Il castello dei morti vivi
Autres titres: Le château des morts vivants / Castle of the living dead
Real: Luciano Ricci
Année: 1964
Origine: Italie
Genre: Epouvante
Durée: 87mn
Acteurs: Christopher Lee, Gaia Germani, Philippe Leroy, Donald Sutherland, Mirko Valentin, Antonio De Martino, Luigi Bonos, Jacques Stany, Luciano Pigozzi, Ennio Antonelli, Renato Terra...
Résumé: Au début du XIXème siècle, une petite troupe de saltimbanques est invitée au château de l'inquiétant comte Drago, un passionné de taxidermie, qui vit seul avec son serviteur difforme. Les artistes venus donner une représentation au château afin de distraire l'aristocrate vont bientôt découvrir que sa passion le mène à d’horribles expériences qu'il pratique également sur les êtres humains. Il a pour but de faire de la petite troupe ses nouveaux sujets d'expérience. En embaumant ainsi les êtres, il peut conserver leur beauté éternelle...
Caché sous le pseudonyme anglo-saxon Herbert Wise c'est en fait l'éphémère réalisateur Luciano Ricci à qui on devait déjà en 1962 un gentil petit péplum, Solo contro Roma, qui signa ce film d'épouvante gothique méconnu au titre trompeur, malheureusement resté inédit en France. Trompeur puisque de morts vivants il n'en est ici point question, toute l'intrigue tournant autour des étranges expériences auxquelles se livre le sinistre comte Drago dans le laboratoire de son château. Grâce à un liquide de son invention il pétrifie en fait les êtres vivants, animaux comme humains, conservant ainsi à jamais leur beauté.
Le château des morts vivants n'est certes pas un pilier du cinéma d'épouvante gothique italien, voilà plus une jolie curiosité qui représente en quelque sorte les prémices d'un genre ouvert quatre ans plus tôt avec d'une part Le masque du démon et Le corps et le fouet de Mario Bava, d'autre part La vierge de Nuremberg et Danse macabre d'Antonio Margheriti, tous s'inspirant fortement des productions de la Hammer alors en plein âge d'or, lui empruntant de temps à autre une de ses stars, notamment celui qui restera à jamais l'incarnation de Dracula, Christopher Lee. Il n'est donc pas surprenant de retrouver ici le grand comédien anglais dans le rôle de l'inquiétant comte Drago dont la première apparition, l'accueil qu'il donne à la troupe à leur arrivée au château, rappellera à plus d'un égard celle du célèbre prince des ténèbres.
Oeuvre bancale, Le château des morts des vivants, coproduction franco-italienne tournée avec des capitaux français, s'amuse surtout à mélanger les genres. Voilà qui la transforme en une sorte de melting pot aussi fascinant qu'irritant par moment tant l'ensemble manque de sérieux. Aux éléments récurrents aux films d'horreur dit gothiques, Ricci y mêle d'autres thèmes dont celui du savant fou, de la sorcellerie et des enchantements, de l'éternité à travers cette galerie de personnages vitrifiés, ces mannequins humains qui font référence à La maison de cire et même Le moulin des supplices, la présence de l'Arlequin sans oublier quelques sujets plus sociaux, certes survolés, dont celui de l'itinérance des saltimbanques et la désillusion d'un métier artistique qui leur apporte plus tristesse que bonheur. Ricci saupoudre l'ensemble d'une bonne dose d'humour qui fait par instant lorgner le film vers la comédie horrifique. Voila peut être bien où le bât blesse.
Volontaire ou non, cet humour tue le sérieux du propos si toutefois Ricci a voulu ici écrire une oeuvre un tant soit peu sérieuse. Difficile de le dire et par conséquent de l'interpréter. Aucun des protagonistes ne semble croire un seul instant ce à quoi ils assistent, ce qu'ils vivent dans ce lugubre château. Peut être est ce là le choix de Ricci mais cela enlève pas mal de sa crédibilité au film qui ressemble par instant à une plaisanterie macabre d'autant plus que le cinéaste ne parvient à aucun moment à instaurer une once de suspens et de terreur à cette histoire, un manque cruel qui se fait ressentir tout au long du film. La peur ou tout au moins
l'angoisse n'est il pas l'élément indispensable à tout bon film d'épouvante? Il y avait pourtant de quoi créer une réelle atmosphère avec un tel sujet. La découverte, franchement risible, de l'oiseau vitrifié dans la forêt où toute vie semble avoir disparu , la salle où le comte garde ses animaux embaumés, la chambre où est allongée à jamais l'épouse du comte figée dans l'éternité, un miroir à la main, le petit théâtre de Drago composée de ses victimes immortalisées, la première apparition de la sorcière au milieu des bois... sont autant de moments propre à générer un véritable sentiment de peur, voire de fascination morbide, à créer un certain climat onirique, une dimension fantastique fabuleuse, malheureusement absents. C'est peut être là le plus gros défaut de ce petit film discret qui cependant se laisse visionner avec un plaisir certain.
Par chance, Ricci a en effet magnifiquement su mettre en valeur son décor, celui du château de Bracciano et l'impressionnant parc aux monstres de Bormarzo près de Viterbo, ses sculptures en pierre à l'effigie de créatures monstrueuses effrayantes, qui offre au film quelques unes de ses plus belles visions, le tout sublimé par un magnifique noir et blanc. Toujours au crédit du film ses divers protagonistes. Point besoin de revenir sur la présence de Christopher Lee, égal à lui même, dont la prestance est toujours aussi impressionnante ici flanqué d'un serviteur effrayant, difforme, interprété par l'excellent Mirko Valentin qui de par son faciès étrange fait indubitablement penser à Reggie Nalder. Il faut par contre un peu plus s'attarder sur les personnages des freaks, Dart le costaud sourd-muet et surtout Nick le nain
qui dans le film tient une part essentielle. Le plus souvent relégués à des rôles secondaires voire de troisième plan destinés à faire rire ou à jeter une ombre un brin malsaine rares furent les nains qui eurent une véritable fonction au sein d'un film d'horreur classique. Nick, joué par Antonio De Martino qu'on put voir par la suite dans quelques petites productions italiennes et ibériques et dans de nombreuses séries télévisées, est un personnage à part entière sur lequel une bonne partie du scénario repose tant et si bien qu'il en devient presque le héros, effaçant quelque peu le reste de la troupe dont on a finalement que faire, trop peu développé pour qu'on puisse réellement éprouver un quelconque sentiment face à leurs déboires.
Intéressant également est la sorcière qui reprend l'imagerie des contes de notre enfance, une vieille femme horrible au nez crochu qui porte des haillons et agite son bâton tout en récitant des incantations et autres sombres prophéties. Il est une fois de plus dommage qu'elle perde toute aura maléfique faute à un metteur en scène incapable de donner la moindre dimension à ses différents personnages.
On aura par contre plaisir à retrouver une sympathique brochette d'acteurs pour la plupart à l'aube de leur carrière. Aux cotés de Christopher Lee s'agitent donc Philippe Leroy, Luciano Pigozzi, Jacques Stany et Gaia Germani. La grande curiosité provient de la présence au
générique de Donald Sutherland alors inconnu dans un triple rôle, celui d'un paysan, du chef de la police un rien benêt et de... la sorcière!
Le château des morts vivants n'est pas parfait et le ton employé par le cinéaste pourra décevoir tant il gomme la puissance fantastique de son récit. Cependant Le château des morts vivants se laisse visionner sans mal pour son esthétisme, son coté ludique et désuet qui fait tout le charme des films gothiques que les amoureux du genre apprécieront. Cette sympathique petite série aujourd'hui exhumée, du moins pour ceux qui ne connaissaient pas encore la version italienne, dont la rareté la classe dans la catégorie des oeuvres oubliées du cinéma Bis transalpin hautement recherchées par l'amateur devrait séduire un public pas trop exigeant et distraire délicatement les plus pointilleux. Dans tous les cas, voilà un film qui ne demande qu'à être découvert.