Eviration - Bramosia dei sensi
Autres titres: Los cachorros
Real: Jorge Fons
Année: 1973
Origine: Mexique
Genre: Drame / Horreur
Durée: 110mn (version espagnole) / 87mn (version italienne)
Acteurs: José Alonso, Helene Rojo, Carmen Montejo, Augusto Benedicto, Gabriel Retes, Pedro Damian, Arsenio Campos, Dunia Saldivar, Ivonne Govea, Eduardo Cassab, Maria Rojo, Silvia Pezet, Luis Torner, Silvia Mariscal...
Résumé: Un chien échappé de sa cage, rendu furieux par une bande de gamins, pénètre dans les douches du gymnase de l'école où un petit garçon prend sa douche. Il l'attaque et le castre. Devenu adulte, il a beaucoup de mal à supporter de voir ses amis draguer et sortir avec leurs petites amies. Il les épie faire l'amour, frustré. Il développe lentement une haine envers les femmes qui régulièrement le jettent, effrayées lorsqu'elles découvrent son secret. Il rencontre alors une jeune modèle dont il tombe amoureux mais lorsqu'elle s'offre enfin à lui, elle aussi le jette après avoir constaté son infirmité. Après ce nouvel échec, le jeune homme perd doucement la raison...
Venu du documentaire, le réalisateur mexicain Jorge Fons mit en scène pour une de ses rares productions cinématographiques le roman de Mario Vargas Llosa, Los cachorros, petite rareté du cinéma d'exploitation mexicain qui aujourd'hui fait définitivement partie de ces perles oubliées et difficilement visibles que l'amateur rêve un jour de découvrir. Le point de départ de cette tragique histoire est un accident, terrible, abominable. Un enfant, Roberto
(Cuellar dans la version espagnole), alors qu'il est entrain de prendre sa douche se fait castrer par un doberman en fuite, rendu furieux par une bande d'adolescents qui cherchaient à méchamment le taquiner. Devenu adulte, Roberto, privé de sa virilité, ne supporte pas que ses amis puissent draguer et faire l'amour à leurs petites amies. Frustré, jaloux, malade, il les épie. Sous l'emprise de pulsions aussi sadiques que meurtrières il frappe à mort une fille qui tentait de lui faire l'amour avant de découvrir avec stupeur son terrible secret. C'est alors qu'il tombe amoureux d'une belle modèle mais l'impossibilité d'avoir une vie normale, l'effroyable peur qu'elle découvre son émasculation le fait doucement basculer dans la folie.
Voila un scénario fort alléchant qui devrait plaire à tout fervent amoureux de cinéma aussi glauque que malsain. Le résultat sans être exceptionnel est réellement digne d'intérêt si on se penche sur la version italienne fort différente de la version originale mexicaine plus longue certes mais beaucoup moins violente et surtout épicée quant au contenu sexuel. En fait la version mexicaine nous présente un peu plus Roberto enfant, sa vie, ses parents, ses amis, tout un background absent de la copie italienne qui s'ouvre directement sur l'hallucinante castration du petit garçon. Mais la plus grosse différence, outre le montage, est l'aspect sexuel du film qui grâce à de très nombreux inserts tournés en Italie fait basculer l'ensemble dans la pornographie soft. Le titre italien Eviration - Bramosia dei sensi (l'explosion des sens) est en ce sens tout spécialement explicite et reflète parfaitement le film qui nous présente une image délurée de la jeunesse mexicaine estampillée années 70 résumée par la désormais célèbre équation Sexe, drogue and rock'n'roll (psychédélique bien entendu).
Illustré par des dialogues italiens délirants mais souvent absurdes signés Lorenzo Artale (les dialogues espagnols sont là encore différents), Bramosia dei sensi fait définitivement partie des films les plus fous mais originaux que la Botte nous ait présenté même si la réalisation est quelque peu hasardeuse et que la trame narrative s'étire en longueur après un prologue hallucinant, un des plus brutaux et réalistes que l'exploitation transalpine nous ait offert avant de quelque peu repartir lors de la dernière demi heure. C'est donc cette ouverture qu'on retiendra principalement.
D'une sauvagerie sidérante, l'attaque canine risque d'en mettre plus d'un mal à l'aise, rendue encore plus brutale par une caméra frénétique, les hurlements de l'enfant, l'agitation qui règne dans la douche et les flots de sang qui envahissent l'écran. On ne retrouvera malheureusement plus un tel climat d'hystérie et de fureur par la suite, le film virant alors vers la pure sexploitation. On découvre Roberto devenu adulte entouré de ses nouveaux amis qui ne pensent qu'à draguer et forniquer. Les nombreux inserts nous offrent alors de longues scènes d'ébats sexuels à la limite de la pornographie, de nombreux plans de nudité tant féminine que masculine tandis que Roberto espionne ses collègues. Voilà qui est suffisant pour créer une atmosphère malsaine, morbide souvent glauque, renforcée par une image crasse, griffée, des tons verdâtres qui donnent à l'ensemble un aspect parfois maladif et une intéressante partition musicale qui se permet également de reprendre une version au piano du Love de John Lennon.
Il faudra attendre la seconde partie du film pour retrouver l'espace de quelques instants cette violence graphique à partir du moment où Roberto retrouve un ami d'enfance, Andrea, qui lui présente une jeune fille. Après qu'Andrea les ait laissé seuls dans sa voiture en plein désert, la fille aguiche Roberto qui se prend au jeu, se laisse séduire puis déshabiller jusqu'au moment fatidique où la malheureuse en plongeant sa main dans son pantalon découvre son secret. Pris d'une rage incontrôlable, il frappe à coups de poing la pauvre fille qu'il laisse pour morte. Roberto sombre alors progressivement dans la folie, incapable d'assumer son handicap, rongé par son secret inavouable et la haine des femmes qui croit en lui, alors qu'il entretient avec sa mère une relation trouble, unique femme chez qui il peut trouver amour et compréhension. Le rejet de celle qu'il aime débouchera sur une tragédie inéluctable. Seule la mort pourra enfin le délivrer de ce mal qui le détruit.
Bramosia dei sensi derrière son coté exploitatif cache en fait un véritable drame, une terrible souffrance, celle d'un homme qui ne pourra jamais connaitre les plaisirs charnels mais également celui d'aimer et d'être aimé, condamné à être sans cesse rejeté, à cacher ce douloureux handicap qui lentement le mène à la folie, pris entre ses ardeurs et l'impossibilité de les vivre. Le film de Fons est donc loin d'être anodin et mérite donc toute l'attention de l'amateur d'autant plus que si la mise en scène est parfois maladroite, hésitante, si les incohérences s'accumulent du moins dans la version italienne, l'aspect morbide de l'ensemble, sa foison de nudité souvent très osée et cette émotion que le cinéaste tente de
lui apporter lui apporter un indéniable cachet. Certains trouveront un peu dommage que l'exploitation l'emporte trop souvent sur le coté humain, émotionnel, reléguant parfois le drame de Roberto au second plan mais ces abus voyeuristes totalement gratuits en raviront cependant plus d'un, amoureux d'un certain cinéma pervers fait pour satisfaire leurs vils instincts. Sans être extraordinaire José Alonso est un Roberto acceptable et plutôt crédible même si la folie de son personnage n'est malheureusement pas assez accentuée. Parmi les acteurs on remarquera la beauté de Pedro Damian qui interprète Andreas tandis que certains reconnaitront l'énigmatique nymphette qui émoustillait Christian Borromeo dans Pensione amore Servizio completo, présente ici dans les inserts hardcore en début de film.
Ni très violent, ni même sanglant si on excepte la scène d'ouverture et quelques débordements en cours de métrage, Eviration - Bramosia dei sensi est avant tout un film d'atmosphère, crasse, glauque qui oscille sans cesse entre pure exploitation et drame humain, ce dernier aspect plus présent dans la version originale. Chacun choisira donc la copie qu'il préfère selon ses tendances mais quoiqu'il en soit, le film de Fons est une petite gemme méconnue voire oubliée de la sexploitation transalpine particulièrement difficile à se procurer aujourd'hui à moins de tomber sur une des copies qui dans les années 80 passait régulièrement sur les chaines nocturnes ibériques.
Sorti au Majestic de Milan, la première salle de cinéma porno italien, Eviration - Bramosia dei sensi fut un considérable échec hué par les spectateurs déçus de constater qu'il ne s'agissait pas d'un véritable hardcore mais d'un simple film de sexploitation. Furieux ils saccagèrent la salle et exigèrent de la caissière qu'elle les rembourse.