Nana: la vera chiave del piacere
Autres titres: Nana le désir / Nana
Real: Dan Wolman
Année: 1983
Origine: Italie
Genre: Erotique
Durée: 90mn
Acteurs: Katya Berger, Debra Berger, Jean-Pierre Aumont, Massimo Serrato, Yehuda Efroni, Mandy Rice-Davies, Shirin Taylor, Annie Belle, Pail Muller, Tom Felleghy, Robert Briodges, Marcus Beresford...
Résumé: Nana, jeune fille pauvre née dans la misère, devient à 15 ans une des jeunes filles les plus convoitées par les hommes après avoir été embauché comme danseuse dans un cabaret. Si elle se prostitue elle s'entiche cependant du comte Muffat, un conservateur dévot en qui elle voit surtout une formidable source d'argent. Fou de l'adolescente, le vieil homme cède à ses caprices les plus pervers et doit accepter qu'elle le partage avec ses nombreux amants dont son fils qui est sur le point de se marier. Nana fait alors connaissance de Satin, une catin de luxe avec qui elle va entretenir une relation amoureuse au grand désespoir de Muffat que Nana va ruiner...
Après s'être attaqué à Apollinaire (L'iniziazione) c'est à un autre grand écrivain de notre littérature française auquel le cinéma italien s'intéresse cette fois puisque c'est Emile Zola qu'adapte le réalisateur israélien Dan Wolman au grand écran en mettant en scène Nana. Rappelons pour mémoire que Nana, présenté comme la suite de L'assommoir, narrait la vie d'une jeune prostituée parisienne de 16 ans née dans la misère puis devenue célèbre en chantant dans un cabaret où par ses déhanchées elle affolait tous les hommes. Si elle se met en ménage avec un homme violent, tout en entretenant une relation lesbienne avec
Satin, une putain, c'est le comte Muffat qui attire toute son attention. Le vieil homme, conservateur dévot, n'a d'yeux que pour elle, prêt à tous les sacrifices pour la posséder. Nana va l'humilier et le rabaisser, faire de lui sa chose, le fruit de toutes ses perversions, voyant surtout en lui une source d'argent considérable. Par amour, Muffat abandonne tous ses principes, accepte les outrances les plus inhumaines y compris celle de voir Nana courtiser son propre fils, déjà fiancé, pour mieux lui faire l'amour le jour de son mariage dans le carrosse nuptial. Sur ordre de Satin Nana repoussera finalement le comte qui ne voulait d'elle que fidélité en échange de son argent, atteindra le sommet de sa gloire lors d'une
course hippique qui verra le cheval porté son nom remporter la course. Rejetée par tous ses amants, elle mourra de la petite vérole à 19 ans, seule et abandonnée.
Le générique d'ouverture le précisait, le film n'est qu'une adaptation très libre de l'oeuvre de Zola dont Wolman n'a gardé que les très grandes lignes. Si libre que cette version de Nana, produite par Golan-Globus, n'a plus grand chose à voir avec le roman si ce n'est l'époque, le nom de sa jeune héroïne et quelques unes de ses frasques, En fait il n'a conservé que l'aspect sexuel de l'histoire et transformer Nana en une sorte de film de sexploitation de fin de parcours, tentant semble t-il de retrouver l'esprit débridé et particulièrement osé d'une
époque depuis longtemps révolue. En fait Nana, sorti plus que discrètement en salles durant l'été 83 sous le titre Nana le désir, est une tentative hybride entre une certaine forme de cinéma relevant de l'euro-trash et un cinéma érotique plus clinquant à la Just Jaeckin à qui Wolman empreinte ses fameux flous et autres demoiselles en fleur en proie aux tourments du sexe sur fond de décors esthétisants. En ce sens, Nana le désir est un petit film érotique visuellement beau. Tant le choix des costumes que des décors d'époque eux mêmes ont cette élégance, ce chic tape à l'oeil, ce vernis qui cache le vide d'une histoire qui en soi dénature le roman du célèbre écrivain.
Composé d'une série de petites séquences censées conter les aventures galantes de Nana plutôt mal reliées entre elles, chacune se termine sur un fondu au noir fait d'un rond qui se referme sur lui même, le film n'est pas seulement d'une extrême fadeur mais également d'une telle tiédeur érotique qu'il n'excitera guère le spectateur qui pour passer le temps n'aura plus qu'à admirer les courbes juvéniles de Nana à travers ses nuisettes transparentes, ses peignoirs et autres négligés en satin négligemment ouverts et les nombreux plans de nudité qu'il multiplie tout au long du film. En fait, Nana semble être une excuse pour profiter au maximum de la désinvolture de sa jeune actrice, Katya Berger, qui
est à jamais entrée dans l'histoire du cinéma italien à tout juste 12 ans en interprétant une sorte de version brune de Eva Ionesco dans le très audacieux La gamine de Mimmo Cattarinich. On pourrait même dire que sous couvert d'alibi culturel Nana est une version plus adulte de ce film maudit tant il lui ressemble par instant. On y retrouve ce goût prononcé pour les flous artistiques, ces scènes où la post-adolescente prend son bain, fait sa toilette, se prépare devant d'énormes miroirs, attise la convoitise d'hommes plus vieux voire beaucoup plus vieux qu'elle, l'ensemble baignant dans une partition musicale signée Ennio Morricone à la fois suave et mielleuse afin de donner au film une note de poésie coquine.
Malheureusement l'érotisme est cette fois vain car trop édulcoré, on reste dans le bon goût et la décence même si on se veut un brin sulfureux. Mais la Nana de Wolman est décidément à des années lumières de celle de Zola, Le réalisateur a gommé tout le souffre de la courte vie de cette adolescente débauchée et vicieuse pour n'en retenir qu'une très mince pellicule qui aura un peu de mal à procurer quelques vertiges, quelques frissons interdits au spectateur encore moins à satisfaire ses désirs libidineux et autres instincts voyeurs.
Si Katya Berger du haut de ses 17 ans est toujours aussi à l'aise dans les scènes de nu et les séquences pimentées, il est par contre assez difficile de croire qu'elle puisse autant faire
chavirer les hommes. Ses magnifiques yeux verts ne compensent malheureusement pas une beauté plutôt ingrate d'autant plus que ses partenaires féminines, Annie Belle, Mandy Rice-Davies et sa soeur ainée Debra Berger sont et de loin bien plus attirantes et affriolantes qu'elle. Le personnage ne fonctionne pas vraiment, jamais crédible, et le film atteint par moment des sommets de ridicule comme en témoigne la scène où Wolman reconstitue le cinéma de Méliès en présence de Méliès lui même et surtout celle où Muffat est contraint de faire le cheval puis le chien afin de satisfaire les caprices de Nana. Voir le pauvre Jean-Pierre Aumont qui traverse avec une étonnante élégance, professionnel jusqu'au bout
du sabot... ou de la griffe... cette fausse grivoiserie littéraire laisse perplexe mais on gardera cependant longtemps à l'esprit l'image du grand acteur réduit à marcher à quatre pattes pour rapporter le bâton à sa maitresse. C'est la seule façon qu'a trouvé Wolman pour illustrer les humiliations subies par Muffat de la part de sa jeune amante. Toujours pour épicer son récit, Wolman transforme la fameuse course hippique de Zola en une chasse à courre où le gibier est la femme. Lâchées nues dans les bois environnant le domaine de Muffat, elles sont poursuivies par les cavaliers qui pourront leur faire l'amour une fois attrapées alors que le public, joyeusement excité, Nana en tête, les observe à la lunette. Cela offre au spectateur
une des scènes les plus croustillantes du film, une orgie boisée à la limite du hardcore, malheureusement censurée dans la plupart des copies en circulation au même titre que les ébats saphiques de Nana et Satin et l'accouplement des clients du bordel de cette même Satin.
Et comme toutes ces références au cinéma d'exploitation d'antan ne suffisaient pas, il adopte à sa manière le jeu de séduction entre Nana et un puissant écuyer de couleur en imaginant Nana, bouleversée par ce corps tout en muscles, uniquement vêtu d'un petit pagne rouge, entrain de lui faire une fellation dans une écurie près d'un cheval, plan là encore souvent
censuré. C'est certes drôle mais si inoffensif qu'on en regrette justement encore plus cette époque pas encore si lointaine.
Point de conclusion tragique et mortifère ici contrairement au roman mais un splendide happy end, Nana symbolise en effet la femme émancipée en avance sur son temps. Elle décide de partir aux Indes et le film se clôturera sur la jeune fille s'envolant à bord d'une montgolfière sous un lâché de ballons multicolores digne d'une fête foraine tandis que la foule l'acclame et crie haut et fort son nom. C'est beau, guilleret mais terriblement kitsch et niais.
Malgré ses nombreux défauts, Nana n'est pas vraiment un mauvais film. Il ne faut surtout pas le voir comme une adaptation précise et précieuse de l'oeuvre d'origine. Oublié Zola et tout le contexte social, Nana n'est qu'un prétexte pseudo littéraire pour un petit film érotique guère ambitieux, un film de genre de vie, les ultimes soubresauts de ce que fut jadis l'exploitation. Nana est involontairement drôle mais visuellement beau, il fait effet malgré un budget visiblement étriqué, quelques scènes sont plutôt réussies (les ébats lesbiens entre Nana et Satin, à la fois tendres et sensuels, notons qu'il était assez pernicieux de donner ce rôle à la propre soeur de Katya) et Katya Berger désormais presque femme mais pas très
bonne actrice, maladroite, continuera très certainement à faire rêver ses admirateurs. On regrettera simplement que Annie Belle, poudrée et perruquée, ne soit pas plus présente, son rôle étant quasiment réduit à une simple figuration.
Au vu de la rareté du film aujourd'hui, Nana mérite quoiqu'il en soit d'être visionné dans sa version intégrale bien entendu en guise de hors d'oeuvres avant un mets charnellement plus consistant. Cela sera toujours plus appétissant que l'adaptation interprétée par Véronique Genest quelques années plus tard! .