Adam et Yves
Autres titres:
Real: Peter De Rome
Année: 1974
Origine: France / USA
Genre: X
Durée:72mn
Acteurs: Giovanni Marcus, Michael Hardwick, Bill Young, Kirk Luna, Jack Deveau, Charles Pooney , Mark Connors, John Davis, Bob Jones, Gary Keys, David Page, Glenn Wilson, Earl Wilson, Luther LeVale...
Résumé: Alors qu'il prend un café avec un ami Yves remarque un bel américain. Il le suit et le rejoint à son appartement. Il se fait sodomiser. Yves tombe amoureux de ce charmant touriste à qui il va faire visiter Paris entre deux récits de leurs aventures sexuelles respectives et de torrides étreintes. Yves aimerait qu'il devienne son amant, Adam ne cherche qu'un ami. Entre eux, une règle. Adam ne veut pas dévoiler son prénom, une façon de garder sa liberté. Au petit matin, les deux garçons auront ils trouvé un terrain d'entente?
Après une tentative de carrière de comédien vite avortée, le français Peter De Rome réalisa pour son propre plaisir dès le milieu des années 60 toute une série de courts métrages gays hardcore qui en fit d'une certaine manière l'ancêtre du cinéma pornographique homosexuel. Lorsque l'un d'entre eux fut sélectionné au Wet dream festival d'Amsterdam et remporta le premier prix, le pornographe américain Jack Deveau le remarqua et décida de sortir en 1973 une compilation de son travail sous le titre The erotic film of Peter De Rome. L'année suivante De Rome installé en Angleterre vint à Paris et réalisa son premier long métrage
produit par Deveau Adam et Yves entièrement tourné dans la ville lumière.
Si le titre peut aujourd'hui faire sourire tant l'expression a été au fil du temps galvaudée, elle dut à son époque retourner plus d'une bonne âme à l'image du film lui même qui narre les aventures sexuelles de Yves, un jeune parisien qui un jour assis à une terrasse remarque le bel Adam, un fringant américain en villégiature dans la capitale. Tombé sous son charme, il le suit jusque chez lui, lui fait l'amour et devient son amant. A partir de cet instant, Adam tout comme Yves vont se raconter leurs différentes aventures sexuelles. Adam fait ainsi découvrir New-York à Yves qui de son coté lui sert de guide à travers Paris. Il y a cependant une règle
entre eux que Yves va bien souvent s'efforcer d'enfreindre. Il ne doit pas demander à Adam son prénom. Non pas que cela soit un secret mais Adam ne souhaite tout simplement pas que leur relation devienne un tant soit peu sérieuse. Yves cherche en effet l'amour, Adam a seulement envie de s'amuser. Leur liaison s'arrêtera lorsque Yves reconduira Adam à l'aéroport.
Le scénario n'est pas très original, il serait même banal si justement De Rome ne se rattrapait pas en jouant avec un certain style de narration et de mise en scène tout en agrémentant l'ensemble de quelques jolis clins d'oeil cinématographiques, la référence
évidente étant celle de la première scène X du film, véritable revisitation gay du Dernier tango à Paris. Lorsque Yves rejoint Adam dans l'appartement vide juste avant de le sodomiser à même le sol dans une semi-obscurité on ne peut s'empêcher de revoir Maria Schneider aux prises avec Marlon Brando. Tout est là même le beurre. On y retrouve également cette alchimie entre ces deux êtres, cette passion sauvage mêlée de tendresse. Et ce n'est certainement pas un hasard si lors d'une traversée de Paris, on aperçoit l'affiche du film de Bertolucci.
Tout aussi intéressant est cette traversée de la capitale que nous offre le cinéaste qui devrait
enchanter tous les nostalgiques du Paris des années 70. Il nous balade en effet le long des grands boulevards, des principales avenues au gré des déambulations de nos deux amants. La Concorde, Opéra, les Champs-Elysées, le Père Lachaise, St Cloud... un véritable délice pour les amoureux de la plus belle ville du monde, filmée sur le vif, témoignage d'un passé lumineux. C'est aussi l'époque d'une vie gay aujourd'hui disparue que beaucoup regrette et rêveraient de pouvoir (re)vivre, celle de la drague sauvage entre hommes, dans les cinémas, la rue mais surtout les pissotières. Cela nous vaut un étrange petit intermède typiquement français, celui justement du bon français et sa baguette de pain qu'il trempe dans l'urine des
urinoirs, le baba au rhum parisien nous apprend Yves. Outre cet aparté aux senteurs pisseuses, fruit des observations des deux amoureux du haut d'une église, c'est surtout la très excitante orgie qui se déroule dans les toilettes d'un cinéma qu'on retiendra, un des principales scènes de sexe du film. Hommage au cinéma d'exploitation et à la blackspoitation qui envahissait alors les écrans des salles obscures parisiennes, après un tour des cinéma qui affichent les plus gros titres d'alors (Shaft, Massacre... mais aussi le célèbre mondo Les négriers, véritable plaisirs visuels pour tous les cinéphiles), Peter De Rome nous entraine dans une salle de cinéma principalement occupée par de jeunes noirs
qui se rejoignent progressivement dans les toilettes. On urine côte à côte, on s'observe, on se masturbe, l'excitation et le désir grandissent jusqu'à ce que tous ces jeunes étalons de couleurs se retrouvent nus ou le pantalon aux chevilles sur le carrelage blanc, découvrant de superbes sexes turgescents, ardents, prêts pour de juteuses fellations et de magnifiques sodomies qui se finiront dans un coït général lors duquel les éjaculations sont filmées au ralenti. La caméra se fige alors au ras du sol sur les pantalons et slips roulés mi-mollet, les chaussettes et chaussures, laissant ainsi le spectateur dans une douce extase parfumées aux essences de mâle javelisées ou... pas.
Adam et Yves respire également la culture gay dont il s'imprègne. Les deux garçons vont visiter l'endroit où Oscar Wilde est enterré puis vont jusqu'à la tombe de Jean Cocteau dont l'ombre hante régulièrement le métrage. On y retrouve son fantôme lors de deux autres scènes de sexe cruciales. La première est très certainement la plus belle, la plus poétique, la plus onirique du film, empruntée au Sang des bêtes. Alors qu'ils sont dans une église, Yves propose à Adam de coller son oeil à un trou dans un mur. Il y observe alors un superbe éphèbe au corps parfait, aux muscles saillants, au sexe fièrement dressé, entrain de se masturber face à son propre reflet, presque irréel. Les images de son corps parfait, de ses
caresses intimes, se superposent sur le visage de l'intrus pour ne plus former qu'une seule et unique image, fascinante, fantasmagorique. On songe bien sûr au cinéma de Deveau, Wakefield Poole, James Halsted, sa magie, cette touche de fantastique qui s'associe à l'homo-érotisme le plus brulant.
La seconde suit directement celle ci lorsque Yves invite Adam chez lui, un superbe salon au décor étrange garni de sculptures bizarres qui évoquent là encore l'univers de Cocteau. Feu de cheminée, bougies, chandeliers, l'ambiance est propices aux ébats intimes les plus torrides. Malgré le refus d'Adam, Yves se fait pressant, il est amoureux, Adam se laisse
finalement aller. Yves le déshabille lentement, termine l'effeuillage par ses fines chaussettes noires dont il respire l'odeur avant de les jeter négligemment, s'imbibant de leur parfum viril avant de lui faire l'amour à la fois tendre et sensuel au son d'une douce musique champêtre, cette même partition qui sert d'accompagnement musical à tout le film.
On ne peut parler de Adam et Yves sans mentionner la superbe scène où Adam raconte à Yves une de ses aventures new-yorkaises, le jour où en quête de sexe il rencontra un jeune mécanicien irlandais-polonais nommé Bud dont il tomba éperdument amoureux en un seul regard jusqu'à être totalement paralysé par sa beauté. Bud le conduisit chez lui. Tout est
langueur, on retient son désir, on suffoque d'envie, on se découvre, on se rapproche. Adam voit son rêve se réaliser lorsque avec une timidité presque feinte, il fait glisser la braguette de Bud, plonge sa main à l'intérieur pour y découvrir ce qu'il espérait tellement. Il fait glisser le jean puis le slip blanc qu'il roule mi-cuisses. Les deux hommes vont s'aimer intensément mais cette fois les mots sont plus forts que les images. Raconté en voix off par Adam le récit est à la fois terriblement poétique et fabuleusement érotique. L'excitation provient plus de ce que suggèrent la description des corps et de l'acte qu'en fait Adam que des étreintes elles mêmes. De Rome nous invite purement et simplement au coeur même de l'extase
masculine, de la beauté transcendée des amours viriles à travers une simple narration faite de mots choisis, une ode orgasmique fulgurante sublimée par une chorégraphie volcanique d'images évocatrices fortement homo-érotiques.
Au petit matin, Adam et Yves reprennent leur conversation. Tout deux ne semblent définitivement pas suivre les mêmes règles du jeu. De Rome évoque la difficulté de se faire des amis dans le milieu gay où tout n'est que souvent sexe, les amis sont souvent des amants. Yves voudrait être amoureux, Adam aimerait être son ami et pouvoir continuer à enchainer les rencontres. Leur chemin se sépare à l'aéroport après que l'américain ait suggéré à son ami-amant d'un soir de venir lui rendre visite à New-York. Yves s'éloigne en
voiture, aperçoit un couple hétérosexuel faire l'amour dans un bois. Il les envie. La voiture disparait. Adam était peut être l'idéal de Yves mais les idéaux ne sont que des rêves tandis que l'amitié rappelle Cocteau n'est qu'une invention de l'homme. Adam et Yves n'est que la quête d'une relation impossible tant sur le plan amical que sur le plan amoureux, le type de relation qui laisse un gout amer mais marque à jamais ceux qui un jour l'ont vécu.
Si le film de De Rome marqué par l'interprétation du brun Marcus Giovanni et du blond Michael Hardwick respectivement Yves et Adam supplanté par la beauté étourdissante de Kirk Luna, le mécanicien, ne possède pas la magie des oeuvres de Deveau, Poole ou Halsted, il n'en demeure pas moins un incontournable du cinéma gay d'hier, une oeuvre belle et forte, sympathiquement fantasmatique à qui il manque simplement ce petit plus qui fait toute la différence mais qui à sa façon sublime une fois de plus la magnificence des amours masculines.
Gageons que beaucoup après avoir visionné les pérégrinations coquines de ce bel américain à Paris blotti dans les bras de son jeune guide-amant ne rêveront plus que de s'enivrer à leur tour de l'odeur des chaussettes et sous vêtements de nos deux tourtereaux avant de s'endormir, tout émoustillés, lovés au creux d'un songe bien humide. Si l'erreur divine fut Eve, Adam et Yves rectifie le tir!