolfo de coucher avec sa belle-mère et de lui faire un enfant. Ecoeuré par une telle amoralité, il se voit pourtant contraint d'accepter
Si Eleonora a deviné ce que tramait la matriarche, elle se laisse cependant séduire voyant là une manière de satisfaire une sexualité depuis trop longtemps en berne. Riccardo préférera finalement s'enfuir plutôt que de s'abaisser à un tel acte, se rebellera contre son ignoble tante qu'il tuera après une ultime et ignominieuse altercation. Soudés à la vie comme à la mort, les Santoro continueront leur vie comme si de rien était.
Les moeurs dépravées de la haute bourgeoisie, noyée dans le vice, la décadence et la perversion, fut un des thèmes privilégiés du cinéma italien des années 70. L'amantide n'en est jamais qu'une énième illustration qui malgré ses nombreux défauts pourra surprendre par sa noirceur et son machiavélisme. Le premier de ces défauts est très certainement celui
de ne pas avoir su quelle direction donner au film. L'amantide débute en effet comme une sorte de mélodrame familial plutôt fade et sans véritable consistance teinté d'érotisme morbide, agrémenté d'un zeste de sexy comédie grinçante. S'ensuit une première demi-heure particulièrement lente et assez ennuyante qui n'a d'intéressant que ses paysages automnaux, froids et tristes et la présence d'Erika Blanc, diaphane et désirable, aux cotés de Pia Giancaro, lesbienne cynique et méprisante. En outre, la mise en scène peu imaginative, mollassonne, ne fait qu'accroitre ce déplaisant sentiment d'ennui aggravé par une absence quasi totale d'atmosphère. Filmer des décors pré-hivernaux, une lourde et
froide bâtisse bourgeoise ne suffit en effet pas à instaurer un climat de décrépitude, la décadence de l'être, la totale désertification intérieure.
Amasi n'est pas Bergman, il se montre vite incapable de la moindre émotion peu aidé par l'inexpressivité des comédiens. C'est donc détaché qu'on suit les infidélités et autres frustrations amoureuses des différents membres de cette famille dissolue que dirige d'une main de fer Teodora, la matriarche ultra chrétienne qui use et abuse du sadisme mental le plus extrême pour que survive la lignée des Santoro. Cela ne suffit malheureusement pas à donner un peu de corps à ce drame familial teinté d'érotisme morbide désespérément plat
malgré un bel éventail de vices et autres turpitudes que Amasi dissémine ça et là tout au long du métrage.
Plus surprenante et surtout malsaine est la seconde partie qui oublie le coté mélodramatique sulfureux pour prendre une direction plus inattendue particulièrement morbide comme souvent le cinéma italien d'alors pouvait en imaginer. Odieuse et sans scrupule, faisant fi de toute moralité, Teodora exige de son petit-fils, lui même déjà marié, qu'il couche avec sa belle-mère et lui fasse un enfant, un chantage obscène qui pour chaque membre de la famille se transformera en une sorte de point de non retour dont chacun en subira les conséquences.
Malheureusement Amasi n'est pas à la hauteur de ses ambitions, la mise en scène est irrémédiablement terne et plate ce qui fait perdre au scénario non seulement beaucoup de sa noirceur mais aussi de son intérêt. Une fois l'effet de surprise estompée le spectateur n'a plus qu'à replonger dans une douce léthargie avant un ultime sursaut lors d'un final, soit les dix dernières minutes, où explose toute la folie et le sadisme de la matriarche. Le vice est un gène de famille que pas même la mort ne peut faire disparaitre. S'il ronge et détruit bien souvent les âmes, d'autres peuvent en tirer profit. Une incursion dans l'esprit des survivants de cette famille si bien pensante réunie pour le repas dans le plus grand silence sur fond
d'images des tragédies passées confère à ce final une bien inattendue et bien agréable dimension émotive. Une sinistre conclusion dont on aurait aimé retrouver la force dramatique tout au long du film.
Comment ne pas esquisser un sourire face à la gratuité ou le ridicule de certaines situations notamment la soudaine paralysie d'Andrea Aureli suite à une tout aussi soudaine lésion cérébrale alors qu'il troussait une domestique dans l'étable? Non seulement il est cloué dans une chaise roulante mais il perd aussi l'usage de la parole et bizarrement ses cheveux s'ébouriffent et deviennent gris. Jamais Andrea n'aura autant ressemblé à Einstein!
Comment ne pas pouffer devant le dévouement de son infirmière, personnage inutile dont la pitié se transforme dirait-on en amour, qui pour satisfaire son insatiable libido se déshabille et se masturbe face à lui, Andrea mimant beaucoup mieux l'apoplexie que l'excitation. Amasi s'attarde sur certains détails graveleux, insiste sur l'aspect morbide de l'intrigue, feint un certain onirisme raté (le rêve dans lequel, frustrée, Eleonora se voit à travers le miroir de sa chambre entrain de faire l'amour au séduisant valet) mais il reste étonnamment pudique sur les scènes de sexe et filme hors-champ le suicide de l'époux de Pia, se contentant du simple bruit d'une chute dans le lac sur une envolée de violons auxquelles se mêlent les cris des ébats saphiques de son épouse.
L'interprétation, fade, est plutôt quelconque, la plupart des acteurs donnent l'impression de s'ennuyer, Piero Mazzinghi en tête qui déambule dans les feuilles mortes. Aldo Reggiani, crispé, n'est pas jamais très convaincant, Anna Zimmermann est inexistante quant à Andrea Aureli, transformé en légume humain, il est trop souvent ridicule. Seule Lidia Ferro, sadique matriarche, investie, professionnelle, donne du corps à son rôle. Et c'est avec grand plaisir qu'on retrouvera surtout une séduisante Erika Blanc, toujours aussi parfaite, tour à tour hagarde, frustrée et révoltée, qui de surcroit nous offre quelques plans audacieux de nus frontaux parfaitement réjouissants. Son talent ne suffit malheureusement pas à sauver L'amantide, un film fort peu crédible, de l'ennui général, un des dénominateurs communs de la filmographie de Amasi, cinéaste apparemment inspiré mais trop peu talentueux semble t-il pour mener à bien ses ambitions.
La décrépitude et les vices morbides de la haute bourgeoisie ont connu plus efficace, beaucoup plus efficace, nettement très nettement plus efficace.