Estratto dagli archivi segreti della polizia di una capitale europea
Autres titres: Tragic ceremony / From the secret police files of a european capital
Real: Riccardo Freda / Walter Filippo Ratti
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Horreur
Durée: 87mn
Acteurs: Camille Keaton, Tony Isbert, Máximo Valverde, Luigi Pistilli, Luciana Paluzzi, José Calvo, Paul Muller, Beni Deus, Irina Demick, Adriana Facchetti, Fulvio Mingozzi, Giovanni Petrucci, Pablo Garcia, Elsa Zabala, Milo Quesada, David Thomson, Alejandro De Enciso...
Résumé: Quatre jeunes hippies passent un week-end entre eux le long d'un bourg côtier. L'un d'entre eux, Peter offre un collier de perles à Jane. Il l'avait acheté pour sa mère qui refusa de le porter après avoir appris qu'il aurait jadis appartenu à une sorcière. Le légende voudrait que quiconque le porte meurt. Tombés en panne d'essence, ils trouvent une station service. Le vieux gérant, méfiant, accepte de leur en donner mais ils tombent de nouveau en panne sous la pluie battante. Ils trouvent alors refuge dans un manoir tenu par Lady Alexander. Ils découvrent bien vite qu'elle s'adonne à la magie noire et s'apprête à sacrifier Jane sur l'autel. Ils la délivrent ce qui rend les participants à cette messe noire totalement fous. Ils s'entretuent. Les quatre jeunes gens s'enfuient, se rendent compte que la station essence n'a jamais existé tandis que la police de son coté découvre le massacre sanglant. Etrangement le corps de Lady Alexander a disparu. Reclus dans une maison, les malheureux vont être tour à tour tués par un mystérieux assassin. Jane semblent quant à elle totalement indifférente à tout...
Si le nom de Riccardo Freda restera surtout associé à celui de Mario Bava et à toute une série de peplum, de films historiques et quelques fleurons du cinéma d'épouvante gothique (L'effroyable secret du Professeur Hitchcock et sa séquelle, Les vampires, Caltiki, Le château des amants maudits) , le metteur en scène perdit dés la fin des années 60 de sa flamboyance. Commença alors un lent déclin qui s'achèvera en 1980 avec le désolant Murder obsession.
S'il ouvrit les années 70 avec un giallo de piètre mémoire, L'iguana dalla lingua di fuoco, son film suivant, Estratto dagli archivi segreti della polizia di una capitale europea plus connu sous son titre anglais Tragic ceremony, est la triste preuve de ce déclin puisque ce film d'horreur fait très certainement partie des pires que le cinéaste ait tourné mais également un des plus mauvais de cette nouvelle décennie. Tout n'est peut être pas de la faute de Freda. Il faut en effet souligner le fait que le réalisateur suite à de profonds différends avec la production quitta le plateau après seulement quelques jours de tournage. Ne souhaitant
absolument pas voir le projet tomber à l'eau, les producteurs appelèrent à la rescousse Filippo Walter Ratti (La nuit des damnés) qui remania à la hâte le scénario écrit à la base par Mario Bianchi. Il utilisa les scènes déjà mises en boite par Freda auxquelles il ajouta alors les siennes. Le résultat est une telle catastrophe que d'une part Freda renia le film, d'autre part, Ratti refusa d'en endosser la paternité. C'est le nom de Freda qui fut cependant retenu par la production même si le réalisateur raya ce désastre pelliculaire de sa filmographie.
Le prologue laissait pourtant présager une petite série tout à fait sympathique solidement ancrée dans le filon du film hippie alors fort en vogue. Quatre jeunes gens profitent de leur week-end et du soleil sur le bateau de l'un d'entre eux, jouent de la guitare puis installent un campement en pleine nature. Ce sont là les dix premières minutes d'un film qui dés cet instant va de plus en plus sombrer dans le n'importe quoi. Tout devient confus, incohérent, on cherche vainement une logique dans la trame narrative qui part tout azimut. Plus rien n'a de sens pas même les dialogues encore moins le comportement des quatre hippies en totale roue libre. Inspiré du meurtre de Sharon Tate et du massacre de la secte de Manson qu'un
des protagonistes cite, Tragic ceremony donne l'impression d'être une sorte de mosaïque, de collage raté de divers sujets qui justement ne collent pas entre eux ce qu'un montage aléatoire accentue malheureusement encore plus. On a beau chercher un sens à tout cela, il est impossible d'en trouver le moindre tant et si bien qu'on abandonne rapidement. Les questions s'amoncellent, pullulent, doit on rire doit on se lamenter? Cela dépendra de l'humeur du jour.
Que d'ingrédients au menu de cette "tragique cérémonie". On a d'un coté un collier de perles
maléfique, une station service fantôme, un pompiste réincarnation du Diable, un manoir lugubre, une histoire de messe noire, un massacre, des personnages silhouettes aucunement définis, une vengeance post-mortem, un soupçon de zombis et de distorsion temporelle pour finir dans la plus totale aberration où métaphysique et double astral se confondent. Voilà qui fait beaucoup pour un seul film qui en quelques minutes plonge dans le comique involontaire. Tragic ceremony joue sur plusieurs tableaux, mélange les genres mais mal agencés, la sauce ne prend pas un seul instant. Du film de hippie, on passe allégrement à une ambiance plus proche du slasher pour flirter ensuite avec le cinéma
d'épouvante gothique pur pour basculer vers le film sataniste et terminer sur une note fantastique. Sans cohésion aucune, le mélange devient vite aussi indigeste que hilarant face à cette histoire sans queue ni tête interprétée par des acteurs déconcertés. De ce fait les idées que tente de développer ce scénario brouillon tombent toutes irrémédiablement à l'eau.
Le seul et unique atout du film outre ce petit air années 70 toujours aussi plaisant via ces quatre jeunes hippies est sa magnifique photographie, ses éclairages somptueux, ce visuel de toute beauté où le temps de quelques séquences on reconnait la patte de Freda, cette
flamboyance qui fit jadis sa renommée. Certaines séquences sont tout bonnement stupéfiantes notamment celle où Jane descend l'escalier qui mène à la salle du sacrifice. Le temps de cette extraordinaire séquence, d'une beauté sidérante, on retrouve toute la majestuosité de Freda, véritable esthète, magicien de l'image et maitre incontesté d'un gothique victorien grande époque. Son coté surréaliste, onirique, en fait sans nul doute le clou du film avec le fameux massacre de la secte sataniste, un passage extrême, délirant, particulièrement gore d'une surprenante violence que le réalisateur nous sert et ressert plusieurs fois durant le métrage lors de flashes-back. Cette soudaine barbarie quelque peu
injustifiée tranche de façon nette avec le reste du film puisque son auteur préconise beaucoup plus l'aspect atmosphérique et visuel du récit que sa cruauté. Les effets sanglants, plutôt réussis, sont signés Carlo Rambaldi qui nous offre entre autres une splendide décapitation, une tête tranchée en deux et des impacts de balles, le tout dans une totale frénésie.
Devenu assez rare au fil du temps jusqu'à son récent dépoussiérage, Tragic ceremony dont on retiendra la très belle chanson du générique étrangement prémonitoire nommée Questa
è la vita Tragic ceremony s'est tissé une petite réputation au sein des amateurs de cinéma Bis grâce à la présence de Camille Keaton au générique. Quelques années avant son inoubliable prestation dans I spit on your grave, Camille était apparue dans un certain nombre de petits films méconnus particulièrement médiocres. Exception faite de Qu'avez vous fait à Solange et le très étrange et fascinant Madeleine anatomia di un incubo, elle s'était ainsi fourvoyée dans Les anges pervers après une apparition remarquée dans Decameron 2: le altre novelle del Boccaccio. Tragic ceremony ne fait pas exception à la
règle, elle trouve là son plus mauvais rôle même si elle y rayonne de toute sa mystérieuse beauté. Hagarde, inexistante, dévitalisée dés le générique d'ouverture, elle traverse le film à la manière d'une somnambule. Si Camille reste Camille, qu'elle demeure l'attrait physique du film, un tel échec fait mal. Que dire de la prestation fantomatique de Luigi Pistilli et Luciana Palluzzi, de la pauvre Irina Dernick sans parler de l'apparition d'un Paul Muller hébété, qui lors d'un final déconcertant mais O combien drôle car tellement délirant se lance dans une explication métaphysique d'une rare absurdité qui restera encore longtemps
dans les annales du cinéma. On savourera par contre la présence du blond et anguleux Tony Isbert (Inquisicion, Enigma rosso, La cruz del diablo), du ténébreux Maximo Valverde, un des sex-symbol espagnols d'alors, et Giovanni Petrucci, irrésistible avec son jean à fleurs et sa guitare, les trois beatnick qui entourent Camille, Pour l'anecdote, Camille avoue s'être éprise de Tony Isbert durant le tournage et avoir beaucoup apprécié Maximo pour sa sagesse et sa gentillesse. Elle confesse également que si elle n'a lié aucun lien avec Freda elle était devenue très amie avec son épouse avec qui elle passait ses journées à faire du shopping puisque le film se tournait la plupart du temps de nuit.
Si Estratto dagli archivi segreti della polizia di una capitale europea, un titre fantaisiste et idiot à l'image du film, vaut essentiellement pour ses effets de style, il reste cependant une curiosité à voir pour son incroyable absurdité, à réserver d'une part aux inconditionnels de Freda qui désirent découvrir son oeuvre au grand complet, si toutefois on peut attribuer le film au cinéaste, d'autre part à ceux qui veulent étendre leurs connaissances du cinéma Bis transalpin sans se mettre de limite.
Suite à ce désastre, Freda se retirera du devant de la scène huit ans durant. Il sortira de sa retraite en 1980 avec le décevant Murder obsession / Follia omicidia qui sera son bien triste chant du cygne.