Concerto per pistola solista
Autres titres: Murder party / The Weekend murders / Story of a crime / The butler Didn't do it / The killer's weekend / Concierto para pistola solista / El juego de la muerte
Real: Michele Lupo
Année: 1970
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 104mn
Acteurs: Anna Moffo, Ida Galli, Gastone Moschin, Lance Percival, Giacomo Rossi-Stuart, Marisa Fabbri, Quinto Parmeggiani, Beryl Cunningham, Orchidea de Santis, Peter Baldwin, Chris Chittell, Claudio Undari, Franco Borelli, Nallard Berkeley, Richard Caldicot, Harry Hutchinson...
Résumé: Un nouveau cadavre est trouvé sur le terrain de golf d'un superbe cottage appartenant au baron Henry Carter décédé il y a peu. Scotland Yard ouvre une enquête puisque les meurtres ont commencé quelques jours auparavant juste après la lecture du testament du baron. Homme acariâtre, toute sa famille le détestait comme il détestait sa famille. La découverte du testament n'est donc pas une surprise. Aucun héritera si ce n'est Barbara, sa nièce, fidèle et dévouée. Elle reçoit l'intégralité de sa fortune à la colère générale. C'est là que les assassinats ont débuté. Les membres de la famille sont tués tour à tour par un mystérieux et habile assassin que vont traquer un inspecteur de Scotland yard et le sergent local...
Réalisé par Michele Lupo, un vieux routard du thriller et de l'enquête criminelle, Concerto per pistola solista est un des plus insolites giallo que l'Italie ait produit non pas pour l'originalité de son scénario plutôt classique mais pour son traitement tout à fait hors norme. Ce jouissif petit thriller reprend en effet les bases du giallo traditionnel mais en les transposant sur le sol anglais pour très vite dériver vers un produit type des oeuvres d'Agatha Christie dont Dix petits nègres mâtiné d'un humour britannique souvent assez noir et piquant.
Lors d'une partie de golf donnée sur les terres d'un riche cottage, un cadavre est découvert. Ce n'est qu'un mort de plus puisque les meurtres semblent avoir commencé quelques jours plus tôt à la lecture du testament du baron Henry Carter, un vieil aristocrate haï de sa famille autant qu'il la hissait lui même. Le testament est à la hauteur de sa haine. Sa nièce Barbara, dévouée et attentionnée, se voit en effet remettre l'intégralité de sa fortune à la consternation de tous puisqu'ils ne reçoivent qu'un commentaire particulièrement blessant en guise d'héritage. Un vent de rage souffle alors sur le domaine où sont regroupés les membres de la famille. C'est alors que les tentatives d'assassinats et les véritables morts débutent dans une atmosphère lourde et tendue où chacun est un coupable potentiel. L'inspecteur Grey venu de Scotland Yard vite rejoint par un sergent local, Aloysius Thorpe, aussi ahuri que futé, mènent alors l'enquête.
Si les essais italiens de thrillers à l'anglaise ne furent pas rares dans les années 60 et 70, on se souvient entre autres de Il coltello di ghiaccio, Concerto per pistola solista fait un peu figure à part tant Lupo a réussi là un coup de maitre en retranscrivant à la perfection l'univers d'Agatha Christie tout en y ajoutant une bonne dose d'humour souvent très noir qui frise souvent le cynisme voire la moquerie. On en veut pour preuve le tandem que forme l'inspecteur Grey, véritable hybride entre Sherlock Holmes et Hercule Poirot, et le sergent local Thorpe, un rêveur un peu bêta et surtout maladroit, qui pourtant en accumulant bourdes sur gaffes fit progressivement avancer l'enquête et en trouvera même le fin mot dans la plus grande tradition des romans policiers anglais. Le duo est une des forces du film et leurs sempiternelles joutes verbales est un véritable régal qui de surcroit ne sombrent jamais ni dans la facilité ni dans le ridicule. Fin, subtil et drôle, le tandem conduit donc l'intrigue au fil des meurtres et pseudo meurtres, autre bel atout de ce singulier thriller.
Entre farce macabre et énigmatique tueur en liberté, Concerto per pistola solista ne cesse de jouer grâce notamment au personnage étrange et trouble de Georgie, le jeune fils de Lady Gladys Kemple, un garçon frustré étouffé par une mère rigide qui l'obsède dont le passe-temps est de faire des farces sinistres et particulièrement sanglantes (la cadavre exsangue dans la baignoire) lorsque déguisé et masqué il ne s'attaque pas à la belle et plantureuse domestique. C'est donc très souvent entre vrais et faux meurtres que l'intrigue nous promène ajoutant ainsi une nouvelle et très jolie touche d'humour macabre à l'ensemble. Il ne reste plus qu'à tenter au spectateur de démasquer le véritable coupable et le choix est large puisque chacun des protagonistes mène une vie dissolue et parfois bien énigmatique qui n'est pas faite pour faciliter les choses. On peut ici tirer sa révérence au
scénariste Sergio Donati qui a su avec brio et intelligence mêler l'essence même du roman policier anglais et l'ironie la plus pure sur un ton aussi strict que décontracté, trouvant sans cesse le juste équilibre entre les deux, tout en respectant à la lettre l'univers d'Agathie Christie qu'il tourne par instant à la dérision. Concerto per pistola solista, tourné aux abords de Londres dans la verdoyante campagne anglaise, est en fait un habile mélange de comédie noire, très noire, et de giallo mis en scène avec adresse et subtilité par Lupo qui sublimine tout simplement le travail de Donati jusqu'au dénouement où tout ce beau monde sera regroupé au sommet du manoir, dans une des tours abandonnées, dans laquelle le meurtrier fomentait ses plans machiavéliques à l'aide d'un système fort ingénieux digne des trouvailles les plus diaboliques. Et le final, grandiose, est à la hauteur du scénario et ne décevra aucunement, à la fois tragique et terrible, puisque cette fois c'est l'amour qui est à la base de ce joyeux carnage, un amour impossible, celui là même qui conduit à la folie.
Si on saluera la mise en scène de Lupo et la beauté de la photographie qu'on doit à Aristide Massacessi, on applaudira également l'interprétation de toute une brochette d'acteurs particulièrement délectables tous plus réjouissants les uns que les autres, en tête Gaston Moschin, irrésistible et parfait dans le rôle du sergent Thorpe, étonnant et très à l'aise dans le registre comique. ici magistralement doublé par le truculent Carlo Romano, Ida Galli dont c'était là le second essai dans le genre après Le doux corps de Deborah est ravissante d'ambiguïté tandis que la polyvalente Marisa Fabbri a la sévérité physique de son rôle. La prestation de Giacomo Rossi-Stuart, enthousiaste, est quant à elle tout à fait jubilatoire. Le jeune Christopher Chittell, habitué des séries télévisées anglaises, est parfait dans la peau de l'inquiétant neveu. La brune Anna Moffo nous gratifie d'un nu intégral certes fugace mais toujours plaisant. On appréciera la présence de la toujours charnelle Orchidea De Santis ainsi que celle de Beryl Cunningham dont on admirera l'élégance toute seventies et les magnifiques tenues et perruques. Chacun s'en donne à coeur joie et prend un malin plaisir à jouer son personnage, avec une joie et une bonne humeur communicative.
Rythmé par une excellente partition musicale signée Francesco De Masi qui y inclut quelques passages du Concerto N°1 de Tchaikovsky qui donne au film son titre, Concerto per pistola solista est un surprenant petit thriller à l'anglaise tourné par un italien absolument parfait à la fois drôle, explosif, nerveux, noir, ludique et féroce. Inédit sous nos cieux, voilà un giallo-rosa méconnu qui mérite toute l'attention de l'amateur qui le dégustera à l'heure du thé avec quelques madeleine de Proust. S'il reste en marge de la production giallique habituelle et par conséquent n'est que peu représentatif du genre le film de Lupo n'en est pas moins un délicieux moment d'humour et de suspens sur fond de campagne anglaise.